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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« Les cent derniers jours » est un roman magistralement bien écrit, intéressant de bout en bout !

L'auteur, Patrick Mc Guinness est un écrivain britannique, professeur de littérature comparée à Oxford. La littérature française n'a pas de secret pour lui (alors que les français, eux, ignorent tout de lui !) En Grande-Bretagne, il est surtout connu pour sa poésie.
« Les cent derniers jours » est son 1er roman, et c'est un sacré coup de maître !

Un roman en 2 parties, avec du rythme, de l'originalité et de l'humour.
C'est passionnant ! Et si on se laisse happer si facilement, c'est que l'on sent que l'auteur sait de quoi il parle. Etant enfant, son père travaillait pour le British Council et il enchaînait les postes à l'étranger. Mc Guinness a vécu en Roumanie. « Bucarest m'avait intrigué, j'avais envie d'y retourner », « Vous savez ce qu'on disait autrefois de cette ville ? Que c'était le Paris de l'Europe de l'Est… »

Le roman se déroule en 1989. le narrateur est un tout jeune diplômé anglais de 21 ans, qui a obtenu par hasard un poste de professeur à l'Université de Bucarest.
Sans le savoir, il va vivre dans ce pays à bout de souffle, où le communisme de Ceausescu vit ses derniers jours.

Dès son arrivée, il est pris en charge par Leo, un collègue de l'université.
Leo est un expatrié qui s'est tellement bien intégré qu'il est devenu un grand trafiquant du marché noir ! Mais Léo s'efforce aussi, à sa façon, de sauver ce qui peut l'être encore des destructions ordonnées par Ceausescu, causant la disparition du patrimoine culturel roumain : « C'était la désolation : des villages vieux de plusieurs siècles étaient rasés en une matinée, pour être remplacés par des tours d'habitation … qui ressemblaient à des colonies intergalactiques laissées à l'abandon. La Roumanie ne serait bientôt plus qu'un immense no man's land sans passé. »
Et « La Maison du Peuple », le plus grand édifice du monde ! Les dimensions de la bâtisse sont bien à la hauteur de la mégalomanie de Ceausescu ! Absolument écoeurant et abjecte !

Novice au départ, le narrateur va bientôt rentrer en contact avec des opposants au régime…
Et ces actes de résistance lui vaudront bientôt d'être recherché.
Dans le même temps, il fait la connaissance de Cilea, mystérieuse fille d'un haut fonctionnaire, dont il va tomber amoureux. Mais aux yeux de Cilea, le narrateur apparaît comme « un étudiant qui a choisi de faire du tourisme chez les sous-développés pendant son année sabbatique… »

Le troc et le marché noir vont bon train, vu les pénuries dans le pays.
Ceausescu « affamait, brutalisait et trompait la population depuis deux décennies » ; il s'est enrichi grâce aux privations communistes qu'il imposait à la population.
Il y a des queues interminables devant les magasins d'alimentation où même le rudimentaire est de piètre qualité et qu'on n'est même pas sûr de pouvoir acquérir ! Pendant que les magasins du Parti, eux, débordent de tout !
« La plupart des gens essaient de survivre au jour le jour, sans s'interroger sur la rectitude morale de chacun de leurs gestes et de leurs paroles ».
Tous les mensonges qui sont leur quotidien grignotent la pensée des gens jusqu'à ce qu'ils ne croient plus en rien, et que bientôt ils soient anéantis par l'ironie et le cynisme !
Un monde brutal et absurde où l'oppression crée sa propre normalité et fait partie de la routine.

La corruption et les agents de la Securitate (la police politique secrète roumaine) sont partout, tout le monde espionne tout le monde, la paranoïa est à son paroxysme ! (Les agents de la police roumaine étaient 2 fois plus nombreux que les civils !)

Mais la répression va prendre un nouveau tournant lorsqu'un jour la police refuse d'aider la Securitate… dès lors, un mouvement prend forme en province, à Timisoara. Plusieurs jours après, Ceausescu et sa femme seront capturés, puis très rapidement exécutés.
Avec la fin de ce régime, s'est constitué un Front de Salut National, qui se disait démocratique, mais comme le répète Leo : « le bordel a changé de nom, mais on a gardé les vieilles putes. »

Surtout, ne passez pas à côté de cet excellent roman haletant, écrit comme un bon polar, riche d'anecdotes et de réflexions, avec des personnages intéressants, et plein de rebondissements !
C'est aussi un magnifique témoignage, parfaitement écrit avec beaucoup d'intelligence, et bien documenté, sur une époque qui malheureusement a bien existé !
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Je referme la dernière page du livre. Ma curiosité initiale s'est transformée en un sentiment particulier et plaisant : celui d'avoir vécu un peu plus de mon époque. « Les cent derniers jours », ce sont ceux de Ceausescu, qui en décembre 1989 s'achèveront pour moi sur un écran de télévision. Je revois les étranges images du procès, de l'exécution, puis le souvenir de ces enfants montrés nus et entravés dans ce qui se révèlera n'être qu'une sinistre mise en scène. C'est une ambiance de Noël où le deuil de mon père rode encore. Ces images éveillent ma conscience politique de jeune adulte. Ce livre, dont j'entends la critique sur une radio culturelle un matin, me prend à cet endroit et m'emmène en Roumanie. Je tourne les pages et l'immersion devient totale. Je parcours Bucarest, ses perversions et ses trésors, animé de l'esprit initiatique d'un coopérant, avec ce même mélange de ferveur et de distance. Je suis abattu en découvrant inexorablement l'extrême folie de ces Hommes de pouvoir et la perversion du système qui les protège. Il fait de tout inconnu, de son voisin, de son ami, un danger potentiel. Ne pas sombrer dans la résignation devient héroïque, l'ordinaire sublime ; souvent au bout d'un effort démesuré. En refermant ce livre, je me demande combien d'autres livres il faudra écrire pour témoigner de la difficulté d'une nation, de ses hommes et ses femmes à conquérir, mais aussi à réapprendre la liberté. Bien sûr nous vivons dans un pays magnifique et libre. Mais que savons-nous vraiment de ceux qui nous gouvernent ? de leur sens de l'intérêt général sur l'intérêt particulier ? Quand je quitte Bucarest au bout de cette belle traduction, je me promets la plus grande vigilance, pour que les circonstances de mon époque n'hypothèquent jamais celle de mes enfants.
Lien : http://tabourot.fr/les-cent-..
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L'un de mes coups de coeur ! Un coup de maître ce premier roman qui propose une plongée fascinante dans la Roumanie de Ceausescu, quelques mois avant la chute du régime, à la suite du narrateur nommé professeur à l'université de Bucarest, et de Léo, son guide, élément indispensable pour naviguer dans les méandres de la société roumaine de l'époque. L'humour (très britannique) est présent au fil des pages pour rendre le voyage aussi agréable qu'intéressant....
Lien : http://motspourmots.over-blo..
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