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Critique de gill


Si, au repas de midi, votre cidre avait un goût amer, comme un vieil arrière-goût de botte, préparez-vous à découvrir, dans les quelques premières pages de ce recueil, le secret de maît' Corneau, un des plus gros fermiers du Perche ...
"La pipe de cidre" est un recueil de nouvelles écrites par Octave Mirbeau, publié en 1919 chez Ernest Flammarion Éditeur à Paris.
La vie courante n'est jamais que l'antichambre du Grand-Guignol.
Et le défilé des silhouettes que nous y croisons est une galerie de monstres que la fiction a peine à égaler ...
Mirbeau s'amuse, Mirbeau badine avec les relents de ce qu'il a pu trouver de pire dans l'âme humaine.
A la ville et à la campagne, Octave Mirbeau a pénétré les secrets inavouables du pharmacien, du badaud, du petit rentier, du fils de la belle sabotière, de tous ceux qu'un jour ou l'autre sa plume a confessé.
Mirbeau s'est faufilé dans l'intimité de la tragédie quotidienne.
Bien sûr, il y a ajouté de l'excès et de l'outrance.
Mais si peu ...
"La pipe de cidre" contient vingt-trois nouvelles très courtes d'une dizaine de pages environ.
Seuls, "les souvenirs d'un pauvre diable" et "mémoires pour un avocat", les deux derniers textes sont plus longs.
Le recueil s'ouvre sur "la pipe de cidre", sur une nouvelle éponyme qui fait froid dans le dos.
Il sera dit que l'on regardera désormais son verre de cidre moins benoîtement !
Puis surgit Barjeot, un gendarme dont la splendide trogne avait conquis une véritable popularité dans le pays.
Ce sacré lascar de Barjeot !
Une nuit qu'il fricotait avec Boulet-Milord le braconnier, le garde d'Blandé les surprit ...
L'on est loin ici des fraîcheurs de "l'affaire Blaireau" d'Alphonse Allais.
Octave Mirbeau est un fabuleux conteur, mais il n'aime rien moins que de faire rimer sordide avec cynisme.
Si du rang de la galerie des monstres sort parfois une victime, un innocent, c'est souvent de façon inattendue, de manière incongrue.
C'est que pour Mirbeau l'innocent l'est fréquemment de manière ambiguë, et le coupable se révèle parfois être la victime d'un plus fort, d'un plus vil ou d'un plus hypocrite.
Tel ce colporteur torturé par Hurtaud pour avoir conté fleurette à la belle Rosalie ...
Tel Rabalan qui fût mortellement roué de coups par maît' Bottereau parce qu'il n'était point sorcier comme tous ceux de sa famille ...
Telle la belle sabotière de Bretoncelles qui mangea son fichu d'avoir voulu spolier le fils de son héritage ...
Parfois les nouvelles sont un trop courtes, trop brèves pour avoir le temps d'y installer sa lecture.
Et la tragédie éclate, le crime est commis avant même que l'on s'en aperçoive, que l'on ait pu s'émouvoir du précédent.
Mais la plume de Mirbeau est redoutable.
Elle sait manier la phrase dans toutes ses formes et ses formats.
Et, le recueil en vient à se refermer sur le plus triste des aveux : un homme écrit quelques "mémoires pour un avocat" dans lequel il confesse la plus lâche des faiblesses, celle qui l'a fait devenir un monstre par amour !
Comme toujours avec Mirbeau, cette lecture est savoureuse d'un plaisir coupable et lucide.
Mais y a-t-il de plaisir vraiment innocent, d'humanité sans faiblesse et de grandeur sans bassesse ? ...

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