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Critique de OverTheMoonWithBooks


Face à l'impossibilité de "futur" avec sa femme Sarah, le prophète Abraham se tourne vers sa jeune servante de culture et de confession différente de la sienne. Cette alliance donne naissance à de multiples souffrances et humiliations pour la pauvre Agar.
Mais qu'en est-il des unions mixtes du 20ème siècle ? L'Autre, l'étranger à sa communauté est-il toujours suspect et méprisé?

Et l'amour dans tout ça ? Celui qui a ses raisons que la raison ignore. L'amour et la différence… tout un programme qu'Albert Memmi définit très bien dans ce récit : « (…) j'étais placé entre deux trahisons : traître à moi-même ou aux autres. »
Certes, le coeur est libre et connaît mal les barrières, mais nos choix de vie (et d'amour) ne sont pas si libres qu'ils y paraissent, car les choix s'accompagnent de contraintes… La liberté et la libération des préjugés et des regards de l'Autre et des siens deviennent alors la problématique centrale de ce couple. Malheureusement, les deux protagonistes échouent dans leur tentative de libération.

Le personnage principal se trouve aux prises de douloureuses questions et dans l'incapacité de se positionner. Il en vient par la force des choses à se poser la fameuse question existentielle : Qui suis-je ? Avec cette identité coincée entre la douceur des souvenirs du passé et la nostalgie qu'elle créée, face aux incertitudes et à la peur de l'avenir… faut-il choisir un camp ? Les 2 ne peuvent-ils cohabiter ?

Agar est un récit tour à tour beau, touchant, réaliste, et émouvant lorsque Memmi décrit cet entre-deux culturel et la difficile rencontre. Tous les sentiments que l'on éprouve « naturellement » face à quelqu'un de différent de nous qui pénètre au plus près de notre intimité : méfiance, peur, intolérance, et incompréhension.

Toute la rancoeur, la solitude et les ressentiments ne voilent pas pour autant l'égoïsme, le manque de compassion, d'écoute et de compréhension dont fait preuve le personnage. Personnage qui, comme son auteur, a toutes les caractéristiques des Juifs de la première moitié du 20ème siècle : complexé par ses origines. Ce qui n'aide pas !

Le fait d'aimer des gens, si différents ou semblables soient-ils de nous-mêmes fait-il qu'on leur appartient ? Et à partir de ce moment-là, devons-nous prouver notre amour par des renoncements à ce que nous sommes ? Agar nous montre bien à quel point nous pouvons devenir esclaves des désirs des autres, notamment avec le fameux « c'était pour faire plaisir à mes parents. »

Au fil des pages, on assiste à la fin du couple. On les voit ne plus savoir se parler, mais crier, menacer, refouler. L'amour devient bientôt synonyme de renoncement à ses désirs et à ce qu'on est, à cause d'injonctions (tout à fait injustes) exigées comme preuve d'amour : tu DEVRAS donner à ton fils le nom de ton père pour prouver ta loyauté envers ta famille et ton sang ; tu ne devras pas faire circoncire notre fils pour me prouver que tu m'aimes.

Agar nous montre à quel point la communication et l'échange sont importants dans un couple mixte, et nous met en garde sur l'équilibre qu'il faut garder entre notre histoire personnelle et l'Histoire de nos semblables inscrite en chacun de nous.

J'ai hésité entre 3 et 4 étoiles. Puis je me suis décidée pour la 4ème en repensant à la richesse du panel de sentiments décrit et la justesse avec l'auteur en fait le portrait. Et il est vrai aussi que connaissant ce milieu et ces problématiques, j'ai été touchée et soulagée quelque part de lire le quotidien de ce couple.
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