Les révolutions sont des moments d’hyperconscience historique.
Le renversement conservateur n’a pas porté ses coups au hasard : il a méthodiquement retourné à son profit les mots et valeurs de la civilisation démocratique et sociale inspirée des Lumières, des utopies et révolutions du long XIXe siècle, désarmant ainsi les idéologies de l’émancipation, bien au-delà de sa cible de départ : le marxisme.
Ce que visent le renversement conservateur ou les discours identitaires, ce n’est pas seulement la mort de l’histoire critique. C’est la mort de l’histoire tout court car l’histoire est leur contraire.
...dans les mondes digitaux se régénère la matière première d une histoire populaire et mondialisée qui désacralise les récits institués et part volontiers dans toutes les directions. C'est une bonne nouvelle.
La dévotion contemporaine envers le patrimoine transforme les traces et les héritages en totems d’un passé muséifié et immobile : un passé sans histoire.
Le passé est aussi devenu un outil de la course à la métropolisation : Shanghai, Berlin ou Paris se présentent comme des "villes mémoires", attirant les flux touristiques du souvenir. Dans le monde, peu de lieux marqués par des massacres ou des violences échappent à ce phénomène.
Une nouvelle fois, le capitalisme libéral occidental prétend dire l histoire au nom des autres.
Pendant la Guerre froide, la critique des totalitarismes a dérivé vers une dénonciation de toutes les utopies ou mouvements non réformistes.
Le passé s est installé comme une valeur refuge, faisant désormais l objet d un véritable culte.
Le passé augmente tous les jours son emprise. La définition de ce qui doit être préservé de la disparition, protégé, conservé et exposé, ne cesse de s'élargir : selon la formule consacrée, tout est aujourd'hui patrimoine, que celui-ci soit architectural, religieux, agricole, urbain, immatériel, industriel, sonore, visuel, naturel, animal, olfactif, ou même vivant.