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Critique de Stelphique


🐦‍⬛Chronique🐦‍⬛

« Oui, c'est un merle, noir, au bec jaune! Il bat des ailes, il s'envole subitement, là, il passe au dessus de moi. »

Comme l'autrice, Tamta Mélachvili, l'invoque deux fois, dans son titre, j'ai creusé autour de la symbolique du merle. Et cet oiseau qui pourrait devenir l'animal-totem de Eteri, tellement il lui correspond, reflète en tout point cette femme franche et pépiante. Parce que la mort vient la frôler d'un peu trop près, sur le bord du fleuve Rioni, la voilà, qui commence à angoisser fortement. Elle nous fait part de ses pensées pour notre plus grand plaisir, et du coup, cette voix intérieure, cette capacité à ressentir l'entourage, et cette confiance en soi qui symbolise le merle, ressort, tout en finesse, de ses eaux troubles. Sans compter que le merle est un oiseau solitaire, qui n'est guère fait pour la vie en couple. Et ça, forcément dans cette société patriarcale, ça déplaît fortement. En Géorgie, (mais ailleurs aussi, faut pas se leurrer), on n'aime pas trop que les femmes discutent les diktats, qu'elles remettent en question l'ordre établi, qu'elles soient libres. Or, Eteri, est de cette trempe. Parce que le destin l'a voulu, parce que les circonstances étaient favorables, elle est libre comme un merle. Libre, elle parle, et elle parle et elle parle des carcans du mariage, de la famille, des corps fatigués. Tout y passe, les hommes, le bonheur, cette mort qui n'en finit pas de guetter du coin de son oeil. Et elle parle, elle parle, elle parle comme pour aider ses Soeurs, parce que le merle est coopérateur, aussi. Alors du coup, je me demande si le merle ne serait pas une invocation féministe…Et deux fois, vaut toujours mieux qu'une…Merle, merle, je crois que nous sommes, mûres…

« Même les gens de mon âge peuvent chercher à vivre leurs rêves les plus osés, non? »

Bien sûr, Eteri continue de rêver! Que je sache à tout âge, rien ne nous en empêche. C'est vrai qu'à l'aube de ta cinquantaine, le temps, les perspectives, les saisons, ça parait bien superflu, à force... Et pourtant, tu t'accroches aux mûres, aux petits détails, à l'oeillade du livreur. Tu t'accroches à la branche, tu ne cèdes pas, tu te donnes une chance au bonheur. Tu sais, tu n'es pas une femme comme les autres, et ce qui m'a plu chez toi. Tu as du caractère. C'est rare. Extrêmement rare. Parce que souvent les autres, à ton âge, se sont noyées dans les affres du mariage et la maternité, tu as ce pep's encore préservé. Ce pep's qui fait que, cette fois-là, tu vas écouter ton corps, le suivre dans son épanchement, t'essayer à l'amour. Après avoir passé ta vie, à éviter le mode duo, parce que tu savais bien ce que ça sous-entendait une part non négligeable d'asservissement, voilà, que tu prend l'initiative du rapprochement. Parce que c'est bel et bien quand on s'approche de trop près de la Mort, qu'on veut être vivant, le ressentir, l'éprouver. Cette peur phénoménale va te ramener des vagues et des vagues d'angoisses, des vagues et des vagues de questionnements, mais aussi, une vague vertigineuse de liberté. C'est pour cela, qu'il fallait oser. C'est pour cela, que rêver, c'est essentiel, puisque tu peux encore le faire…Alors fais-le!

Qu'est-ce qu'il y a d'autre dans ma vie, à part ça? Qu'est-ce qu'il y a eu d'incroyable?

Dans ma vie, il y a eu de la boue, du froid et des rives sur lesquelles je me suis reposée comme toi, Eteri. J'aurai aimé trouvé de ta confiture de mûre dans mes placards lors des hivers difficiles. Mais ce que j'ai trouvé d'incroyable dans ce livre, c'est ton histoire que tu nous contes dans le prisme de tes peurs, de tes espérances, aussi. Toutes ces confidences, cette condition féminine, ce poids qui pèse sur les épaules des femmes, je les ai ressenties, sincères. Elles disent toutes des peurs. La peur de vieillir, la peur de l'autre, la peur de mourir. Des peurs transparentes, des peurs évidentes, des peurs insensées. Même si Eteri ne mâche pas ses mots, loin de là, je l'ai trouvée incroyable de justesse, de tendresse aussi. Elle m'a touchée en fait, en plein coeur. La fin aussi, est incroyable! Alors que je trouve l'assonance du m dans ce titre Merle, Merle, mûre, si douce à l'oreille, j'espère juste que ce sera une belle invitation pour vous laisser séduire…J'aime. J'aime Merle, merle, mûre, je l'aime comme on aime l'automne, comme un dernier murmure, la bouche pleine du sucre de confiture de mûre…
Lien : https://fairystelphique.word..
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