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EAN : 9782491521042
256 pages
Les Avrils (06/01/2021)
3.72/5   139 notes
Résumé :
Esther attend ses quatre enfants, Vanessa, Bruno, Alexandre et Carole, pour un déjeuner familial. Toutefois ses espoirs de réunir la fratrie sont déçus car certains sont en retard, tandis que d'autres ne viennent pas. Les rancoeurs et les querelles anciennes ressurgissent, mais aussi les souvenirs des jours heureux.
Premier roman.
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Critiques, Analyses et Avis (92) Voir plus Ajouter une critique
3,72

sur 139 notes
Je referme cette lecture heureuse que mon a priori un peu négatif ait été infirmé. En lisant la quatrième de couverture, j'ai un peu levé les yeux aux ciel : encore un énième roman français sur une famille dysfonctionnelle racontée par la mère. Soit. Rien de neuf en ce qui concerne la thématique mais un regard d'une grande acuité pour un portrait familial finalement très cruel et désenchanté sans pour autant sombrer dans la noirceur ou l'ironie. Un bel équilibre.

Ce que j'ai le plus apprécié, c'est la caractérisation de chacun des membres de la famille, tous présentés dans leur complexité et dans le souci de fouiller très précisément la psychologie de chacun. 

La mère. Esther. A travers elle, Alexandra Matine compose un très beau portrait de femme qui, à la soixantaine, réalise que sa famille qu'elle a cru construire n'est pas soudée comme le voudrait. Fragile et vulnérable. Ses quatre grands enfants se sont éloignés d'elle, surtout du père, un tyran domestique. A peine se voit-il aux grandes occasions, rarement tous ensemble.

Les quatre enfants.

Alexandre, le fils préféré du père qui a eu des attentes démesurés pour le mettre à son moule : « Il n'avait pas le choix. C'était lui sur la ligne de front et pour toujours, c'était son rôle de protéger les autres. de se mettre en avant, d'attirer la lumière. Parce que l'ombre protège de l'astre puissant qu'est le père. Un astre qui brûle, abime, réduit. Une lumière qui poursuit implacable au milieu du désert ».

Bruno, qui a poussé dans l'ombre du grand frère, ignoré : « Il lui semblait qu'il avait vécu toute son enfance, là, derrière cette porte entrouverte, dans le silence, retenant sa respiration et espérant que se tairaient un jour les cris d'admiration de son père et des adultes pour Alexandre. »

Vanessa, la « grande dernière », celle à qui Esther ne pardonne pas d'être partie à 18 ans en Australie, de l'avoir rejeté alors qu'elle ne faisait que vivre sa vie entre insouciance et égoïsme : « Les absences, pour Esther, ce sont les creux que Vanessa a laissés. Des trous béants dans lesquels elle tombe parfois, au hasard d'une balade dans Paris, d'un parfum, du scintillement d'un objet. Elle cède à l'appât du vide, espérant y retrouver des traces de leur passé. »

Et puis, Carole, la soeur aimée, bien laide par rapport à l'aura de sa petite soeur, celle qui dès qu'elle a la parole part en monologues logorrhéique, trop heureuse d'être entendue, juste un peu.

Tout est juste dans la radiographie de cette famille qui s'évite pour garder les non-dits non dits. Ou la famille comme cage dans laquelle on est enfermé toute sa vie sans pouvoir la choisir : jalousies et conflits entre frères et soeurs, peur de décevoir, angoisse de voir s'éloigner les enfants, silences pesants ... il n'y a aucun secret à déterrer, juste des membres d'une famille obligés de cohabiter ensemble à certains moments.

Dans ce premier roman intimiste très réussi, je regrette juste quelques systématismes de l'auteure qui peuvent donner un côté répétitif. D'abord l'image de la tapisserie tissée comme métaphore de la famille, trop récurrente. Et puis, un procédé narratif, très théâtral ( un coup de fil, un enfant qui annule sa venue à un déjeuner ) qui aurait gagné à être cassé.

Lu dans le cadre du collectif les 68 Premières fois
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Dans Les Grandes Occasions, son premier roman, Alexandra Matine nous dépeint Esther, l'épouse de Reza, qui par un jour de canicule, a dressé une grande table sur la terrasse de leur appartement et attend ses enfants pour le déjeuner. Cela fait des années qu'ils n'ont pas été rassemblés ici. Mais l'heure tourne et il paraît de plus en plus improbable que la famille soit réunie autour de la table.
On serait tenté de dire, mais qu'est-ce que je vais m'ennuyer à rester avec cette femme à attendre et encore attendre, avec une température et une atmosphère aussi étouffantes ? Que nenni, car Esther, tout en restant chez elle, se déplaçant seulement de la cuisine à la terrasse, va nous emmener dans sa mémoire, et alors quel voyage !
Elle repense à sa vie de jeune femme infirmière puis à sa rencontre avec Reza, ce jeune étudiant médecin venu d'Iran car dit-il « En Iran, il avait faim, en Iran, même les médecins ont faim.»
Elle évoque ensuite la naissance de leurs quatre enfants Carole, Alexandre, Bruno et Vanessa, Vanessa, la petite dernière, qui, lorsqu'elle part, laisse derrière elle le grand vide. Car, depuis son départ, s'ils reçoivent des voisins ou amis, ce ne sont en fait que les patients de Reza, dont celui-ci aime s'entourer pour les entendre le louer, l'admirer, le remercier. Esther aimerait bien aussi parler d'elle, ou parler des enfants. Mais quand elle en parle, « c'est comme si Reza disparaissait, il se soustrait.»
C'est un récit extraordinairement vivant et envoûtant qui nous est donné à lire. le récit d'une famille où l'on sait ni se parler ni s'écouter. Chacun des personnages, que ce soient les parents ou les enfants reste à distance et n'arrive pas à montrer ses sentiments.
Les trop nombreux silences et non-dits les ont conduits à une complète incompréhension, impossible à briser. Entre eux, une tension permanente persiste.
Le tyrannisme du père traumatisé par son enfance en Iran, le conflit entre les frères, l'angoisse pour la mère en voyant s'éloigner ses enfants nous montrent comment des liens familiaux que l'on dit souvent indéfectibles peuvent se briser. Cela fait également écho à cette belle chanson de Maxime le Forestier « Né quelque part » dont les premières paroles sont : « On choisit pas ses parents, on choisit pas sa famille. »
L'auteure démontre avec ce premier roman fort réussi que les relations familiales peuvent facilement se détériorer sur une accumulation de silences et de non-dits.
Si, à mon avis, l'écrivaine a peut-être un peu forcé la dose en dépeignant cette désunion et en choisissant des cas sans doute exagérés, néanmoins, elle met en avant ce qui est certainement commun au sein de nombreuses familles, à savoir les secrets et les incompréhensions.
Ce que j'ai particulièrement aimé dans ce roman, c'est la manière dont Esther conçoit la famille, la comparaison avec une tapisserie dont elle tisserait les fils de soie colorés année après année : « Des milliers de petits noeuds délicats dont parfois un, malgré elle, se brisait. » L'épouse d'Alexandre s'appelle curieusement Pénélope… L'auteure sous-entendrait-elle que ce sont principalement les femmes qui tissent les liens familiaux ?
Je remercie les éditions Les Avrils - Une nouvelle collection de littérature au sein du groupe Delcourt, ainsi que Babelio pour m'avoir donné l'opportunité de découvrir ce beau roman.

Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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C'est à la famille de décider du sort d'Esther qui, aujourd'hui, gît sur un lit d'hôpital. En bonne santé mais sans aucune activité cérébrale, les médecins ne peuvent que la maintenir en vie, branchée de toutes parts. Reza, son mari et médecin de profession, aura le dernier mot, ses quatre enfants le savent...
Pourtant, il y a encore peu, Esther s'activait chez elle. Impatiente, en ce dimanche caniculaire, d'accueillir toute sa famille. La table a été mise sur la terrasse malgré la chaleur, Reza, beaucoup plus réticent à déjeuner dehors, s'est acharné sur le parasol qu'il a tenté de disposer afin que la plupart soit à l'ombre. Esther a cuisiné, disposé trois petits bouquets de fleurs sur la nappe d'un blanc étincelant. Et maintenant, penchée par-dessus la balustrade, elle guette l'arrivée de ses enfants et petits-enfants, et attend, comble les minutes de souvenirs...

De ces souvenirs apparaît peu à peu une famille désunie, source de non-dits, de secrets, de rancoeurs, qui, au fil des années, a vu chaque membre s'éloigner un peu plus des autres. Pourtant, le seul voeu et espoir d'Esther est qu'en ce dimanche, elle puisse enfin les réunir tous ensemble, elle qui a tout fait pour tisser et broder entre ses quatre enfants des liens indéfectibles. Des fils bien trop fragiles, semble-t-il... Si les relations entre les enfants sont tendues, éloignées, évitées, celle entre Esther et Reza est faite de silence et d'ignorance. Avec ce premier roman, Alexandra Matine dépeint, brillamment et avec beaucoup de finesse, les relations compliquées, parfois houleuses, au sein d'une même famille. Ce tableau de famille qu'Esther a tenu à rendre parfait perd peu à peu, au fil des souvenirs égrenés, de son éclat, de sa splendeur, de sa luminosité jusqu'à devenir bien terne. Un roman sensible, à la fois beau et cruel, à la plume poétique et mélancolique...
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Dès les premières lignes, on sait quoi s'en tenir sur le futur proche d'Esther. Sa vie est suspendue à la décision de la famille, et surtout celle du père, censé avoir les compétences requises, en sa qualité de médecin.

On apprend alors qui est Esther, cette femme qui souhaite que le repas de midi se déroule dehors, à l'ombre d'un parasol, en compagnie de ses quatre enfants et de leurs familles. Il fait très chaud. Sa plus jeune fille et l'un de ses fils ont appelé pour décommander. Alors Esther se souvient, ressasse et raconte l'histoire de cette tribu dispersée et divisée. Sa vie d'épouse soumise, auprès d'un mari qui doit se rassurer en affirmant haut et fort qu'il est un bon médecin, et que ses patients ont de la chance. On comprend peu à peu les failles et les blessures qui ont fragilisé un édifice construit sur du sable.

Le roman s'ouvre sur une évocation de l'incipit de l'Etranger. Et se poursuit sur un récit qui évoque le sublime roman de Virginia Woolf Ms Dalloway. Il y manque cependant la grâce, sous-tendue par la fragilité de l'écrivaine anglaise.

On ressent à la lecture l'ennui de l'héroïne et le poids d'un quotidien subi. le personnage du mari est très antipathique mais rien ne laisse entrevoir une issue favorable, même pas celle de réunir ses enfants pour un repas partagé. C'est sombre et assez désespéré. Un bilan d'échecs programmés.

Même si cette histoire est hélas le reflet de bien des situations familiales où les non-dits se sont cristallisés en impasses affectives délétères, je n'ai éprouvé peu d'empathie pour ces personnages, voire de l'inimitié pour certains, et cela m'a laissée à distance du propos.
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Elle gît aujourd'hui sur un lit d'hôpital,

Esther qui ne demandait qu'à être aimée, qui avait rencontré, croit-elle, l'amour de sa vie, qui laissera son métier d'infirmière pour se consacrer à ses enfants, une femme qui, telle Pénélope va tisser la toile de sa vie, car ce tapis imaginaire qu'elle composera noeuds après noeud ne sera autre chose qu'une toile propre à retenir la progéniture, à la garder pour elle, femme en mal de reconnaissance qui subira bien des affronts de la part de son mari comme de ses enfants.

68 premières fois
Challenge Multi-défis

Alors elle attend, elle attend les grandes occasions ... la richesse qu'elle espère, c'est de voir encore une fois, rien qu'une fois, sa famille réunie...


Ce roman est le roman d'une attente, de l'espérance d'une vie, une vie racontée durant cette longue attente, une vie ... de famille ? Peut-être...



Si j'ai apprécié ce roman dans lequel la psychologie tient une part importante, et si je me suis attachée au devenir des personnages, je ne peux pas affirmer que j'ai pleinement apprécié le récit, question de style. J'ai toujours autant de mal avec la façon dont certains auteurs brodent autour du sujet, des phrases courtes, souvent non verbales, qui noient la trame dans une multitude de détails non essentiels, même si je reconnais que dans le présent roman, c'est peut-être nécessaire car ce récit est le fruit d'une pensée et une description détaillée de la psychologie de notre héroïne.

Il n'en demeure pas moins un écrit intéressant et profond.
Lien : https://1001ptitgateau.blogs..
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Citations et extraits (61) Voir plus Ajouter une citation
Elle songe aux vies qu’on a entassées là. Il y a les passés auxquels on ne veut plus penser, les futurs qui n’auront jamais lieu. Ça la fait frissonner. Elle pense, toutes les caves sont comme des tombes. Elle baisse les yeux en marchant au milieu d’elles. Un respect, quelque chose comme de la solennité. Aussi l’impression de ne pas devoir être là. Qu’il ne faudrait pas qu’elle soit là. Qu’elle passe trop près de la vie des autres. Les caves se remplissent avec la vie qui passe, on les bourre de choses qu’on oublie en pensant ne pas les oublier, on se dit que cette chose est là, à la cave, et ça suffit pour se convaincre qu’on ne l’a pas oubliée.
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C'est important, pour la mère, que les cartons soient bien rangés. Que l'enfance reste propre et protégée. Elle leur avait demandé s'ils voulaient garder des choses. Ils ont dit : " jette, maman, jette." Mais elle n'a rien jeté. C'est aussi son travail de mère de garder les souvenirs intacts. Elle les garde pour que les enfants puissent se les rappeler. Se les rappeler avec elle. Les enfants oublient leur enfance. Ils en retiennent des impressions, des sensations. Quelques événements. Mais ils oublient. L'enfance c'est un moment qui appartient aux parents. Alors elle l'a gardée, bien rangée, bien protégée. Les enfants peuvent s'y replonger. Ils s'y replongeront un jour. Et ils auront les mêmes souvenirs que leur mère. Ils auront ça à partager. L'enfance ne sera plus seulement à elle. Elle sera à eux aussi. À eux tous. À eux ensemble.
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Dans la famille, il n’y a pas d’affection. On ne sait pas se toucher. Le corps est absent, aussi absent que les espoirs. La même peur de décevoir. La même peur du rejet, de l’énervement formidable si on s’approche trop. Chacun doit rester en soi. Se maîtriser. Ne pas donner aux autres la responsabilité de s’aimer. Ne pas faire des autres la raison de s’aimer. Les frères et les sœurs, le père, la mère vivent dans la gêne de ces corps dont ils ne savent pas quoi faire. L’embarras des bras qui veulent s’élancer parfois. Qu’il faut contraindre. Qui ne sauraient pas où se poser.
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Ils disent qu’il faut la civière spéciale. L’un des ambulanciers part en courant la chercher dans le camion. Alexandre s’avance. Il demande s’il peut aider. Il désigne Bruno aussi. Il dit :  « On peut vous aider. » L’ambulancier, sans le regarder, dit : « Non, merci monsieur, ça ira. On a l’habitude. » C’est affreux ce mot, habitude. La mère est une habitude. Ils ont déjà fait ça. Peut-être même déjà aujourd’hui. Ils ont l’habitude. Rien de spécial pour eux. Ils savent faire. Ce n’est pas normal de savoir faire ça. De dire « c’est une habitude ». De dire de leur mère écartelée, dénudée, intubée sur le lit, « c’est l’habitude », Alexandre recule. Il retrouve dans le coin le reste de la famille anxieuse.
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Il lui avait fallu trois enfants, trois départs, et la menace d’un quatrième pour comprendre ce que c’était qu’être mère. Le destin d’une mère, c’est de laisser partir ses enfants. De son ventre, de sa maison, de ses bras. Les douleurs de l’enfantement ne sont rien comparées à la douleur éternelle de la séparation. Mettre au monde ce n’est pas accoucher, c’est se laisser abandonner.
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Video de Alexandra Matine (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Alexandra Matine
Alexandra Matine a 35 ans. Elle vit à Amsterdam. 'Les Grandes Occasions' est son premier roman. Écriture hypnotique, construction implacable, acuité folle, elle s'empare ici du vaste sujet qu'est la famille. - mis en ligne par les éditions Les Avrils.
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