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Citations sur Agar (19)

Cette nuit de Pâque, je restai longtemps tout sommeil enfui, à me demander si je n'étais pas de ceux qui, toute leur vie, seraient condamnés à hésiter au bord de l'abîme.
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Est-il encore temps ? Mon mariage n'a pas été un moment de ma vie, il lui a donné son sens.
La folie de Marie a été de croire que je serais entièrement à elle lorsqu'elle aurait tout arraché de moi, même l'odeur des pierres chaudes et du soleil. Cette femme que j'aime, qui fut le meilleur de moi-même, qui a voulu tout me donner, est devenu le symbole et la source de ma destruction. Je ne suis plus rien qu'un fantôme, mon propre ennemi et le sien. Je l'ai trahie et elle m'a détruit.
Mais, en même temps, je ne peux plus vivre sans elle. Je n'ai plus ni pays, ni parents, ni amis ; et la quitterais-je que je resterais ainsi double, en face de moi-même et juge des miens. Je supporte à peine de vivre avec elle, mais je supporte plus de vivre avec personne.
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J'entrevoyais bien que chaque pas m'éloignait davantage des valeurs de mon groupe, d'une image de moi-même qu'avec l'âge, l'alourdissement normal de la nature, la lente reprise par le passé, la famille, j'aurais aspiré à retrouver, comme la plupart des hommes se mettent, vers le soir de leur vie, à ressembler à leur père. Mais je me redis aussi, avec orgueil, que Marie, par sa seule présence, m'obligeait à vivre au sommet de moi-même.
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Et bientôt elle n'eut plus le courage de dissimuler. Elle souffrait de la chaleur et du froid, de l'humidité et de la lumière éclatante qui l'éblouissait, du bruit incessant des radios, des odeurs toujours présentes, celle de l'huile frite, des grillades, des fleurs ; elle ne pouvait comprendre ni excuser notre laisser-aller méditerranéen, les portes et les fenêtres qui ferment mal, les vitres cassées, l'exubérance des joies et des peines.

- Au fond, ce sont des enfants, disait-elle lorsqu'elle était de bonne humeur, ils sont naïfs et sans pudeur, il leur faut des couleurs vives, des odeurs fortes et du bruit !
Et lorsqu'elle était fatiguée :
- Quelle vulgarité !
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Le retour à des traditions périmées, le refuge dans un passé vermoulu, ne sont pas compatibles avec ce grand élan actuel vers la liberté. La liberté politique, à laquelle aspirent aujourd'hui tous les hommes, doit s'accompagner d'une libération intérieure, c'est-à-dire, oui, de la séparation du laïque et du religieux, de la fin de l'esclavage féminin, de la suppression des quartiers "pittoresques", etc. Car si c'est une folie d'ignorer le poids de nos groupes respectifs, c'est une lâcheté et une démission d'accepter leur préjugés. (préface d'Albert Memmi à l'édition de 1963)
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Pour faire plaisir à mes parents. Que de fois ai-je entendu cette explication, pavillon de tous les reculs, de tous les abandons ! Aux parents, bien sûr, mais à nous-même également, à tout ce qui, en nous, nous pousse à la défaite, à la soumission !
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- Oui, je les hais, je les hais ! Ce sont des sauvage! Je déteste leurs coutumes moyenâgeuses et leur religion de primitifs ! ... Et ils osent me repousser ! (...)
Mais tu penses comme eux ! Tu me repousses ! A force de les défendre tu deviens comme eux !

Ah! si encore je pouvais redevenir comme eux !
Mon malheur est que je ne suis plus comme personne. Je ne sais même pas me défendre contre ce dégoût de moi-même qu'elle me révèle, dont je suis envahi et que j'approuve.
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Raisonneur, tantôt sincère tantôt de mauvaise foi, j'essayai d'expliquer à Marie ce qui la heurtait, espérant le lui rendre un peu plus familier. Les portes ne ferment pas ? Négligence certes, mais aussi la chaleur dessèche le bois, la pluie subite le regonfle ; la nourriture trop épicée?
Sans épices, avec ce climat, on ne mangerait plus. Je reconnaissais souvent, en moi-même, qu'elle avait raison mais il m'était désagréable de l'avouer, j'aurais admis alors, que jusqu'ici, j'avais vécu en sauvage.
Il s'agissait bien d'ailleurs de discours et de persuasion ! Il aurait fallu transformer les gens et les institutions, les bâtiments et toute la nature. Pouvais-je empêcher les marchands d'artichauts, de vieux habits, de pétrole? ... Pouvais-je supprimer l'humidité, atténuer la chaleur, faire pousser de la verdure ?
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Je songeai que les silencieux perdent à quitter leur silence et que le prestige de mon père au sein de la famille tenait peut-être au crédit de son mutisme.
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- J'étouffe, murmure-t-elle, je ne vis plus. Je surveille mes paroles et mes gestes, mes pensées. Tout ce que je dis tu l'analyses, tu l'interprètes au plus mal. Souvent je fais de la surenchère, cela m'humilie et ne sert à rien, au contraire cela te crispe. Et quand je vis naturellement, tu en es blessé, je suis pour toi une étrangère hostile !

- Parce que vivre naturellement c'est juger les miens incultes, grossiers et vulgaires ? (...)

- Mais il le sont ! Il n'y a une seule personne parmi eux que j'aie envie d'approcher! Je n'aime pas ces gens et je déteste cette ville ! Je ne m'y ferai jamais ! jamais ! (...)

- Nous y sommes : voilà ta vraie pensée. Eh bien cette ville que tu détestes, c'est la mienne, j'aurais voulu y vivre, ces gens que tu n'aimes pas, ce sont les miens, j'en suis, lorsque tu les méprises tu me méprises aussi.

- C'est absurde ! Tu n'en fais plus partie ! Tu es tellement différent d'eux !

- Cela me regarde. Je ne peux ni ne veux les abandonner, c'est tout.

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