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Critique de Perlaa


Le Mystère Frontenac, un titre prometteur. On baigne de suite dans l'épaisseur des secrets et la pesanteur d'une ambiance qu'on imagine suffocante. Si la province de Mauriac est bien défunte, elle a été le théâtre en littérature de splendides romans tellement cruels des Illusions perdues à l'Affaire Saint-Fiacre. C'est un personnage à part entière.
Ici pendant une vingtaine d'années on suit la famille Frontenac. Blanche, veuve, se consacre avec dévouement et sens du devoir à ses 5 enfants, l'espoir d'une continuité pour cette famille bourgeoise secondée par son beau-frère Xavier, le tuteur de facto. Ces trois premiers chapitres sont à mon sens les plus réussis. Blanche et Xavier, les deux gardiens du temple, s'affrontent sans jamais avoir le courage d'aller jusqu'à une explication claire.
Un passage court marque la transition subtile vers l'adolescence des garçons tels ces procédés du cinéma d'hier passant d'une époque à l'autre sans s'attarder. Une suite d'événements et de non évènements. Quelques traces diffuses à peine évoquées puis on s'attarde à nouveau sur l'adolescence des 2 garçons, Jean-Louis et Yves. Une jeunesse qui leur ouvre de nouveaux horizons, philosophie, poésie, aventure et … mariage pour les filles. On s'éloigne un temps de la bulle de préjugés, d'amour, d'intérêt, d'hypocrisie - et de bassesse aussi - où baigne la famille. Il faut attendre la dernière partie, les dernières années et la majorité des garçons, juste avant la Grande Guerre, pour renouer avec le retour du mystère Frontenac. Car de quoi s'agit-il ? Pas de cadavre dans le placard. Ici, le mystère s'est forgé au fil du temps lors l'éducation sans qu'on n'y prenne garde, transmis jour après jour par l'amour exclusif et empreint de religiosité de Blanche. Mystère renforcé chaque été dans la douceur des pins de Bourideys, et réservé aux seuls membres du groupe. C'est un sentiment d'appartenance à une famille bourgeoise auquel ni Dussol, l'associé pragmatique, ni Joséfa la liaison cachée de Xavier, ne peuvent comprendre ni avoir accès.
La famille jouit d'un statut de privilégié. Elle se doit d'en assumer les obligations et surtout les conséquences. Chacun devra passer par des renoncements. Même loin on ne peut y échapper. La culpabilité et l'attraction vous rattrapent un jour à votre corps défendant. Pas un Frontenac ne possède les qualités innées pour maintenir sans faillir ce statut. Les passions, les aspirations sont spontanément autres, même Blanche, coeur ardent et brûlant, doit faire un effort pour se conformer à ce que l'on attend d'elle. Un monde d'ailleurs où les femmes sont réduites au rôle de mère, de passage de témoin de la normalité. Pas de compassion, pas d'estime pour ces femmes de la part de l'auteur, même en dehors du milieu bourgeois, aucune ne trouve grâce à ses yeux.
Un dernier mot pour souligner le style de Mauriac, les descriptions, l'importance des odeurs et les scènes de la nature légères et profondes à la fois. Même si on ne regrette pas les injonctions de l'époque on reste touché par l'évocation de la vie de famille et d'une certaine forme de sérénité.
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