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Critique de isanne


"L'étreinte fugitive" est le premier volet d'un triptyque écrit par Daniel Adam Mendelsohn. En France, paradoxalement, le second volet - "Les Disparus" - a été publié avant le premier et il a obtenu un vif succès.
Même si on peut aborder les trois livres indépendamment, j'ai préféré, puisque cela était possible, entrer dans le récit par le premier titre, peut-être en espérant ainsi mieux suivre les pensées de l'écrivain et m'habituer à sa logique d'écriture.

Dans sa construction qui peut laisser le lecteur dubitatif, à certains moments, "L'étreinte fugitive" adopte le processus narratif qu'adopte le grand-père de l'écrivain quand il lui raconte l'histoire familiale et reflète également la narration qui restitue les épopées antiques grecques et latines en prose ou en poésie, procédé qui fascine, dans les deux cas, le jeune garçon qu'est Daniel Adam Mendelsohn.
Cette façon de raconter, tout en circonvolutions et absolument pas linéaire fait "papillonner" d'un détail à un autre, passant d'une époque à une autre, d'un personnage à un autre, convoquant ainsi des faits et pensées, dans un désordre apparent, qui permettent cependant de mieux comprendre le déroulement des vies ou les raisons des choix.
Cette façon de restituer les histoires a captivé, dès l'enfance, l'écrivain au point de déterminer , chez lui, un avenir professionnel et des passions pour certains textes ou certaines disciplines retraçant le passé des civilisations et des cultures.

"L'étreinte fugitive" n'est pas à proprement parler une autobiographie, l'écrivain s'y dévoile partiellement dans sa vie quotidienne sociale et intime, cette dualité qui le fait vivre à la fois une identité d'homosexuel - dont il nous explique la philosophie de vie, ce besoin de conquêtes nombreuses et rapides, cette image intuitivement reconnue que l'on cherche dans l'autre et une identité de "référence masculine" - terme qui permet de ne pas l'identifier comme père, auprès de Nicholas le fils d'une amie à laquelle il n'est pas lié autrement que pour cela.
Les confidences consenties sont suffisantes pour que le lecteur appréhende ce qui bâtit l'écrivain : sa famille, sa religion, les tragédies familiales, en adoptant ainsi le prisme de sa vision personnelle.

Tout le récit est construit sur le rythme d'une locution grecque, men...-de… qui pourrait se résumer à d'une certaine façon...- d'une autre...-, traduisant une opposition, une dualité, l'existence inéluctable du compromis dans l'existence – sans que ce terme soit péjoratif, juste une évidence qui suggère l'idée de la présence de mensonges inévitablement ou de silences, "d'arrangements" avec les faits et les actes, ce qui édifie, en fait, la plupart des vies humaines - qui composent l'identité : normal-différent, homosexualité-hétérosexualité, origines américaines- origines juives…
Parce qu'il s'agit bien de l'identité dont il est question,ici : construite par le récit familial en écoutant les souvenirs de ce grand-père admiré, la religion , l'éducation, la sensibilité intrinsèque de l'enfant et ses prédispositions plutôt artistiques que scientifiques qui amènent à la conception de la personnalité de l'enfant qui devient un homme libre de ses choix, celui que nous lisons.
Souvent affleurent dans le texte des références à la littérature grecque et latine – Homère, Ovide, Sappho…, aux tragédies antiques, autant d'exemples qui vont étayer le propos. La notion de "beauté" apparaît à maintes reprises dans ces pages, voisinant celle de la disparition, de ce qui est perdu, de ce qui est resté éloigné et qui ne s'oublie pas.
Se dévoile aussi cette branche de la famille dont le destin reste imprécis, inconnu, ouvrant l'horizon au livre "les Disparus" qui lui est consacré.

C'est une lecture captivante, qui oblige à revenir en arrière pour relire certains passages et les mettre en miroir – et c'est peu dire car le mythe de Narcisse est souvent évoqué ! -, à prendre la place de l'enfant qui écoute son grand-père quand nous écoutons l'écrivain nous rendre accessibles les mythes grecs tout en tirant un enseignement pour la compréhension des personnalités croisées, une lecture enrichissante, qui fait découvrir et rencontrer.


(Juin 2022)
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