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Critique de colimasson


A l'époque au cours de laquelle Freud constituait la psychanalyse, l'hystérie dominait, contestant le savoir incomplet que le maître prétendait détenir sur le sujet. de décennie en décennie, le discours du maître qui était déjà passablement affaibli depuis quelques siècles a continué de progressivement s'effacer au profit du discours capitaliste – non pas discours du capitaliste mais discours à structure rendant possible le capitalisme, soit l'instrumentalisation du langage, de soi et de l'autre à fin de nourrir le fantasme de la toute-puissance du sujet. Alors que dans les autres discours (de l'hystérique, du maître), le sujet est toujours un effet du signifiant (le Réel presse à se faire dire, qu'il le puisse ou non : c'est l'inconscient), dans le discours capitaliste, le sujet croit pouvoir produire le signifiant (le Réel est nié en tant que tel et l'impossibilité devient une erreur à combattre à renfort de progressisme et d'abstractions). Déniant ainsi la structure fondamentalement divisée du sujet, le discours capitaliste instaure la domination d'une autre forme du discours incorporé qui se traduit par des symptômes que Charles Melman se propose de décrire dans ce livre d'entretiens avec Jean-Pierre Lebrun.


« […] la façon dont on gère le malaise d'aujourd'hui conduit à accomplir le fantasme du névrosé, c'est-à-dire imaginer que la perversion serait la guérison de la névrose. »


L'autre devient un objet comme les autres, instrumentalisé à des fins de jouissance ; le sujet lui-même se considère comme un objet à améliorer et à customiser. La « santé mentale » relève désormais d'une « harmonie non plus avec l'Idéal mais avec un objet de satisfaction ». Alors même que la psychanalyse constitue le cadre dans lequel Charles Melman inscrit ses réflexions, et que celle-ci se décrit comme lien social ouvrant à la possibilité d'un savoir du sujet sur lui-même quant au signifiant (désir) qui le détermine, Melman se contente d'observer que le discours capitaliste qui empêche tout lien social et qui dénie au sujet sa consistance, a pris le pas sur les autres discours. Comme le discours de l'analyste avait permis selon Lacan « d'instaurer cette restitution de sa vérité à l'hystérique », il devrait permettre à tout sujet souffrant de la tyrannie qui résulte de l'illusion capitalistique de toute-puissance de se reconnaître comme sujet divisé devant apprendre à vivre avec son incomplétude fondamentale. Mais le discours capitaliste déniant l'inconscient et proposant la fuite en avant du remède matériel, lequel de ses possédés pourrait croire que la seule parole laissée à son libre cours dans le cadre de l'analyse le détacherait des automatismes signifiants du discours dominant ? Ainsi le progressif recouvrement du pseudo-discours de structure capitaliste dans tous les domaines de l'existence éloigne-t-il toujours plus la possibilité de comprendre que le discours de l'analyste constitue un heureux exorcisme. Puissent les représentants du discours capitaliste organiser tous les plans de sobriété et tous les colloques de bioéthique du monde, ceux-ci n'y changeront rien tant le déni de la castration perdurera.
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