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Dominique Aury (Traducteur)
EAN : 9782073063687
144 pages
Gallimard (21/03/2024)
3.64/5   348 notes
Résumé :
De l'univers des geishas aux rites sacrificiels des samouraïs, de la cérémonie du thé à la boutique d'un antiquaire, Mishima explore toutes les facettes d'un japon mythique, entre légende et tradition.

D'une nouvelle à l'autre, les situations tendrement ironiques côtoient les drames les plus tragiques : que ce soit la jolie danseuse qui remet du rouge à lèvres après avoir renoncé à se défigurer avec de l'acide en souvenir de son amant, Masako, désesp... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (52) Voir plus Ajouter une critique
3,64

sur 348 notes
Puisque ce recueil contient quatre nouvelles, je vais en choisir deux, tellement elles contiennent de monde à la fois antique, traditionnel, inextricablement lié aux rites japonais et d'ouverture sur ce qui peut advenir dans le futur.

1- Dans « Les sept ponts, » où des amies se donnent pour but de franchir sept ponts durant la nuit, dans le silence le plus absolu, pour que se réalisent leurs voeux (amour et argent) Mishima réfléchit sur le désir de ces femmes, sur leurs prières, qui ne peuvent, par leur sincérité, qu'émouvoir la lune.
L'une d'elle doute, cependant : la souffrance qu'elle éprouve à marcher aussi longtemps s'arrêterait –elle si elle abandonnait ses absurdes illusions ?
Bonne question.
Les désirs ne seront pas exaucés, ce sont des rêves enfantins auxquels l'auteur ne croit pas, sauf pour la pauvre servante dont nous ne connaissons même pas le désir.

2- Dans « Patriotisme », Mishima détaille longuement la volonté d'un lieutenant de se faire « seppuku », de le faire par honneur, par amitié surtout, avec joie, d'autant que la femme qu'il aime le suivra, dit-elle et il en sûr. “Eros et Thanatos sont non seulement liés, ils sont concomitants, et presque les deux faces d'une même monnaie.
Rappelons-nous les visages possédés par l'orgasme d'une Sainte Thérèse d'Avila, sa « transverbération » peinte par Josefa de Obidos, et sculptée par le Bénin : elle est transpercée, mystiquement traversée par l'amour… de Dieu. Il n'y a Dieu que Dieu, qui puisse ainsi prendre possession d'un corps qui vibre.
Le même orgasme peut se voir dans le martyr de Saint Sébastien ( Tiepolo, José de Ribera, et surtout Rubens, là ou ce sont des amours qui viennent enlever la flèche) transformant ce saint en une icône sadomasochiste, dont Mishima avoue avoir été son premier émoi amoureux.
Raconter un suicide rituel serait simplement une horreur, si Mishima, avec son sens aigu de l'analyse, ne nous préparait pas, en décrivant justement les préparatifs de ce suicide, et l'amour fou qui lie les deux amants, à accepter que l'amour aille jusque là : ouvrir le col du mari pour que le couteau entaille. Cette nouvelle écrite en 1961 anticipe-t-elle, dans l'esprit de Mishima, sur son vrai seppuku en direct. ? Il avait déjà participé au film de 1966 sur sa nouvelle Patriotisme.

Curieusement, je pense que la question n'est pas sur ce que dit (et fait !) Mishima, mais la façon tellement littérairement réjouissante, sans espoir pourtant, absolument sans espoir, et à la fois détaillée, descriptive et elliptique, un bijou de nouvelles que nous offre l'auteur. Ce n'est pas l'amour plus fort que la mort, ça, nous y sommes hollywoodement habitués , c'est l'amour donc la mort.
Il faut lire ces pages d'ivresse devant la mort, nous ne sommes pas obligés de nous faire suppuku en refermant le livre.
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Je me souviens de la nouvelle intitulée « Patriotisme ». Avec cette courte nouvelle, Mishima atteint le sublime. La concision du récit, la finesse des descriptions en font une oeuvre magistrale. Se référant à un fait divers de 1936, il met en scène un officier de la garde impériale qui n'a pas su empêcher une tentative de putsch, si mes souvenirs son exacts. Cet officier, se considérant responsable de l'échec, il décide, par loyauté envers son pays, à l'empereur, de se faire seppuku. Alors là, tenez vous bien ! On assiste dans les moindres détails à la préparation et à l'exécution du rituel, aidé par son épouse, qui le rejoindra dans la mort aussitôt après. le sabre perforant l'abdomen en croix, la douleur se lisant sur le visage inondé de sueur du personnage, le sang maculant peu à peu le kimono, dont les projections perleront le tatami. Les intestins se vidant peu à peu sur le sol avant la chute finale du corps. Dans le court-métrage qu'il en fera lui-même peu de temps après, il s'agit, si je me souviens bien, d'un long plan-séquence. Fascination pour un homme se donnant la mort. Fascination pour la mort ? Peut-être, car lui-même, après son putsch manqué en 1970, se donnera la mort de la même façon.
Après cette nouvelle, vous comprendrez que je ne me souvienne plus beaucoup des autres, qui composent le recueil. Qui a lu ou vu « Patriotisme » ne peut pas l'oublier ! de plus, il me semble qu'il s'agit là d'une partie de l'âme du Japon que Mishima nous restitue avec un raffinement inouï.
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Assemblage hétéroclite
Je n'ai pas été très emballée par ce recueil traduit de l'anglais par Dominique Aury. Mishima est mort depuis 50 ans. Il faudrait songer à traduire ces nouvelles directement du japonais.

1) Dojoji
C'est une toute petite pièce de théâtre. du nô revisité. Mais je suis assez déçue moi qui avais été enchantée par "Cinq nô modernes". Cela commence très bien pourtant comme un vaudeville : une vente aux enchères d'une énorme armoire, vraiment, vraiment énorme.. Les prix grimpent, grimpent et les bons mots fusent, quand survient une danseuse qui casse les prix et l'ambiance. Cela vire au drame obscur. Je n'ai pas tout compris. Est-ce la traduction ? Je ne peux m'empêcher de penser qu'Edogawa Rampo aurait fait mieux !

2) Les sept ponts
Un petit conte à la sauce moderne plutôt sympa. Deux geishas, une fille à papa et une petite servante disgracieuse se livrent à un singulier pélerinage. Elles doivent traverser sept ponts en plein Tokyô, prier et s'abstenir de bavarder pour que leurs voeux soient exaucés. L'histoire est bien menée, amusante du début à la fin avec une chute inattendue.

3)Patriotisme
L'histoire s'appuie sur un fait réel. En 1936, une tentative de coup d'Etat militaire échoue. le lieutenant Shinji bouleversé d'apprendre que ses proches camarades font partie des mutins et indigné de voir des troupes impériales attaquer des troupes impériales, prend son sabre et s'éventre rituellement. Sa femme Reïko suit son exemple et se poignarde.
C'est sur cette sombre histoire édifiante que Mishima brode avec force détails esthétisants. La mort envisagée comme une oeuvre d'art n'est pas ma tasse de thé du tout. La soumission idéalisée de la femme non plus. La glorification du fanatisme encore moins.

4) La Perle
On termine par du léger.
Madame Sasaki invite quatre amies du même âge pour son anniversaire. Avant de les recevoir, elle enfile une bague ornée d'une perle à son doigt. La perle tombe contre le rebord du plat contenant le gâteau. Madame Sasaki décide de s'en occuper plus tard. Ces dames arrivent, Madame Sasaki "nage dans le bonheur" jusqu'au moment où elle se rappelle la perle qu'elle a laissée. Mais où exactement ? On la cherche, on feint de la chercher, on dit qu'on l'a avalée...Ah ! Ces femmes tellement superficielles, égoïstes et méchantes entre elles !
La nouvelle est certes un tantinet misogyne et cruelle mais bien amusante.






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Les quatre textes réunis par Folio dans ce petit ouvrage sont eux-mêmes extraits du recueil "La Mort en Eté", également paru chez Gallimard. Mishima insista pour qu'elles fussent traduites directement du texte anglais. Celui-ci avait été obtenu, à parit de l'original japonais, par Donald Keene (pour "Dojoji" et "Les Sept Ponts") et Geoffrey W. Sargent pour les deux dernières nouvelles.

Reprise moderne de l'un des classiques du théâtre nô, "Dojoji", courte pièce en un acte, conserve son titre originel, lequel fait allusion au temple où se déroule l'histoire primitive. Mishima a également conservé le thème central, à savoir les méfaits de la jalousie. En revanche, personnages et contexte ont complètement changé.

A la différence de l'héroïne maléfique de la légende qui, par jalousie, tue le moine dont elle est amoureuse, la Kiyoko de Mishima est une victime. Son amant l'a tout d'abord quittée pour suivre une autre femme avant de s'enfuir définitivement dans la Mort. Assommée, gravement dépressive - mais qui ne le serait pas ? - Kiyoko est persuadée qu'il ne lui reste plus qu'à se défigurer dans les lieux mêmes où mourut l'homme aimé. Aux thèmes majeurs de la jalousie et de la souffrance, Mishima ajoute celui, tout aussi important, de la valeur réelle que l'on doit accorder à la beauté : après le décès brutal de son amant, Kiyoko, qui est très belle, se demande à quoi lui sert toute cette beauté et souhaite même la détruire tant elle lui apparaît vaine ...

"Les Sept Ponts" se déroule dans le milieu des geishas. Trois hôtesses de la Maison des Lauriers et Masako, la fille de leur patronne, décident d'accomplir un curieux pèlerinage. Afin que leur voeu secret se réalise, il leur faut, de nuit, franchir sept ponts parmi les plus importants de la ville en s'arrêtant pour prier à chacun d'eux. Condition primordiale pour garantir le succès de l'opération : pendant toute la durée de l'opération, elles ne doivent, sous aucun prétexte, adresser la parole à personne.

Les quatre femmes s'en vont donc, suivies de Mina, une servante nouvelle venue aux Lauriers et réputée comme particulièrement fruste et obtuse mais que la mère de Masako a chargée de veiller sur l'équipée de sa fille. Une à une et pour des raisons diverses, les pèlerines se voient contraintes à l'abandon. Seule Mina parvient à tenir bon, au grand dam de Masako, qui ne l'aime guère. La nouvelle se termine le lendemain, sur la jeune fille taquinant Mina afin qu'elle lui révèle son voeu. Cette promenade nocturne paraît avoir établi entre elles une relation nouvelle et moins tendue.

"Patriotisme", qui raconte par le menu le double suicide du lieutenant Takeyama et de sa femme, tous deux jeunes mariés, n'est pas à conseiller aux âmes sensibles ou suicidaires. Non que le talent de Mishima lui fasse défaut, bien au contraire. Mais l'écrivain y détaille avec un tel soin la scène du seppuku de Takeyama qu'il en finit par hypnotiser son lecteur, qu'il ait le coeur au bord des lèvres ou pas. L'effet en gênera plus d'un, c'est sûr.

D'un seul coup, on prend conscience de l'intensité de la fascination avec laquelle l'auteur japonais envisageait cet atroce rituel de mort. La description de la douleur pratiquement intolérable qui saisit l'officiant quand il s'éventre prouve en outre que Mishima avait non seulement anticipé ce moment dans son propre sacrifice mais qu'il ne doutait pas d'en tirer une jouissance qu'il ne tenait certes pas pour morbide. (La photo de l'expression faciale de Mishima à ses derniers moments montre d'ailleurs que tel fut le bien le cas.) Et l'on se rappelle alors combien il aimait à expliquer que son premier plaisir sexuel, il le prit à la pré-adolescence, devant une gravure représentant le martyr de Saint Sébastien - fait plus tard relaté dans "Confessions d'un masque."

Dernière nouvelle du recueil, "La Perle en est sans doute la plus humoristique. Mishima y dépeint, avec finesse et drôlerie, comment la disparition d'une perle à l'occasion d'un goûter d'anniversaire réunissant quatre bonnes amies va redéfinir les relations qui étaient les leurs jusque là. Ces dames appartenant à la haute bourgeoisie, tout cela se double d'une critique assez cruelle de leur caste sociale.

Au-delà la traduction, on se laisse comme toujours absorber par la perfection du style Mishima, un mélange de poésie naturelle et de réalisme un peu maniaque qui culmine dans "Patriotisme", l'une des nouvelles préférées de son auteur. A propos de "Patriotisme" justement, on constate que la puissance créatrice du romancier est telle qu'il entraîne avec aisance son lecteur avec lui, dans cette espèce de cauchemar éveillé qui clôt le texte, et ceci sans que le lecteur en question songe à protester. On est tenté d'écrire que la fascination de Mishima fascine ceux qui la contemplent par le prisme de la lecture. C'est un peu, ma foi, comme si Mishima nous invitait par procuration à son propre seppuku et, s'il y a là-dedans une forme de narcissisme absolu - qui n'étonne pas chez le personnage - on sent aussi qu'il s'agit là d'un honneur fait avec une rare élégance à toutes celles et tous ceux qui aiment et admirent son oeuvre. ;o)
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« ...elle fut incapable d'en comprendre les raisons, et dut se contenter de se dire qu'en ce monde rien n'est impossible. »

Cet extrait de la nouvelle « La Perle », je me permets de le reprendre pour commencer ce petit billet. Voilà un recueil de nouvelles de Yukio Mishima, dont toutes n'ont pas la même force, abordent des thèmes différents et ont des formes variées (une petite pièce de théâtre s'est glissée dans les quatre textes).

Je n'en retiendrai qu'une pour sa puissance d'évocation. J'ai été subjuguée par la beauté et la force du texte de la nouvelle intitulée « Patriotisme ». Ce sont les derniers instants d'un lieutenant et de son épouse qui décident de se donner la mort.

Je me suis arrêtée un long moment pour essayer de comprendre et plus je creusais, plus des liens se faisaient dans mon esprit, sans pour autant arriver à tout comprendre. Tout d'abord savoir que l'auteur s'est suicidé par seppuku le 25 novembre 1970 donne une autre lecture de ce texte écrit dix ans auparavant. Jonquet y faisait référence dans le manoir des immortelles. J'étais intriguée. La culture japonaise devait être très forte dans l'esprit de Mishima pour qu'il puisse exprimer avec un tel réalisme empreint d'idéalisation de l'acte, des scènes d'une violence rare. Par ailleurs, ces nouvelles reprises dans ce recueil Dojoji, sont elles-mêmes extraites du recueil La mort en été. Or, la traduction avait été assurée par Dominique Aury. C'est peut-être également pour cela -et inconsciemment car je ne l'ai découvert qu'après ma lecture-, que j'ai d'autant apprécié cette nouvelle, car D. Aury a une plume qui me charme et m'envoûte lorsqu'elle évoque l'abandon amoureux. Je me trompe peut-être ou je n'arrive pas à exprimer de manière précise ce ressenti mais je fais un lien entre ces deux auteurs. Eros et Thanatos. Un grand texte qui soulève beaucoup de questions. Peu importe si je ne trouve pas toutes les réponses …il suffit de savoir que dans « ce monde rien n'est impossible ».
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Citations et extraits (46) Voir plus Ajouter une citation
[...] ... "Ayez la bonté de regarder par ici. Nous avons ici quelque chose d'absolument unique, tant en Orient qu'en Occident, aux temps anciens ou aux temps modernes, une armoire dont le caractère transcende tout usage ordinaire. Les objets que nous vous proposons ont tous été, sans exception, créés par des artistes qui n'avaient que mépris pour les basses idées d'utilité, mais ces créations trouvent leur raison d'être dans l'usage, mesdames et messieurs, que vous leur découvrez. Les gens ordinaires se contentent de produits standard. On achète un meuble comme on achète un animal domestique - parce qu'il convient à la situation et qu'on le voit partout. Ce qui explique l'engouement pour tables et chaises de fabrication industrielle, pour les postes de télévision, et les machines à laver.

Mais vous en revanche, mesdames et messieurs, vous avez le goût trop raffiné et trop éloigné de ce qui plaît aux masses, pour même daigner jeter un coup d'oeil à un animal domestique - je suis sûr que vous préféreriez infiniment un animal sauvage. Ce que vous avez aujourd'hui devant vous dépasse tout à fait l'entendement d'un homme ordinaire, et n'étaient la hardiesse et l'élégance de vos goûts, personne n'y ferait attention. Voici, exactement, l'animal sauvage dont nous vous parlions. ... [...]
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Les pas de Reiko résonnèrent sur l'escalier. Les marches raides de la vieille maison grinçaient. Ces craquements de bois évoquaient de tendres souvenirs et, bien souvent, de son lit il les avait attendus avec joie. A l'idée qu'il ne les écouterait plus il redoubla d'attention pour que chaque minute, chaque seconde de son temps précieux soit occupée par la douceur de ces pas sur l'escalier grinçant. Chaque instant devenait un joyau d'où rayonnait la lumière.
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Le 28 février 1936 (c'est-à-dire le troisième jour de l'Incident du 26 février), le lieutenant Shinji Takeyama du Bataillon des Transports de Konoe - bouleversé d'apprendre que ses plus proches camarades faisait partie des mutins et indigné à l'idée de voir des troupes impériales attaquer des troupes impériales - pris son sabre d'ordonnance et s'éventra rituellement dans la salle aux huit nattes de sa maison particulière, Résidence Yotsuya, sixième d'Aoba-chô. Sa femme, Reiko, suivi son exemple et se poignarda. La lettre d'adieu du lieutenant tenait en une phrase : "Vive l'armée impériale." Sa femme, après s'être excusée de précéder, en fille dénaturée, ses parents dans la tombe, terminait ainsi la sienne : "Le jour est venu qui doit nécessairement venir pour une femme de soldat..."
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[...] ... Elles virent bientôt s'élever devant elles le pont Miyoshi, le premier des sept ponts qu'elles devaient franchir. Il était curieusement construit en i grec à cause de la fourche que faisait à cet endroit le fleuve. Les bâtiments sinistres de l'Administration centrale du District s'étalaient sur la rive opposée, et le cadran blanc de l'horloge de la tour indiquait une heure inexacte, absurde dans le noir du ciel. Le pont Miyoshi est bordé d'un parapet assez bas, et à chaque angle de la partie centrale, où se rencontrent les trois parties du pont, s'élève un lampadaire à l'ancienne mode d'où retombe un bouquet de lampes électriques. Chaque branche du bouquet porte quatre globes, mais tous n'étaient pas allumés, et ceux qui ne l'étaient pas luisaient d'une blancheur mate sous la lumière de la lune. Des essaims d'insectes voletaient autour des lampes.

L'eau du fleuve était balayée par le clair de lune.

A l'extrémité du pont, juste avant de le franchir, les jeunes femmes, conduites par Koyumi, joignirent les mains pour prier. Une faible lumière s'éteignit dans un petit bâtiment proche, d'où sortit un homme, qui venait sans doute de finir ses heures supplémentaires, et quittait son travail le dernier. Il allait fermer la porte quand il aperçut l'étrange spectacle et s'arrêta. ... [...]
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[...] ... Reiko s'assit à un demi-mètre environ du corps du lieutenant. Elle ôta le poignard de sa ceinture, regarda longuement l'acier poli de la lame qu'elle porta à sa bouche. L'acier lui sembla légèrement sucré.

Reiko ne s'attarda pas. Elle se disait qu'elle allait connaître la souffrance qui, tout à l'heure, avait ouvert un tel gouffre entre elle et son mari, que cette souffrance deviendrait une part d'elle-même et elle ne voyait là que le bonheur de pénétrer à son tour dans un domaine que son mari avait déjà fait sien. Dans le visage martyrisé de son mari, il y avait quelque chose d'inexplicable qu'elle voyait pour la première fois. Elle allait résoudre l'énigme. Reiko sentait qu'elle était capable de goûter enfin, dans leur vérité, l'amertume et la douceur du grand principe moral auquel croyait son mari. Ce qu'elle n'avait jusqu'ici perçu qu'à travers l'exemple de son mari, elle allait le goûter de sa propre bouche.

Reiko ajusta la pointe du poignard contre la naissance de sa gorge et brusquement l'enfonça. La blessure était légère. La tête en feu, les mains tremblantes, elle tira vers la droite. Un flot tiède emplit sa bouche et devant ses yeux, tout devint rouge, à travers le jaillissement du sang. Elle rassembla ses forces et s'enfonça le poignard au fond de sa gorge. [...]
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Vidéo de Yukio Mishima
Yukio Mishima (1925-1970), le labyrinthe des masques (Toute une vie / France Culture). Diffusion sur France Culture le 20 février 2021. Un documentaire d'Alain Lewkowicz, réalisé par Marie-Laure Ciboulet. Prise de son, Philippe Mersher ; mixage, Éric Boisset. Archives INA, Sandra Escamez. Avec la collaboration d'Annelise Signoret de la Bibliothèque de Radio France. 25 novembre 1970 : Yukio Mishima, écrivain iconoclaste japonais âgé de 45 ans, met en scène sa propre mort ; alors qu’il s’apprête à quitter le monde, il livre à son éditeur "La mer de la fertilité", véritable testament littéraire et spirituel de cet auteur tourmenté, fasciné par la mort rituelle. Cet homme nostalgique, avec son goût du vertige et de l'absolu, son amour des corps vierges et des âmes chevaleresques, sa quête effrénée des horizons perdus laisse une œuvre considérable qui raconte sans aucun doute la recherche d’une pureté illusoire et la laideur du monde. Lectures de textes (tous écrits par Mishima) : Barbara Carlotti - Textes lus (extraits) : "Patriotisme. Rites d’amour et de mort" (film de et avec Yukio Mishima, 1965. À partir de "Yūkoku", nouvelle parue en 1961) - "Confessions d’un masque" - "Le Lézard noir" - "La Mer de la fertilité". Archives INA : Ivan Morris et Tadao Takemoto - Flash info annonçant la mort de Mishima le 25 novembre 1970. Extraits de films : "Mishima" de Paul Schrader (1985) - "Le Lézard noir" de Kinji Kukasaku (1968) - Extrait du discours de Mishima juste avant son seppuku, le 25 novembre 1970.
Intervenants :
Pierre-François Souyri, professeur honoraire à l’université de Genève spécialiste de l’histoire du Japon Fausto Fasulo, rédacteur en chef des magazines "Mad Movies" et "ATOM" Tadao Takemoto, écrivain, spécialiste et traducteur de Malraux au Japon et vieil ami de Mishima Dominique Palmé, traductrice de Mishima chez Gallimard, spécialiste de littérature japonaise et de littérature comparée Julien Peltier, spécialiste des samouraïs, auteur de plusieurs articles parus sur Internet et dans la presse spécialisée, en particulier les magazines "Guerres & Histoire (Sciences & Vie)" et "Actualité de l'Histoire". Il anime également des conférences consacrées aux grands conflits de l'histoire du Japon Thomas Garcin, Maître de conférences à l’Université Paris 7 - Diderot, spécialiste de Mishima et de littérature japonaise Stéphane du Mesnildot, critique de cinéma, et spécialiste du cinéma japonais
Source : France Culture
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