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Critique de Insomnya


En fonction de la sensibilité de chacun, un livre peut nous toucher par divers aspects : le scénario, la narration, les personnages, le style, l'émotion, l'ambiance, l'humour, etc…

Dans La route, le scénario est inexistant : un homme et son fils marchent à travers des Etats-Unis dévastés, ils s'arrêtent dans des habitations abandonnées pour trouver à manger (à boire c'est secondaire, ils n'ont jamais très soif apparemment) et… c'est à peu près tout. Pas palpitant, mais l'absence de scénario dans une oeuvre littéraire n'est pas un problème si l'auteur parvient à nous embarquer dans son univers par d'autres voies.

Malheureusement, la narration utilisée ici n'aide pas à nous impliquer dans le récit. le roman est une succession de courts paragraphes représentant des instantanés, des tranches de vie des protagonistes. C'est une construction facile, une suite d'idées balancées les unes après les autres. Dans la première moitié du roman beaucoup de scènes pourraient d'ailleurs être interchangées sans que cela ait un quelconque impact sur la lecture puisqu'il n'y a pas d'évolution du récit. C'est juste une inlassable suite de scènes similaires et inintéressantes : ici on voit un flocon de neige ; là on trouve une boîte de conserve ; maintenant on a froid ; etc, etc…

Cette narration laborieuse est servie par un style abominable. Des phrases construites à base de « ils font ci ET ils font ça ET ils regardent là ET ils repartent ». Quelques exemples :

«Quelqu'un avant lui s'en était méfié ET finalement il ne leur fit pas confiance non plus ET il sortit avec les couvertures sur l'épaule ET ils repartirent le long de la route. »

«Il se pencha sur le feu ET souffla sur les braises ET remit du bois ET se leva ET s'éloigna du bivouac.»

Dans ce calvaire syntaxique, les descriptions se répètent encore et encore... C'est simple, il y a plein de cendres et tout est gris. La neige est grise, le jour est gris, la rivière est grise, il est assis « devant une fenêtre grise dans le jour gris » (vraie citation). AU SECOURS !!! J'imagine bien que c'est volontaire, ce gris jusqu'à l'écoeurement (et au bout de 10 pages c'est bon, on n'en peut plus de cet adjectif, malheureusement ça continue encore et encore…), mais il me semble qu'il y a d'autres moyens de créer et entretenir une ambiance qu'en répétant le même adjectif encore et toujours. Pour ma part ce procédé simpliste a eu l'effet contraire : chaque itération du mot « gris » me faisait sortir du roman avec l'envie d'arracher la page !

Au-delà des adjectifs, ce sont aussi les scènes qui sont identiques. On lit respectivement aux pages 46/48/164 : « Cette nuit-là ils dormirent dans le camion et au matin la pluie avait cessé… » ; « Quand il se réveilla il faisait encore noir mais la pluie avait cessé. » ; « Au matin quand il se réveilla la pluie s'était arrêtée. »

Malgré cette écriture que j'ai trouvée très… laide, c'est le seul mot qui me vient, je n'ai pas ressenti la volonté d'une écriture « simple ». « Simple » n'est pas du tout péjoratif à mon sens, bien au contraire. Ce que je qualifie d'écriture « simple », c'est une écriture au service du récit et/ou des émotions, une absence de volonté de démonstration. Ce n'est pas l'intention qui ressort à la lecture de « La route » puisqu'on sent souvent pointer la prétention littéraire. L'écriture réussit ainsi à être à la fois laide et très pompeuse. On trouve par exemple des paragraphes qui sortent de nulle part et semblent en dehors de l'histoire : « Sur cette route il n'y a pas d'hommes du Verbe. Ils sont partis et m'ont laissé seul. Ils ont emporté le monde avec eux. Question : Quelle différence y a-t-il entre ne sera jamais et n'a jamais été ? » (p35 de l'édition poche chez Points)

D'où sort le « Je » d'un seul coup ? le narrateur est externe depuis le début du roman… Qui sont ces « hommes du Verbe » dont il n'est fait mention que dans cet extrait ? Si quelqu'un a les réponses ça m'intéresse sincèrement, ça pourrait m'éclairer sur quelque chose que je n'ai pas compris. Parce que là j'y vois que de la br**lette pour bobos…

Entre ça et les phrases qui ne veulent rien dire : « Rien dans son souvenir nulle part de n'importe quoi d'aussi bon. » (p113). En fait l'auteur met des mots à la suite des autres au hasard et paf on doit crier au chef d'oeuvre, c'est ça ?

Et les dialogues, quel calvaire… Pour la forme, je ne parviens pas à comprendre le refus de l'auteur d'utiliser la ponctuation. Celle-ci est faite pour garantir une bonne lisibilité, mais apparemment l'auteur est au-dessus de ça. Je comprends tout à fait quand l'auteur use de ses propres règles dans la forme si cela sert le fond, cela donne même beaucoup de puissance à l'oeuvre (je pense à « Des fleurs pour Algernon », « Apocalypse blanche », « Enig Marcheur »…). Mais ici, c'est quoi le rapport entre l'absence de ponctuation et le fond du récit ?  Et pour le fond des dialogues c'est vide, c'est creux, c'est gnan-gnan, ça répète les phrases de l'autre en permanence (« Même s'ils le voulaient. Même s'ils le voulaient. » ; « Seulement dans les livres. Oui. Seulement dans les livres ».) Ils disent d'accord en boucle, ils répondent même « D'accord » quand l'autre dit « d'accord » !!!). AAHHH !!! J'ai vraiment dû me battre pour arriver au bout de ce bouquin sans l'arracher en 1000 morceaux !

Je n'ai rien à dire sur les personnages qui sont inexistants. Un père et son fils qui, au bout des 250 pages de ce roman, ont moins de personnalité que Stephen King n'en donne à ses personnages en une seule phrase.

Le récit est parsemé d'incohérences, par exemple vis-à-vis du gamin né après le cataclysme mais qui sait lire alors que tout est censé avoir brûlé. Je n'ai pas compris d'où venait le besoin de rester en mouvement en permanence, alors que dans les périodes où ils trouvent un abri ils semblent + en sécurité que lorsqu'ils sont sur la route. Mais bon, apparemment c'est dangereux de rester dans un abri bien caché avec des réserves d'eau et de nourriture pour des mois et il vaut mieux aller mourir de froid ou de faim ou tué par d'autres personnes dehors…

En bref : de mon point de vue ce livre est mal écrit, incohérent et rempli de scènes qui se répètent à l'infini, sans aucun travail de caractérisation des personnages ni aucun effort de développement de l'univers. Une purge...

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