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Critique de Kirzy


Une avocate attend un verdict. Cette avocate, c'est la pénaliste Me Germaine Brière. Nous sommes le 29 septembre 1933. La Cour d'assises du Mans doit rendre sa décision dans l'affaire des soeurs Papin, les domestiques qui ont défrayé la chronique en assassinant avec une violence inouïe et sans mobile leur patronne et sa fille. Elles encourent une condamnation à mort.

Ce fait divers sordide a nourri l'imaginaire, de la pièce de Jean Genet aux films de Chabrol ( La Cérémonie ) et de Jean-Pierre Denis ( Les Blessures assassines ). Mais ici, Julia Minkowski déplace la focale sur l'avocate plutôt que sur les soeurs Papin. C'est elle que l'on accompagne dans ce moment particulier de l'attente du verdict qui décidera de la vie de sa cliente, Christine Papin, l'aînée. Un espace de narration empli de tension, un moment de cristallisation où les pensées s'échappent et l'introspection se déploie.

Julia Minkowski prend le risque de décevoir un lecteur plus intéressé par les criminelles que par leur avocate. Mais cela en vaut la peine. On sent toute la passion de Julia Minkowski, elle-même avocate pénaliste, à raconter le parcours de cette pionnière oubliée. Une femme qui impressionne par sa détermination. Elle a du s'imposer dans un monde professionnel très viriliste, jusqu'à faire un procès à l'Ordre des avocats du barreau du Mans pour pouvoir exercer ... alors que la loi autorisait les femmes à plaider depuis 1900 ... elle a du fournir un certificat de virginité pour garantir ses bonnes moeurs !

Julia Minkowski lui imagine une sensibilité, un ressenti qui touche profondément le lecteur et la transforme en personnage éminemment romanesque. On la voit s'interroger sur sa vie sentimentale, tiraillée entre son désir féministe d'émancipation loin des injonctions faites aux femmes de se marier et de procréer, et la tentation du confort apporté justement par cette convention sociale-là.

Sous les mots de sa consoeur, Me Germaine Brière s'incarne et transmet son élan vital ainsi que ses vibrations au lecteur. C'est passionnant de la découvrir sans l'exercice de son métier lorsqu'elle raconte l'élaboration de sa plaidoirie pour défendre Christine Papin en choisissant une ligne de défense très moderne : plutôt que de plaider le crime de classe, elle opte pour l'irresponsabilité pénale, l'abolition du discernement de sa cliente, réclamant inlassablement une nouvelle expertise psychiatrique.

C'est à travers son regard, ses craintes, ses convictions, ses hésitations que le crime commis par les soeurs Papin prend un autre relief, une autre dimension qui questionne le lecteur dans son rapport à la justice contemporaine.

Un premier roman très convaincant.

Lu dans le cadre de la sélection 2023 des 68 Premières fois

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