Liv van Dalfsen a perdu sa mère très jeune. Heureusement, Gloria – leur femme de ménage – a su apporter une présence féminine, voire maternelle, à la fillette. Aujourd'hui adulte, Liv peine à s'affirmer face aux attentes de son père Piotr, grand magnat des affaires. La voie semble toute tracée, il a tout décidé à sa place : de sa carrière (avocate) à ses amours (Gaspard, issu lui aussi d'une famille nantie). Rien ne convient à Liv, bien entendu, et elle se débat tant bien que mal pour enfin faire entendre sa voix. Car loin du glamour des plaidoyers à la Cour et de leurs revenus mirobolants, Liv rêve avant tout de devenir autrice illustratrice. Ainsi, elle passe un marché avec son père : il l'autorise à habiter quelques semaines dans leur résidence secondaire en bord de mer pour lui laisser toute latitude de terminer son premier roman. En retour, si elle échoue, elle se consacrera sans plus rechigner à ses études de Droit. Sur place, désireuse de vivre les événements avec autant d'intensité que son héroïne, Liv se jette à la mer, vêtue d'une robe de mariée. Croyant au suicide, un passant se précipite à sa rescousse. En dépit de ce quiproquo pour le moins original, Liv tombe sous le charme de Solal qui, en revanche, ne l'entend pas de cette oreille. S'engage une formidable partie de « fuis-moi, je te suis ».
J'ai adoré la personnalité de Liv, son côté fantasque et immature. Sans tomber dans les clichés de la femme-enfant, elle est vive, intense, fascinante. Et il faut bien un esprit solaire pour contrecarrer les démons de Solal !
Laureline Maumelat déconstruit avec humour l'image façonnée et réglée au millimètre près de l'héroïne de romance, posée et bien sous tout rapport. Liv n'en est que plus unique et authentique. Quant à Solal, lumineux en présence de sa fille Naya, il ploie pourtant sous le poids des responsabilités. Entre la gestion de son entreprise artisanale et les absences de Léonard, il y a de quoi perdre pied, surtout lorsqu'on est un père célibataire. Il vit constamment sur le fil du rasoir et voit donc d'un mauvais oeil l'irruption de cette voisine privilégiée dans sa vie. Née avec une cuillère en argent dans la bouche, il a l'impression qu'elle ne comprend rien à ses combats. Elle ne fait que remuer encore et encore le couteau dans la plaie. Ses amours ne sont pas simples elles non plus. Liv l'attire autant qu'il la repousse, avec pour premier dénominateur commun : Naya. À travers la fillette, ils vont apprendre à arrondir les angles, à adopter le point de vue de l'autre, à gommer leurs erreurs pour mieux aller de l'avant. À s'apprivoiser l'un l'autre, tout simplement. Cette dynamique familiale est parfaitement développée, que l'on parle de Liv, Gloria et Piotr, ou de Solal, Naya et Léo. Et cela rend tous ces personnages terriblement attachants. Même les plus antipathiques possèdent des bons côtés qui nous poussent à revoir notre jugement, loin de tout manichéisme. de la même façon, les lieux de l'intrigue peuvent paraître stéréotypés de prime abord – c'est l'amour à la plage – mais l'autrice casse à nouveau les codes en les transposant en plein hiver, loin du sable chaud et des séances de bronzage.
Enjouée et soignée, la plume de
Laureline Maumelat fait souvent naître des sourires à travers les réparties de l'indomptable Liv et les nombreuses références de pop culture qui parsèment son texte. L'intrigue ne connaît pas de temps morts et nous réserve quelques rebondissements particulièrement appréciables, appelant à l'ouverture d'esprit et à la remise en question. L'histoire d'amour, quant à elle, est crédible dans son évolution en dépit d'un postulat de départ assez audacieux : grâce à la fortune familiale, Liv ne manque de rien. Elle papillonne avec insouciance dans la vie, sans attaches, sans responsabilités, libre de donner cours à tous ses fantasmes. Alors que Solal, un brin psychorigide, peine à joindre les deux bouts et doit brider ses espoirs pour subvenir aux besoins de son entourage. Leur rapprochement n'était pas gagné d'avance, la fierté masculine était d'ores et déjà compromise ! Et pourtant, il se fait avec naturel, à travers des péripéties qui font tantôt rire ou pleurer. Un pas en avant, deux en arrière, et on recommence !
Sans verser dans le pathos, l'autrice donne une réelle profondeur à ses personnages de par les épreuves qu'ils ont affrontées par le passé, qui viennent désormais hanter le présent. Je ne suis que rarement convaincue, séduite à ce point par une romance, mais le talent de
Laureline Maumelat à nuancer ses protagonistes hauts en couleurs est là d'un bout à l'autre, et n'est pas sans rappeler les héroïnes farfelues de
Kristan Higgins… pour notre plus grand plaisir !
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