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Critique de Biblioroz


Prenant l'idée de ce roman suite à des essais de scientifiques américains qui se sont efforcés d'apprendre un langage à des primates, Robert Merle a puisé dans une importante documentation et a laissé son imagination faire le reste pour nous présenter ce « projet Chloé ».

Après deux mariages, l'un avec une frivole, l'autre avec une dévote, qui se sont soldés par deux divorces, l'anthropologue américain Edmund Dale rencontre à Paris sa troisième femme, une véritable perle, Suzy. La description que nous en offre l'auteur est des plus gracieuse : belle, charmante, intelligente, trilingue, cordon-bleu, travailleuse, elle a le don de se faire adorer même par les plus réticents. Elle a même un fils très beau et très doué. Une perfection presque surréaliste et limite agaçante !
Installé dans la propriété de Yaraville, notre couple va y accueillir un bébé chimpanzé, la petite Chloé, née dans un zoo et ne pouvant rester avec sa mère agressive. C'est Edmund qui nous fera alors le récit de ce projet Chloé ; l'élever au même titre qu'un humain, noter son apprentissage de l'anglais et de l'ameslan (la langue des signes américaine), lui prodiguer amour et éducation tout en surveillant les moindres progrès et échecs de cette tentative d'humanisation.

Comme Suzy, pourtant instantanément envahie par l'instinct maternelle, le lecteur s'interrogera tout du long sur le bien fondé de cette adoption. Que vaut-il mieux pour ce bébé ? Vivre dans un milieu humain entouré d'affection mais isolé de son espèce ou bien derrière des barreaux dans une cage de zoo mais non loin des siens même en captivité ?
L'auteur a fait le choix, en partie, d'un récit non linéaire qui évite toute monotonie pour suivre l'éducation de Chloé. Après la première rencontre émouvante avec ce bébé chimpanzé tout juste né, Edmund survole quelques comportements de Chloé et nous expose les liens, affectueux ou haineux, qu'elle a noués avec sa famille adoptive mais aussi avec la cuisinière mexicaine, la nièce de cette dernière née quelques mois auparavant et les animaux domestiques qui vivent à Yaraville.
Humour, intérêt et émotion se succèdent avec vivacité à la lecture de ce roman.
On sourit aux tentatives d'approches de Chloé, catastrophiques avec le chat mais tendrement amicales avec le chien. L'attendrissement nous étreint face à son grand besoin de pardon après chacune de ses bêtises ou de ses colères relativement nombreuses. Comme toute la famille Dale, on fond devant les grands yeux marron clair qu'on devine si chaleureux derrière leur petite pointe d'espièglerie. Et bien sûr on comprend aisément les difficultés rencontrées lors de l'apprentissage des mots dues à « son hypermotricité, son hyperémotivité et son caractère fantaisiste et taquin. » Les efforts ne restent cependant pas vains et nombreuses sont les joies procurées par la créativité que Chloé montrera pour utiliser à des fins émotionnelles le langage appris.

Chez les Dale, c'est d'ailleurs l'affection très forte portée à Chloé qui prédominera sur le travail scientifique. Mais le patrimoine génétique ne peut être effacé, se considérer faisant partie de l'espèce humaine peut blesser face à la réalité et les limites de l'intégration se profilent en grandissant.

Cette histoire est fictive mais on ne peut faire abstraction des expériences similaires qui ont eu lieu pour inspirer ce roman, celles-ci sont d'ailleurs introduites au fil du récit lors d'un colloque où le couple sera invité. Il sera fait mention qu'il existe une grande marge entre apprendre un certain nombre de mots et manier un langage. Pouvoir s'exprimer même avec un langage limité peut-il permettre de mieux contrôler les instincts sauvages de sa propre espèce et est-ce un bien ? Par-dessus tout pourquoi considérer notre espèce humaine comme un exemple à suivre et qu'est-ce qui nous différencie réellement de l'animal ?
Avec ce récit tout à fait prenant les questions se bousculent et l'on ne cesse de s'interroger sur la frontière à ne pas franchir dans l'expérience scientifique alors que des sentiments existent chez les animaux même s'ils ne sont pas forcément identiques aux nôtres.
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