En fait, j'ai toujours été convaincu que je ne pourrais aimer véritablement qu'une amatrice d'Ellroy, tout en pensant que cela n'existait pas. En tout cas, pas parmi les séduisantes.
Finie la sensation d'oppression qui les a saisis en pénétrant dans le studio. L'appartement d'Ahmed constitue une sorte de "reality-free zone" où les deux policiers se sentent libres d' arpenter leur propre univers intérieur. Et de s'y rejoindre. Sans avoir besoin d'en parler, ils savent que ce n'est pas lui qu'ils recherchent. Confusément, ils sentent qu'ils sont trois et non deux dans cette enquête. Une Juive ashkénaze, un Breton lunaire, et un Arabe "border line". La "dream time" du dix-neuf! Il faudra cependant jouer aux flics et au suspect.
Je sais que vous avez plongé dans cette enquête. Immersion dans la folie des religions. La grande folie des croyants. Ou plutôt de ceux qui colmatent leur gouffre, leur vide intérieur avec le béton de la certitude. Refermé et plat, on peut alors avancer dans la vie.
Hôtesse de l’air, Laura faisait parfois escale aux Emirats. Elle détestait l'aéroport de Dubaï où elle se sentait ravalée au rang de morceau de viande à l'étal dans le regard des ex-bédouins ventripotents à Rolex négligemment pendue au poignet. Elle se perdait dans les boutiques de cet hypermarché hors-taxes. Lors de son dernier voyage, elle lui avait pour la première fois rapporté un cadeau: un minuscule iPod dans lequel elle avait enregistré ses disques préférés. Depuis trois mois, Ahmed n'y a pas touché. Il l'exhume, place les écouteurs dans les oreilles et appuie sur Play. Par chance, la batterie n'est pas entièrement déchargée. La voix chaude de Dinah Washington : it's magic. Tout au fond de lui s'ouvre une petite porte hermétiquement close depuis si longtemps qu'il ne se souvenait même plus de son existence. Celle des larmes. C'est magique, l'effet de cette voix, de cette musique. Il pleure comme un enfant de quatre ans. L'âge du premier souvenir, celui où sa mère le prend dans ses bras pour le consoler d'avoir été frappé par un garçon déterminé. C'est la seule image qui lui reste d'elle. La seule. Peut-être, après, la tendresse a-t-elle surnagé au milieu de la folie? Peut-être, mais sans laisser de traces en tout cas. Comme c'était bon de se laisser aller contre elle ! Comme c'est bon de se laisser aller maintenant, cette musique suave dans les oreilles ! Les larmes coulent sur ses joues. Derrière la chanteuse, les violons sont sucrés, les choeurs dégoulinent...Une véritable fontaine. Ahmed ne comprend pas ce qui lui arrive. Laura...Laura... Comment ai-je pu? Doucement, pas de reproches inutiles. Tu vas le trouver, l'assassin, et après tu recommenceras à vivre. Et elle connaîtra la paix. Enfin. Dors, maintenant ! Rêve !
Bien que parfaitement athée, Enkell était à sa manière, un mystique. Le mal était le visage qu'il donnait au néant. (p.189)
Il ne supporterait pas une télévision chez lui, mais le son des séries assourdi par le mauvais béton, ça lui fait l'effet d'un Lexomil. (p.105)
Tu sais Jean, Freud était juif. Il vivait dans un pays catholique et manifestait une distance plus que critique à l'égard de la religion en général, de la sienne et de la nôtre en particulier.
Salissant. Ce type est salissant. Un seul regard et j'ai besoin d'une douche. C'est un flic à l'ancienne, gras mais musclé, aigri, raciste, macho, homophobe. (p.75)
Tu partirais au Djihad , toi? Tu irais te faire exploser pour tuer cinq soldats irakiens et un cul-terreux du Kansas? (p.154)
Les flics sont comme tout le monde, non ? Ils se racontent des histoires. Comme si le monde n’était pas vraiment aussi dur .