Citations sur S.A.S.H.A. (10)
— C’est la première fois que tu vois un décollage d’aussi près, pas vrai ?
Elias avait haussé la voix pour percer le vacarme des réacteurs. Fasciné par le spectacle qui s’offrait à lui, la tête penchée vers l’arrière, Sasha cria « oui » sans quitter l’avion des yeux. Après un moment, l’enfant, toujours ébahi, ajouta pour lui-même :
— C’est vraiment magnifique !
Il y a de ces rêves qui vous effraient parce qu’ils vous ramènent à l’origine de vos angoisses les plus sombres… Elias se réveilla en sursaut en plein cœur du cauchemar, mais fut aussitôt rassuré par ce qu’il vit dans le rétroviseur. Il n’avait pas perdu le petit. Sasha dormait toujours à poings fermés sur la banquette arrière. Se tenant le flanc droit, Elias entrouvrit la portière et la poussa avec le bout élimé de sa botte militaire. Déplier sa longue carcasse pour s’extirper du véhicule lui arracha une grimace. Allure inquiétante, nez aquilin, le colosse décharné défit quelques boutons de sa chemise à carreaux, puis il prit la balle de tennis jaune qu’il avait calée entre le pare-brise et le tableau de bord.
Il la fit rebondir sur le sol à quelques reprises avant de la ranger dans une poche de son imperméable noir. À travers le film de poussière qui recouvrait la vitre de la portière, il détailla le garçon un instant. Sasha avait besoin de vêtements propres et d’un bain, mais, ses traits fins ainsi encadrés par ses cheveux blonds, il avait l’air d’un ange. Elias allait poser ses doigts sur la poignée lorsque l’enfant battit des paupières. Un sourire espiègle se dessina sur ses lèvres quand il croisa le regard de l’homme.
Sasha ne se plaignait jamais, mais lui aussi devait être affamé. Passant devant un Starbucks, il entraîna le petit vers la zone publique, où se trouvaient plusieurs cafés et restaurants.
— Tu crois qu’elle va venir, cette fois ?
Elias soupira :
— Il faut continuer d’y croire…
Il regrettait la naïveté, les lumières de l’enfance. Les siennes s’étaient rapidement voilées, puis éteintes. Il avança la main, essaya de la poser sur l’épaule du petit, mais fut incapable de ce geste d’affection. Des voix retentirent dans sa tête, trop fortes, trop familières.
« Je n’y arriverai jamais… »
« Tu y arriveras, Elias. Il le faut… »
À l’étage des départs, Elias examina longuement le tableau d’affichage des vols avant de repérer ce qu’il cherchait.
« Il y avait la vérité, il y avait le mensonge, et si l’on s’accrochait à la vérité, même contre le monde entier, on n’était pas fou. »
George
Elias analysa la situation sans émotion. Prendre ses jambes à son cou et se fondre dans la foule avec Sasha ne constituait pas une option: l'agent de sécurité donnerait l'alerte; ses collègues et lui, secondés peut-être par des policiers, se lanceraient à leurs trousses et ils seraient vite arrêtés. Touchant des doigts le tuyau de plomb calé dans la poche de son imperméable, il envisagea la possibilité d'employer la force.
Les voix se déchaînèrent dans sa tête.
"Tu es complètement fou ou quoi? N'y pense même pas!"
"C'est beaucoup trop risqué. Concentre-toi sur ton objectif, Elias. Tu dois à tout prix reprendre contact avec Luana."
"A l'étage des départs, Elias examine longuement le tableau d'affichage des vols avant de repérer ce qu'il cherchait. L'avion qu'ils attendaient devait se poser à 16h30."
"Elias voulait éviter qu’on les repère, mais ils ne pouvaient faire autrement que de se présenter au point de chute s’ils voulaient reprendre contact avec Luana. Ils devaient donc procéder avec prudence et se tenir le plus loin possible du champ des caméras de surveillance. "
"Tant qu’ils s’étaient terrés dans cette vallée au fond des bois de la Missisquoi, il avait cru qu’il serait possible de disparaître et d’échapper à ceux qui les poursuivaient ; que Luana, la mère du garçon, pourrait les y rejoindre et vivre tranquille avec eux. "
Réfléchis, merde ! Reprends-toi si tu veux le revoir vivant...