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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Pendant l'hiver 1943 à Ragam, un village du nord de l'Albanie, Kajan, sept ans, vit avec son grand-père pendant que ses parents Selie et Ago, communistes convaincus, combattent l'envahisseur nazi. Un déserteur allemand, Cornelius, arrive soudain dans leur vie et va enseigner le piano au petit Kajan, cadeau qu'il gardera toute sa vie. Mais c'est bientôt 1945 et l'Albanie, débarrassée des nazis, s'engage fermement dans une des pires dictatures communistes. Kajan, pianiste reconnu dans son pays, est invité à Berlin Est avec d'autres jeunes musiciens, et c'est là que sa vie va prendre un tournant inattendu… ● Je me suis régalé avec cette fresque romanesque magnifique et haletante. ● La dictature sanguinaire d'Enver Hoxha est particulièrement bien reconstituée, enchaînant les Albanais dans une « captivité totale » au sein d'un pays statique et désespérant. Par exemple, un bain de mer peut entraîner dix ans de camp, c'est-à-dire potentiellement la mort dans des conditions atroces, parce que les autorités le considèrent comme une tentative de fuite à la nage à l'étranger… ● Les personnages nous émeuvent et nous suivons leur destin avec passion, surtout celui de Kajan. La lecture est addictive. ● Bien sûr, comme le remarque un lecteur Babelio, le texte n'a pas la densité littéraire des oeuvres d'Ismaïl Kadaré, on est ici dans de la littérature populaire, mais elle est d'excellente facture et il ne faut pas bouder son plaisir de lecture. ● J'ai regretté au début les deux sommaires assez désarçonnants sur l'avenir du pays en 1945, mais c'est un détail dans cette lecture qui m'a entraîné dans le fleuve de cette histoire passionnante allant de 1943 à la libéralisation du pays au début des années 1990. ● Merci à @sylvaine de m'avoir suggéré ce livre grâce à sa belle critique. A mon tour je le conseille vivement.
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En Albanie, en 1944, la menace rode autour de la maison où vit Kajan. Papi explique, la guerre, le bien et le mal, l'absence de ses parents, partis combattre pour défendre leur pays. Cette vie quotidienne aux aguets, est soudain bouleversée par l'arrivée d'un fugitif, un soldat allemand qui n'a jamais voulu venir risquer sa vie pour une cause qu'il ne reconnait pas. le refuge qu'il trouve alors se transforme en une merveilleuse histoire d'amitié, au moins pour un temps, autour d'un partage émouvant.
La fin de la guerre signifie la séparation, et pour l'Albanie le début d'une période tendue, alors que les nouveaux dirigeants communistes instaurent une dictature aveugle, au sein de laquelle personne n'est à l'abri d'un coup du destin, d'autant que les dénonciations et les règlements de compte sont les armes brandies sans concession.

Mais l'histoire est loin d'être écrite pour Kajan, et le roman suit le destin du jeune homme bien au delà des frontières de son pays natal.

C'est une fresque superbe, qui à travers la destinée incroyable du jeune héros, restitue l'histoire de ce petit pays peu connu, et pourtant victime de la folie des hommes.

Roman somptueux et enthousiasmant par le charisme du personnage, et son courage dans les moments les plus difficiles. Emportée par le souffle romanesque de l'écriture, j'ai été totalement séduite.

460 pages 23 août 2023 Lattès
Traduction (italien) : Anaïs Bouteille-Bokobza

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Encore, un gros coup de coeur pour cette année 2023. Demain et pour toujours de Ermal Meta, son premier roman, magnifique, poignant, cette histoire m'a beaucoup touché. Une très belle fresque historique et familiale entre les années 1943 à 1991.

Ragam, Albanie, hiver 1943, Kajan, 7 ans, pose des questions à son papi sur la guerre, pourquoi on ne la voit pas ? Si elle intéresse ses parents ? Et si c'est pour ça que sa Mami et son Babi sont partis se battre contre les Allemands ?

- « Non, mon garçon, on ne peut pas dire que la guerre les intéresse, mais ils n'ont pas le choix.
- Pourquoi ?
- La guerre naît dans la tête de quelques personnes, et progressivement elle concerne de plus en plus de monde. Elle touche les esprits, puis les corps : les mains, les jambes et les yeux. Ensuite, même quand elle est terminée, elle reste dans les yeux. Ne t'approche jamais de la guerre, Kajan. C'est trop moche, la guerre. Je le sais moi. »

Un jour, en nettoyant l'étable, il croit voir un fantôme, mais ce n'est que Cornelius, un pauvre déserteur allemand, dans un drôle d'état. Avec son grand-père, Betim, ils vont le soigner et l'accueillir jusqu'à la fin de la guerre. Kajan, profitera pour apprendre l'allemand et le piano, en Cornelius, il trouvera un très bon professeur.

Ses parents, de fervents communistes, surtout sa mère, se fera une place importante au sein du parti, à partir de ce jour, plus rien, ni personne ne comptera à part, servir cette cause, qui n'accepte aucune faute, ni même une pensée, autre que la leur. Une dictature effrayante, qui vous glace.

Libéré du joug des allemands, la liberté avait un goût exquis mais… « Il y eut un nouvel ennemi à combattre, un ennemi qui n'avait pas de visage, qui parlait albanais. L'ennemi devint le peuple lui-même. Ceux qui ne savaient plus, ceux qui imaginaient plus que les autres, qui osaient demander plus au nom du sacrifice de leurs pères pour libérer le pays, devinrent des personnes dangereuses. Savoir était dangereux, la libre-pensée était subversive, se plaindre en public du manque de nourriture était un affront direct envers le parti. L'époque qui commençait allait être encore plus difficile. Au moins pendant la guerre, on pouvait affronter l'ennemi sur le champ de bataille. Désormais, l'ennemi pouvait être notre meilleur ami. Chaque chose était mesurée avec soin, de la musique à la littérature, aux mots, à la pensée. »

Une deuxième guerre commença.

Grâce à l'aide de son père, Kajan, fera une école de musique et deviendra professeur, un génie dans son art, reconnu, fêter. L'Albanie ayant rejoint l'URSS, il sera invité à Berlin-Est, pour un immense concert réunissant les pays communistes. Heureux de découvrir ce qui se passe dans le monde, il voyagera sous bonne escorte.

Un destin captivant, l'attend. A partir de ce jour, sa vie ne sera plus la même, je vous conseille de le lire. Les évènements vont s'entrechoquer, des moments de tension intense, l'émotion à chaque page. Un récit magnifique. Ce n'est que mon simple avis.
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Le roman débute en 1943, dans un petit village du nord de l'Albanie. Kajan vit seul avec son grand-père, tandis que ses parents sont partis combattre les nazis. Alors qu'il se questionne sur cette guerre lointaine et abstraite, il fait la rencontre de Cornélius, un déserteur allemand. Celui qui devrait incarner le terrible ennemi est en réalité un homme doux, pacifiste et un talentueux musicien. Leçon après leçon, il va transmettre son savoir à Kajan, qui se révèle être un élève particulièrement doué.
Mais, lorsque la guerre prend fin, chacun doit retourner parmi les siens et les deux amis sont séparés. Kajan va continuer à cultiver cette amitié à travers la musique, devenant le plus jeune professeur du conservatoire. Mais la guerre contre le fascisme a laissé la place à la dictature communiste et Kajan, véritable fierté nationale ignore encore tout de ce que lui réserve la vie… de l'Albanie à l'Allemagne, en passant par les Etats-Unis, Kajan, le pianiste prodige, va vivre mille et une vies, mille et une peines, entrecoupées de quelques éclaircies. de trop rares moments de bonheur, volés à un monde dans lequel règne le plus terrible chaos…

Et bien, quelle épopée! A travers l'histoire de Kajan, c'est tout un pan de l'histoire de l'Albanie, ce petit pays coincé entre le Monténégro, le Kosovo, la Grèce et la mer Adriatique, que j'ai découvert! Des années 40 aux années 90, on balaie cinquante ans d'Histoire à travers une véritable aventure humaine, riche en rencontres, en drames et en rebondissements.

Je dois dire que j'ai été littéralement transportée aux côtés de ces nombreux personnages terriblement attachants, mais malmenés par les coups du sort autant que par leur patrie. On imagine mal ce que c'est de vivre dans un pays refermé sur lui-même, refusant le progrès et le changement. Un pays où votre voisin peut, par jalousie ou par convoitise et sur une simple dénonciation, vous faire envoyer dans un camp de travail dont vous ne reviendrez jamais… Ermal Meta rend à merveille ce règne de la terreur et de la suspicion dans un climat de Guerre Froide particulièrement tendu.

Le roman est sombre, haletant et particulièrement bien rythmé. Difficile à lâcher une fois commencé. La musique participe à ce rythme et joue un rôle essentiel s'élevant comme une seule voix, défiant les frontières, les barrières du langage, pour s'élever contre l'oppression et dire la beauté et la liberté qui subsistent quand tout semble perdu. C'est beau, c'est fort et c'est musical jusque dans l'écriture. Bon, si je voulais être tout à fait objective, je devrais peut-être reconnaître que les ficelles narratives sont parfois un peu faciles et les rebondissements un peu gros, mais à aucun moment ça n'a gâché mon plaisir de lecture, au contraire! Un premier roman porté par un souffle romanesque qui m'a proprement emballée et que je recommande sans hésiter!

Un grand merci à Babelio et aux éditions JC Lattès pour ce partenariat réussi!
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En Albanie durant 1943, Kajan, sept ans, voit sa vie changer alors que ses parents partent combattre les nazis. Il trouve refuge chez son grand-père Betim jusqu'à l'arrivée de Cornelius, un déserteur allemand et talentueux pianiste. Fasciné, Kajan décide d'apprendre à jouer du piano et développe une amitié sincère avec lui.

Des années plus tard, devenu professeur de musique, Kajan espère un avenir radieux, mais dans une Albanie sous la dictature communiste au coeur de la guerre froide, une nouvelle forme de conflit menace de tout bouleverser.

Ce récit nous offre une première plongée globale dans l'Histoire de l'Albanie, un livre où je n'ai pas d'équivalent à vous suggérer. Cela m'a incité à envisager de demander à @la_kube de me recommander un roman là-dessus.

L'enfance difficile de Kajan m'a profondément ému. Il semble que rien ne lui ait été épargné. Les conditions de vie des habitants m'ont surpris, attristé et indigné : un acte anodin peut conduire à la prison, à la captivité en camp, voire à la mort.

La description de cette dictature impitoyable et brutale m'a profondément marqué. Les habitants n'ont pas eu de répit. Une fois l'ennemi extérieur écarté, l'ennemi intérieur a pris sa place, ce qui semble encore pire, car un ami peut devenir un ennemi du jour au lendemain.

Kajan nous mène ensuite en Allemagne lorsque l'Albanie rejoint l'URSS, lui offrant de nouvelles opportunités et des liens sociaux qui lui avaient peut-être manqué. Est-il allé à l'est ou à l'ouest ? A-t-il traversé le mur ? Je vous laisse découvrir par vous-même ce qui lui arrive en Allemagne.

La question demeure : Kajan reste-t-il en Allemagne, part-il dans un autre pays ou retourne-t-il en Albanie, risquant des représailles pour avoir fui ?

Les récits de guerre sont souvent poignants, et j'ai passé un moment enrichissant grâce à la plume de ce nouvel auteur. Cela a été une belle découverte pour moi.
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Demain et pour toujours ...

Nous sommes en Hiver 1943 dans un petit village du Nord de l'Albanie. Kajan est tout jeune, il est resté vivre avec son grand-père, ses parents Selie et Ago se sont engagés avec les Partisans dans une lutte sans merci contre l'occupant allemand.. Kajan croise la route de Cornelius , un déserteur allemand, et grâce à cet homme s'ouvre devant lui l'immense monde de la musique... un monde dans lequel Kajan va entrer ébloui, émerveillé ..

Mais l'Albanie en 1945 décide de devenir l'une des républiques de l'U.R.S.S .. la roue tourne. Selie occupe une fonction importante au sein du Parti .
Kajan va devenir un pianiste virtuose, reconnu et célébré, invité à Berlin-Est pour un festival . Sa route va alors prendre un autre chemin.... les années passent jusqu'à la fin 1989, la chute du Mur et ... Demain et pour toujours...

Ermal Meta , auteur-compositeur-interprète , est italo-albanais. L'histoire de Kajan est avant-tout l'histoire d'un pays, de son pays. Il le fait magnifiquement, la musique est là toujours ou presque . Une page d'histoire douloureuse, cruelle qui a meurtri tout un peuple.
Je n'aurais pas découvert ce roman sans la complicité des Editions J.C Lattès via Netgalley , merci à eux.
#Demainetpourtoujours #NetGalleyFrance !

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Né en 1936 dans le village de Rragam, en Albanie, Kajan a vécu une vie hors du commun, faite de séparations, de souffrances et de musique, et c'est son histoire que nous raconte Ermal Meta dans ce premier roman passionnant.

Il découvre le piano pendant la guerre, alors qu'il a 7 ans, grâce à un pianiste allemand déserteur que sa famille cache, et devient un musicien de grand talent qui fait la fierté de son pays totalitaire.

Mais l'avenir qui l'attend va s'avérer chaotique. Il vivra des déchirements qu'il devra surmonter pour continuer à vivre et de nombreuses fois il recommencera, malgré les déceptions et les peines, revenant toujours à cette musique qu'il porte en lui.

De Berlin à La nouvelle Orléans et de New-York à Tirana, il connaîtra le succès comme musicien de jazz puis la souffrance dans les camps de travail albanais, il vivra l'amour et subira la perte, il goûtera à l'amitié mais aussi à la trahison.

Mais jamais il n'oubliera ses origines qui le ramèneront inexorablement chez lui.

Lui-même musicien et compositeur, Ermal Meta nous transporte, avec une sensibilité à fleur de peau, dans cette époque de privations et de soumission, où chacun dénonce son voisin pour survivre et où les liens de famille cèdent face à la peur du Parti.

Romanesque et historique, cette grande fresque nous entraîne sur les routes du communisme dans un récit captivant et très bien documenté.

Un roman d'une telle densité et d'un tel réalisme que je l'ai dévoré avec passion de la première à la dernière page, retenant mon souffle à chaque nouvel épisode de la vie de ce grand pianiste.

Un immense coup de coeur.
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Kajan vit en Albanie, lorsque pendant la seconde guerre mondiale, un allemand nommé Cornélius, trouve refuge dans la ferme de son grand-père. Cornélius va apprendre au jeune Kajan le piano, et à entendre la musique dans sa tête bien avant de la jouer. Une fois adulte, Kajan devient un pianiste professionnel et très doué. Mais c'est sans compter sur la guerre froide et la répression communiste en Albanie qui va l'obliger à fuir son pays.
J'ai été beaucoup touchée par l'histoire de Kajan.
La plume de l'auteur est imagée et poétique. J'ai été séduite tout de suite par cette histoire vraie.
Encore un pan de la seconde guerre mondiale que je ne connaissais pas, d'ailleurs je connais pas l'histoire de l'Albanie. La répression communiste dans les pays de l'Est est resté un sujet peu abordé en France. On y découvre la pression constante des communistes sur la population, les tortures infligées à ceux qui soit disant s'opposent au parti et les camps de travail.
La mère de Kajan était membre de cette police et faisait peser une grosse pression sur les épaules de son fils.
Kajan n'a vraiment pas eut de chance dans la vie et a vécu plusieurs déboires amoureux. J'ai ressenti beaucoup d'empathie pour lui.
C'est le récit passionnant d'un homme ordinaire qui a vécu des choses extraordinaires.
C'est un livre historique que je vous recommande.
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C'est l'une des très bonnes surprises de la rentrée : ce roman d'un auteur albanais, Ermal Meta, de langue italienne publié par les Éditions JC Lattès. Je le classe dans la littérature albanaise, bien qu'il soit écrit dans la langue du pays d'adoption de l'auteur, car albanais, il l'est, d'un bout à l'autre du récit. C'est le premier roman d'un auteur qui est compositeur interprète, vous l'avez peut-être vu à l'Eurovision 2018 représentant nos voisins italiens. On a du mal à croire que c'est le roman d'un tout nouvel écrivain, même s'il est déjà cantautore depuis un petit bout de temps comme on dit chez les transalpins (mot-valise signifiant auteur-compositeur), un roman de plus de 400 pages ne se conçoit pas et ne s'écrit pas comme une chanson.


L'auteur n'a passé que treize années dans son pays d'origine, il semblerait pourtant qu'il ne l'ait jamais quitté, aussi ambivalents que ses souvenirs puissent être. L'histoire débute en Albanie, celle des années du fer stalinien, elle finit en Albanie, celle des années libres 90. Et entre deux, Kajan Dervishi, le personnage principal, va grandir à Ragam petit village du nord de l'Albanie en pleine guerre mondiale, aux côtés de son grand-père et de Cornelius, un déserteur allemand, devenir pianiste surdoué au sein d'une république populaire d'Albanie aux mains d'un dictateur qui préféra s'allier à la Chine populaire plutôt qu'avec une URSS en pleine déstalinisation. Entre des parents, ardents patriotes communistes, d'une mère, en particulier, qui a été héroïne de guerre et qui occupe désormais une place spéciale dans l'interminable pyramide hiérarchique du régime. C'est à l'occasion d'un séjour en Allemagne de l'Est, pour un concours mettant en scène tous les musiciens les plus doués du bloc de l'est, que les événements pour s'emballer pour Kajan : il y découvre un monde nouveau, un autre système de dictature, l'amour, l'amitié, la trahison, et surtout, il se retrouve à l'ouest sans l'avoir vraiment prévu.

La situation est d'autant plus grave, et surtout irréversible, qu'une fois le mur franchi, on ne retourne pas à l'est sans risquer la prison pendant de longues années, voir même la torture. Kayan en est conscient. Mais ce dont il est encore plus conscient, c'est que sa mère, patriote convaincue et fidèle acharnée au régime, d'où elle est, ne peut approuver son geste, et doit subir les aléas d'un interrogatoire musclé, puis un exil dans un des camps du pays, en tant que mère de traître à la patrie. Car fuir l'Albanie n'équivalait rien d'autre qu'à trahir sa patrie, d'autant que c'est pour aller vers l'ouest, règne du capitalisme. Mais tout ça, Kayan commence par le fuir, laissant derrière lui cadavres, et famille, et rejoint les Etats-Unis, ou bon an mal an, il fait sa vie. Mais l'Albanie n'est jamais loin, le souvenir de sa famille archivé dans le même coin que ses remords, il se décide à faire le chemin inverse, un retour aux origines aussi périlleux que sa fuite l'a été. Et ce n'est pas le pire qui l'attend, peu s'en faut.

L'histoire de Kajan est captivante, car elle traverse le temps – l'Albanie a vécu quelques évènements depuis la 2nde guerre mondiale à la fin des années 90, elle traverse l'espace – Kajan est passé d'un pays ultra fermé, a franchi le rideau de fer, pour finir dans le plus libéral des pays, les Etats-Unis, elle est forte en histoire et en émotions, elle possède une fin fracassante, retentissante, qui m'a laissée étourdie. Inattendue, quoique logique. Terrible et assourdissante. Il y a des éléments des narrations auxquelles je m'attendais, mais le coup de force de la narration qui renverse la situation m'a laissée pantoise : ce même retournement, qui laisse percevoir à quel point le sentiment de patriotisme, a été fort dans ce pays, bien plus puissant que tout autre lien. D'ailleurs, dans son exil, Kajan cultivera toujours plus ou moins son sentiment d'attachement à sa patrie, quand bien même il est devenu Joe, indiciblement lié à ses talents musicaux. En même temps qu'il gardera, quelque part en lui, cette animosité d'un pays qui lui a enlevé ses cousins, qui a conditionné irrémédiablement son entourage, qui le séparera de son premier amour.

En finir avec les années destructrices de la guerre pour embarquer dans 4 décennies d'un système aussi perverti et vicié, c'est la malédiction des Albanais, emprisonnés dans leur propre pays, embourbés dans une guerre ou les belligérants sont tous albanais : comment ne pas perdre le sens des valeurs dès lors que le pays pour lequel ils ont combattu et résisté devient leur propre bourreau. L'auteur n'évoque jamais le président, les noms au pouvoir, car ils sont toute une composante de ce système, individuellement, ils ne sont pas grand-chose, une entité toxique qui broie les siens dès lors qu'ils s'écartent du chemin. Un mode de fonctionnement qui finalement pousse les siens vers la sortie. Ce roman se lit comme une fresque, Kajan en connaît des geôles dans sa vie, à commencer par celles de son pays natal, un roman où la traitrise est maître mot, d'où qu'elle vienne, car l'Allemagne de l'Est avait elle aussi sa façon bien à elle de tenir sous son joug ses petits soldats, d'espionner et de manipuler ses citoyens.

Demain et pour toujours est vraiment une belle surprise de premier roman, d'un auteur qui a fui le pays à treize ans, en compagnie de sa mère, sa soeur et son frère, qui a du connaître les affres de la dictature albanaise. Ce titre, je ne l'ai pas vu venir, et c'est l'une des grandes surprises de cette rentrée : à lire, absolument ! Et à relire.
Lien : https://tempsdelectureblog.w..
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Un livre poignant. Puissant. le parcours d'un albanais qui - dès l'enfance, conjugue son immense talent de pianiste avec les atrocités de la guerre, puis le règne de la terreur organisé par les dirigeants du Bloc de l'Est. Une vie de douleur et de courage.
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