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Critique de sylviedoc



Outch ! Cette plongée dans les années 67-68 aura été ma claque littéraire (et musicale) de l'été !
C'est un temps que les moins de...60 ans (gloups!) ne peuvent pas connaître, du moins pas autrement que par les souvenirs de leurs aînés, ou, on y revient, la Musique, avec un grand M.
Pink Floyd, les Who, Janis Joplin, Brian Jones, Jimi Hendrix ou Frank Zappa, ça vous parle ? Moi je suis tombée dans leur chaudron magique à l'adolescence, quand tous étaient déjà au sommet de leur gloire, mais ici on les croise au fil des pages, se produisant dans des clubs pour initiés ou commençant à accéder à quelques grandes scènes. Comme j'aurais aimé vivre dans le swinging London à cette époque ! Même si ce n'était pas le pied pour tout le monde, les événements qui émailleront l'année 68 en Europe et aux États-Unis se chargeront de nous le rappeler…

Et Utopia Avenue, vous vous en souvenez ? Mais si, rappelez-vous, ce groupe à la croisée entre folk-rock, influences psychédéliques et pop anglaise, toujours pas ?
Rassurez-vous, c'est normal, parce qu'ils sortent tout droit de l'imagination débridée de David Mitchell, mais ils sont plus vrais que nature, et toute l'ambiance et les personnages « secondaires » (!) sont si réalistes qu'on s'y croirait.
Utopia Avenue, au départ ce sont quatre individus qui sont réunis par un manager canadien débutant et très discrètement homosexuel (ça ne « passe » pas encore, à l'époque) : Levon Frankland, qui souhaite lancer ses propres poulains, et qui sait, les propulser sur la scène internationale et les premières places des charts (les classements des radios ou de la presse spécialisée). Laissez-moi vous les présenter (je vous préviens, le billet va être long, quand je suis passionnée je ne compte pas, donc n'hésitez pas à survoler si ça vous gave).

D'abord on rencontre Dean Moss qui vit le pire jour de sa vie, il vient de perdre son logement, son boulot, et sa dernière paye parce qu'il s'est fait braquer. Quand il croise Levon, il est au bout de sa vie, il ne lui reste que la basse Fender pour laquelle il s'est endetté, mais celui-ci va lui faire une proposition…
On les retrouve au 2i's Coffee Bar où se produit un groupe en déliquescence, les Blues Cadillac. Malgré la médiocrité de l'ensemble, deux membres émergent du lot : le guitariste Jasper de Zoet, et le batteur Peter Griffin dit « Griff ». Grâce à une petite entourloupe, Dean va avoir l'occasion de leur montrer ses talents à la basse.

Jasper est né d'un riche père hollandais qui n'entretient plus aucune relation avec lui, mais pourvoit à ses besoins matériels, et d'une mère anglaise. Il abrite en lui un hôte indésirable depuis son adolescence, qui revient régulièrement lui gâcher la vie et auquel il doit un long séjour dans une clinique spécialisée. Il tient le coup grâce à des anti-psychotiques. Mais bientôt l'hôte en question va repointer sa vilaine tête : Toc-Toc !

Griff, le batteur, vient du Yorkshire et a fait son apprentissage musical dans le milieu du jazz. Plutôt brut de décoffrage, il n'a pas la langue dans sa poche et ne demande pas mieux que de tenter de nouvelles expériences.

Mais il manque un clavier là-dedans, vous ne trouvez pas ? Et des voix ? Enfin pour le chant, Dean et Jasper assurent, mais un timbre féminin, ce serait un sacré plus. Justement, Levon a repéré Elf Holloway, chanteuse folk et pianiste de formation, qui vient de se séparer de Bruce avec lequel elle formait un duo. C'est le moment pour elle de se lancer dans une nouvelle aventure !

Et l'alchimie va se faire, entre ces quatre musiciens issus pourtant d'univers et de milieux sociaux différents, la magie de la musique va opérer. Bien sûr les débuts seront durs, concerts dans des salles minables, déboires financiers, la gloire se fait attendre et ce n'est pas si facile de concilier les égos, surtout quand trois membres du groupe composent et veulent chacun sortir leur « single ». Mais vaille que vaille, on suit leur parcours tout au long de ces 750 pages divisées en grandes parties portant le nom des différents LP (les 33 tours vinyles de l'époque), subdivisés en chapitres dont chacun s'intitule comme l'une des chansons de la face A ou B. Et on fait plus ample connaissance avec ces quatre personnalités, à tour de rôle, on en apprend plus sur leur jeunesse, leur famille, et les événements qui les ont amenés à leur vie présente. Des tragédies vont évidemment se produire, chacun a dû ou devra se confronter à ses propres drames. Parallèlement, le monde va entrer dans l'ère de la contestation, aux États-Unis comme en Europe on assiste à d'immenses rassemblements contre la guerre au Vietnam, mai 68 arrive, les drogues de toutes sortes circulent presque librement, les relations sexuelles se libèrent avec les conséquences que cela peut engendrer.
Mais la ségrégation n'a pas dit son dernier mot…

750 pages, ça vous paraît peut-être beaucoup pour parler d'un groupe fictif et d'une société aujourd'hui reléguée dans les souvenirs des anciens hippies ? Moi ça m'a semblé bien trop court, j'aurais voulu que ça dure encore et encore. Pourtant je ne fais pas trop partie de la team « c'était mieux avant », j'ai bien conscience que le progrès permet à nombre d'entre nous de vivre mieux, et que les années 60-70 ont connu leur lot de conflits, de misère sociale et de précarité sanitaire. Mais, pour ce qui est de la musique et des autres arts, oui, c'était un âge d'or, une explosion de créativité, de spontanéité où on n'avait pas peur d'innover, et où nos sens étaient bien plus réceptifs, on n'avait pas besoin qu'un réseau social nous dicte la tendance mainstream du moment. « encore une vieille babs », penseront peut-être certains...bon, c'est réducteur, mais j'assume !

J'ai quand même un tout petit bémol, minuscule, mais qui m'empêche de mettre cinq étoiles (c'est qu'on devient exigeant, après tant de billets!). A certains moments, le jargon entre musicos devient inaccessible à la simple amatrice que je suis. Je suis totalement incapable de décrypter la moindre portée, alors imaginez, quand on me parle de pulse ternaire, de piste rythmique en 5/4, de jouer les graves en arpège et de tout renverser après la section médiane, je suis larguée. Mais ces passages ne représentent que quelques lignes par-ci par-là et parleront aux connaisseurs, dont l'auteur fait partie.

Mais ce minuscule point excepté, j'ai tout aimé dans ce roman, y compris la discrète touche de fantastique qui s'intègre merveilleusement bien à l'histoire. Voilà une lecture que je ne suis pas prêt d'oublier !
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