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Critique de afriqueah


Puisque ce recueil contient quatre nouvelles, je vais en choisir deux, tellement elles contiennent de monde à la fois antique, traditionnel, inextricablement lié aux rites japonais et d'ouverture sur ce qui peut advenir dans le futur.

1- Dans « Les sept ponts, » où des amies se donnent pour but de franchir sept ponts durant la nuit, dans le silence le plus absolu, pour que se réalisent leurs voeux (amour et argent) Mishima réfléchit sur le désir de ces femmes, sur leurs prières, qui ne peuvent, par leur sincérité, qu'émouvoir la lune.
L'une d'elle doute, cependant : la souffrance qu'elle éprouve à marcher aussi longtemps s'arrêterait –elle si elle abandonnait ses absurdes illusions ?
Bonne question.
Les désirs ne seront pas exaucés, ce sont des rêves enfantins auxquels l'auteur ne croit pas, sauf pour la pauvre servante dont nous ne connaissons même pas le désir.

2- Dans « Patriotisme », Mishima détaille longuement la volonté d'un lieutenant de se faire « seppuku », de le faire par honneur, par amitié surtout, avec joie, d'autant que la femme qu'il aime le suivra, dit-elle et il en sûr. “Eros et Thanatos sont non seulement liés, ils sont concomitants, et presque les deux faces d'une même monnaie.
Rappelons-nous les visages possédés par l'orgasme d'une Sainte Thérèse d'Avila, sa « transverbération » peinte par Josefa de Obidos, et sculptée par le Bénin : elle est transpercée, mystiquement traversée par l'amour… de Dieu. Il n'y a Dieu que Dieu, qui puisse ainsi prendre possession d'un corps qui vibre.
Le même orgasme peut se voir dans le martyr de Saint Sébastien ( Tiepolo, José de Ribera, et surtout Rubens, là ou ce sont des amours qui viennent enlever la flèche) transformant ce saint en une icône sadomasochiste, dont Mishima avoue avoir été son premier émoi amoureux.
Raconter un suicide rituel serait simplement une horreur, si Mishima, avec son sens aigu de l'analyse, ne nous préparait pas, en décrivant justement les préparatifs de ce suicide, et l'amour fou qui lie les deux amants, à accepter que l'amour aille jusque là : ouvrir le col du mari pour que le couteau entaille. Cette nouvelle écrite en 1961 anticipe-t-elle, dans l'esprit de Mishima, sur son vrai seppuku en direct. ? Il avait déjà participé au film de 1966 sur sa nouvelle Patriotisme.

Curieusement, je pense que la question n'est pas sur ce que dit (et fait !) Mishima, mais la façon tellement littérairement réjouissante, sans espoir pourtant, absolument sans espoir, et à la fois détaillée, descriptive et elliptique, un bijou de nouvelles que nous offre l'auteur. Ce n'est pas l'amour plus fort que la mort, ça, nous y sommes hollywoodement habitués , c'est l'amour donc la mort.
Il faut lire ces pages d'ivresse devant la mort, nous ne sommes pas obligés de nous faire suppuku en refermant le livre.
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