AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782757899809
768 pages
Points (16/02/2024)
4.1/5   84 notes
Résumé :
Londres, 1967. Dans l’effervescence des Swinging Sixties se forme un improbable groupe de folk-rock psychédélique nommé Utopia Avenue. Chapeauté par l’excentrique manager
canadien Levon Frankland, ce groupe fictif connaît une ascension fulgurante et croise la trajectoire de célébrités bien réelles telles que Syd Barrett, Francis Bacon, Leonard Cohen ou Janis Joplin.

Dans ce roman aux accents de biographie rock, David Mitchell raconte avec une m... >Voir plus
Que lire après Utopia AvenueVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (17) Voir plus Ajouter une critique
4,1

sur 84 notes
5
10 avis
4
7 avis
3
0 avis
2
0 avis
1
0 avis

Outch ! Cette plongée dans les années 67-68 aura été ma claque littéraire (et musicale) de l'été !
C'est un temps que les moins de...60 ans (gloups!) ne peuvent pas connaître, du moins pas autrement que par les souvenirs de leurs aînés, ou, on y revient, la Musique, avec un grand M.
Pink Floyd, les Who, Janis Joplin, Brian Jones, Jimi Hendrix ou Frank Zappa, ça vous parle ? Moi je suis tombée dans leur chaudron magique à l'adolescence, quand tous étaient déjà au sommet de leur gloire, mais ici on les croise au fil des pages, se produisant dans des clubs pour initiés ou commençant à accéder à quelques grandes scènes. Comme j'aurais aimé vivre dans le swinging London à cette époque ! Même si ce n'était pas le pied pour tout le monde, les événements qui émailleront l'année 68 en Europe et aux États-Unis se chargeront de nous le rappeler…

Et Utopia Avenue, vous vous en souvenez ? Mais si, rappelez-vous, ce groupe à la croisée entre folk-rock, influences psychédéliques et pop anglaise, toujours pas ?
Rassurez-vous, c'est normal, parce qu'ils sortent tout droit de l'imagination débridée de David Mitchell, mais ils sont plus vrais que nature, et toute l'ambiance et les personnages « secondaires » (!) sont si réalistes qu'on s'y croirait.
Utopia Avenue, au départ ce sont quatre individus qui sont réunis par un manager canadien débutant et très discrètement homosexuel (ça ne « passe » pas encore, à l'époque) : Levon Frankland, qui souhaite lancer ses propres poulains, et qui sait, les propulser sur la scène internationale et les premières places des charts (les classements des radios ou de la presse spécialisée). Laissez-moi vous les présenter (je vous préviens, le billet va être long, quand je suis passionnée je ne compte pas, donc n'hésitez pas à survoler si ça vous gave).

D'abord on rencontre Dean Moss qui vit le pire jour de sa vie, il vient de perdre son logement, son boulot, et sa dernière paye parce qu'il s'est fait braquer. Quand il croise Levon, il est au bout de sa vie, il ne lui reste que la basse Fender pour laquelle il s'est endetté, mais celui-ci va lui faire une proposition…
On les retrouve au 2i's Coffee Bar où se produit un groupe en déliquescence, les Blues Cadillac. Malgré la médiocrité de l'ensemble, deux membres émergent du lot : le guitariste Jasper de Zoet, et le batteur Peter Griffin dit « Griff ». Grâce à une petite entourloupe, Dean va avoir l'occasion de leur montrer ses talents à la basse.

Jasper est né d'un riche père hollandais qui n'entretient plus aucune relation avec lui, mais pourvoit à ses besoins matériels, et d'une mère anglaise. Il abrite en lui un hôte indésirable depuis son adolescence, qui revient régulièrement lui gâcher la vie et auquel il doit un long séjour dans une clinique spécialisée. Il tient le coup grâce à des anti-psychotiques. Mais bientôt l'hôte en question va repointer sa vilaine tête : Toc-Toc !

Griff, le batteur, vient du Yorkshire et a fait son apprentissage musical dans le milieu du jazz. Plutôt brut de décoffrage, il n'a pas la langue dans sa poche et ne demande pas mieux que de tenter de nouvelles expériences.

Mais il manque un clavier là-dedans, vous ne trouvez pas ? Et des voix ? Enfin pour le chant, Dean et Jasper assurent, mais un timbre féminin, ce serait un sacré plus. Justement, Levon a repéré Elf Holloway, chanteuse folk et pianiste de formation, qui vient de se séparer de Bruce avec lequel elle formait un duo. C'est le moment pour elle de se lancer dans une nouvelle aventure !

Et l'alchimie va se faire, entre ces quatre musiciens issus pourtant d'univers et de milieux sociaux différents, la magie de la musique va opérer. Bien sûr les débuts seront durs, concerts dans des salles minables, déboires financiers, la gloire se fait attendre et ce n'est pas si facile de concilier les égos, surtout quand trois membres du groupe composent et veulent chacun sortir leur « single ». Mais vaille que vaille, on suit leur parcours tout au long de ces 750 pages divisées en grandes parties portant le nom des différents LP (les 33 tours vinyles de l'époque), subdivisés en chapitres dont chacun s'intitule comme l'une des chansons de la face A ou B. Et on fait plus ample connaissance avec ces quatre personnalités, à tour de rôle, on en apprend plus sur leur jeunesse, leur famille, et les événements qui les ont amenés à leur vie présente. Des tragédies vont évidemment se produire, chacun a dû ou devra se confronter à ses propres drames. Parallèlement, le monde va entrer dans l'ère de la contestation, aux États-Unis comme en Europe on assiste à d'immenses rassemblements contre la guerre au Vietnam, mai 68 arrive, les drogues de toutes sortes circulent presque librement, les relations sexuelles se libèrent avec les conséquences que cela peut engendrer.
Mais la ségrégation n'a pas dit son dernier mot…

750 pages, ça vous paraît peut-être beaucoup pour parler d'un groupe fictif et d'une société aujourd'hui reléguée dans les souvenirs des anciens hippies ? Moi ça m'a semblé bien trop court, j'aurais voulu que ça dure encore et encore. Pourtant je ne fais pas trop partie de la team « c'était mieux avant », j'ai bien conscience que le progrès permet à nombre d'entre nous de vivre mieux, et que les années 60-70 ont connu leur lot de conflits, de misère sociale et de précarité sanitaire. Mais, pour ce qui est de la musique et des autres arts, oui, c'était un âge d'or, une explosion de créativité, de spontanéité où on n'avait pas peur d'innover, et où nos sens étaient bien plus réceptifs, on n'avait pas besoin qu'un réseau social nous dicte la tendance mainstream du moment. « encore une vieille babs », penseront peut-être certains...bon, c'est réducteur, mais j'assume !

J'ai quand même un tout petit bémol, minuscule, mais qui m'empêche de mettre cinq étoiles (c'est qu'on devient exigeant, après tant de billets!). A certains moments, le jargon entre musicos devient inaccessible à la simple amatrice que je suis. Je suis totalement incapable de décrypter la moindre portée, alors imaginez, quand on me parle de pulse ternaire, de piste rythmique en 5/4, de jouer les graves en arpège et de tout renverser après la section médiane, je suis larguée. Mais ces passages ne représentent que quelques lignes par-ci par-là et parleront aux connaisseurs, dont l'auteur fait partie.

Mais ce minuscule point excepté, j'ai tout aimé dans ce roman, y compris la discrète touche de fantastique qui s'intègre merveilleusement bien à l'histoire. Voilà une lecture que je ne suis pas prêt d'oublier !
Commenter  J’apprécie          5746
C'est à une période mythique du rock, qu'il soit pop, folk ou psyché, que s'attaque David Mitchell dans ce vaste roman. Nous suivrons, haletants, pendant deux ans un groupe (imaginaire), Utopia Avenue.

Adoncques en 1967 à Londres Jasper (guitare), Dean (basse), Elf (claviers) et Griff (batterie) sont découverts par un impresario canadien, qui les pousse à jouer ensemble car s'ils sont dissemblables ils sont aussi chacun dans leur genre très talentueux. Il a vu juste car cette alchimie, pas évidente au premier abord, fonctionnera à plein, amenant des concerts d'abord en Angleterre, puis en Europe avant de partir pour New-York puis la Californie en 1968.

Elf a connu du succès avec des compositions folk, en solo puis en duo. Elle a été trahie par son amoureux avec qui elle se produisait et donc décide de parier sur le groupe. David Mitchell prend le temps de détailler tous les titres parus sur trois albums, selon le signataire de la composition, qui prend alors la parole dans sa narration.

C'est un bonheur de chaque instant de suivre les aventures de ces quatre inséparables si différents. Ils rencontreront beaucoup de très grands noms, ou futurs grands noms, de la scène de ces deux années. Et ils devront aussi faire face à leurs démons personnels...

Je suis un lecteur régulier de David Mitchell et si j'avais un reproche à lui faire ce serait la complication parfois excessive de ses intrigues, qui flirtent souvent avec le fantastique le plus échevelé. J'ai relevé dans ce roman deux références assez marquantes à des romans plus anciens. Jasper de Zoet, le guitariste, est un descendant du Jacob de Zoet de "Les mille automnes de Jacob de Zoet". Et nous retrouverons aussi le concernant des protagonistes de "L'âme des Horloges". Mais il n'est pas nécessaire de les avoir lus pour apprécier le roman. Il se suffit amplement à lui-même. Même après avoir lu ses presque 750 pages, on en redemanderait volontiers !

Commenter  J’apprécie          335
Ce livre a été mon livre de l'été. Je l'ai aperçu sur les rayons de la librairie Gilbert jeune ( librairie rock s'il en est…) avec une recommandation du magasin. J'ai hésité après avoir soupesé les plus de 700 pages de l'ouvrage, puis me suis laissé tenter.
Je n'ai pas été déçu loin de la. C'est une vrai épopée musicale dans cette époque bénie pour la musique traversant les années soixante / soixante dix. Nous allons assister à la création du groupe utopia avenue, à travers la vision de chaque membre du groupe et de leur manager. Nous les accompagnons aux premières répétitions, premiers concerts. Tout y est parfaitement relaté sans faute de goût. Leur vie, leurs amours, leurs travers…
Ce livre est un vrai page Turner, c'est pour cela que l'histoire se lit agréablement et que j'avais envie de retrouver mon groupe de rock tous les soirs dans ma lecture. le finale est à l'image du livre, très bien venu et très à propos. Bref, je recommande ce livre, qui ferait un bon film, à condition d'avoir la bo adéquate. Avis que je partage avec d'autres lecteurs.
Et qu'elle belle idée surréaliste d'avoir fait se rencontrer les membres du groupes avec les musiciens de l'epoque!
Commenter  J’apprécie          290
J'ai été une fois de plus époustouflée par le brio de David Mitchell, un écrivain que j'ai adopté depuis le fond des forêts, Cartographie des nuages, Les mille automnes de Jacob de Zoet, L'âme des horloges et Cette maison. Utopia Avenue s'intègre parfaitement au brillant catalogue de l'auteur qui a le don de faire parler ses propres romans entre eux.
« - « Utopie » signifie « qui n'est pas un lieu ». Une avenue, c'est justement un lieu. Comme la musique. Quand nous jouons bien, je suis ici mais ailleurs aussi. C'est le paradoxe. L'utopie est inatteignable. Les avenues sont partout. »
Jasper de Zoet, guitariste, compositeur et chanteur, Dean Moss, bassiste, compositeur et chanteur, Elf Holloway, pianiste et chanteuse et Griff Griffin, batteur, sont réunis par un jeune manager hors du commun, Levon Frankland, afin de former un groupe « moiré et cryptique » à l'époque des fameuses Swinging Sixties à Londres. En un an, les quatre jeunes gens, avec leur musique aux origines blues, jazz et folk, feront l'apprentissage de la notoriété et du succès hors des frontières de la Grande-Bretagne et composeront avec les revers de la vie publique.
David Mitchell propose un portrait réaliste de la scène musicale pop de la fin des années 1960 et ses personnages fictifs sont tout aussi attachants qu'émouvants. On croise, dans ce roman majestueux, une pléthore de figures connues (Bob Dylan, Joan Baez, David Bowie, Brian Jones, John Lennon, Pink Floyd, Grateful Dead et j'en passe) dans d'amusants caméos, en plus des thèmes chers à l'auteur, la transplantation d'âme, la suaison et la confrérie de l'Horlogerie.
C'est tout simplement magnifique! Une histoire qui s'inscrit dans le top des plus ambitieux romans!
Commenter  J’apprécie          171
Utopia Avenue ? Oui, évidemment, ce groupe mythique et météoritique de la fin des années 60 ! Un quatuor célébré pour deux albums séminaux et des concerts électriques dans une veine rock-folk psychédélique. Juste un détail, tout de même : Utopia Avenue n'a pas existé et son itinéraire, raconté par David Mitchell dans le roman éponyme, n'est que fiction. le livre s'élève largement au-dessus du triptyque obligé : sexe, drogue et rock'n'roll, recréant tout l'esprit d'une époque aussi révolutionnaire dans une société marquée par la guerre au Vietnam que dans l'univers de la musique. Les personnages secondaires de Utopia Avenue ne sont pas n'importe qui, de Syd Barrett à Brian Jones en passant par Frank Zappa, Jimi Hendrix ou Janis Joplin mais c'est la densité narrative qui estomaque, dans une histoire intense et éprouvante, des galères aux premiers succès, jusqu'à une fin dramatique. Au gré du parcours de ses emblématiques personnages, l'auteur brasse avec virtuosité une quantité de sujets : schizophrénie, homosexualité, paternité, amour libre, deuils, dans une fresque remplie d'humanité, de désordre, d'épiphanies et de douleurs. David Mitchell nous offre même les paroles des chansons du groupe et décrit les concerts dans un style rageur et incendiaire, à un point d'immersion époustouflant. de ces trois garçons et une fille dans le vent, impossible de ne pas être fan transi. le livre pourrait, pourquoi pas, devenir une série culte mais encore faudrait-il en écrire la musique et cela, ce ne serait pas une mince affaire.
Lien : https://cinephile-m-etait-co..
Commenter  J’apprécie          210


critiques presse (3)
LeJournaldeQuebec
05 décembre 2022
Avec brio, David Mitchell aborde le grand mystère de la composition de chansons, décrit l’atmosphère des premiers concerts dans les bars, des sessions en studio. Il évoque les rencontres qui changent tout et les synchronicités qui se placent. Il analyse en même temps une époque de grands changements.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
LaTribuneDeGeneve
29 juillet 2022
Autant le savoir, «Utopia Avenue» assomme, enivre, prend la tête avec ses centaines de pages détaillées pour déclencher une immersion parfaite dans l’an 1967. A priori, l’excentrique semble avoir calmé ici les furieuses pulsions caractéristiques de son style polyphonique.
Lire la critique sur le site : LaTribuneDeGeneve
LeFigaro
28 juin 2022
Le huitième roman de l'écrivain est le portrait d'un groupe mais aussi la description fouillée d'un milieu artistique où les génies croisent les nuls, où les producteurs sont tout-puissants.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (26) Voir plus Ajouter une citation
Trois types ont dragué Elf. Chacun ne lui a fait que ressentir davantage combien Luisa lui manquait. Janis Joplin la rejoint dans un coin de la Pyramide et lui met un cocktail opaque dans la main. "Goûte ça. La Cruelle Vérité. C'est comme ça que ça s'appelle. Mon barman l'a créé spécialement pour moi. Gin, noix de muscade avec un soupçon d'effets néfastes." Elles trinquent en entrechoquant leurs verres de Cruelle Vérité et boivent. "Oh, doux Jésus, s'exclame Elf.
- C'était le deuxième nom que j'avais en tête.
- De quoi propulser des missiles.
- Trinquons à l'avenir, madame l'anglaise. Dis-moi. Est-ce que tu as trouvé une méthode pour tout ça ?"
La Cruelle Vérité anesthésie l'œsophage d'Elf." Une méthode ?
- Pour arriver à faire ce qu'on fait, en tant que femme. "
Plan rapproché, Elf voit un réseau en étoile de petites veines dans le blanc des yeux de Janis et des cicatrices sur son visage.
" Je n'ai pas de réponse. C'est ça la cruelle vérité.
- C'est vrai, n'empêche, non ? Si tu es un mec, c'est facile. Tu chantes tes chansons, tu te pavanes. Après le concert, tu te pose au bar et tu lèves des nanas. Mais si tu es une nana qui chante, tu es censé faire quoi ? C'est nous que les mec lèvent. Plus on est une grande star, plus c'est vrai. On est comme des... comme des...
- Des princesses à l'époque des mariages dynastiques. "
Janis se mord la lèvre inférieure et hoche la tête." Et notre célébrité fait monter la côte des mecs qui friment dans les vestiaires. Les gars en tirent un surplus de fierté. "Ah oui, Janis Joplin ? Je connais Janis. Elle m'a taillé une pipe sur le lit défait." (parole de la chanson de Leonard Cohen "Chelsea Hôtel").
Je déteste ça. Mais comment lutter contre ? Ou changer ça ? Ou y survivre ? "
Les Byrds chantent" Wasn't Born To Follow" sur une chaîne stéréo somptueuse.
"Je ne suis pas encore à ton niveau dit Elf. Tu aurais des conseils pour moi ?
- Pas de conseil. Juste une crainte et un nom : Billie Holiday."
Elf prend une troisième gorgée de Cruelle Vérité. "Billie Holiday est morte accro à l'héroïne, le foie bousillé, en état d'arrestation sur son lit de mort, avec seulement soixante-dix cents sur son compte en banque, non ?"
Janis allume une cigarette. "C'est ça la crainte."

(P561-563)
Commenter  J’apprécie          50
"Les chansons ne changent pas le monde, commence Jasper. Ce sont les gens qui changent le monde. Les gens font passer des lois, manifestent, entendent Dieu et agissent en conséquence. Les gens inventent tuent, font des bébés, déclenchent des guerres". Jasper allume une Marlboro. "Ce qui soulève une question: "Qu'est-ce qui, ou qui est-ce qui, influence les gens qui changent le monde?" Ma réponse est la suivante: "Les idées et les sentiments." Ce qui soulève une autre question: "D'où viennent les idées et les sentiments?" Ma réponse est la suivante: "Des autres. Du cœur et de l'esprit de quelqu'un. De la presse. De l'art. Des histoires. Et enfin, et surtout, des chansons. Des chansons. Des chansons, comme des graines de pissenlit qui essaiment dans le temps et l'espace. Qui sait où elles se poseront? Ou ce qu'elles apporteront?"
Commenter  J’apprécie          80
C'est le hippie classique qui ne porte pas de chaussures. À l'aéroport, l'employé de la compagnie aérienne lui a dit qu'on ne le laisserait pas monter dans l'avion pieds nus. Alors mon pote a regardé autour de lui, a aperçu un autre freak qui arrivait à San Francisco et lui a demandé : « Hé, mec, je pourrais t'emprunter tes sandales? Je vais manquer mon vol si je ne trouve pas des chaussures immédiatement. » L'inconnu lui a dit : « Bien sûr! », et lui a tendu sa paire, et mon pote a pu rentrer chez lui sans encombre. Ce genre d'échange n'a été possible que pendant une très courte période, entre 66 et 67. En 65, ç'aurait été trop tôt. L'inconnu aurait dit : « Ça va pas la tête? Achète-toi tes propres sandales. » Et maintenant, en 1968, il est top tard. L'inconnu dirait : « Bien sûr, prends-les. Ça fait cinq dollars, plus les taxes. »
Commenter  J’apprécie          70
Une petite chorale chantait. Des strates de voix pures s'élevaient jusqu'au toit, tout là-haut. Dean devait s'en aller mais une partie de lui ne s'en irait jamais. En mémoire et en rêve, il revisiterait cette faille spatio-temporelle. L'endroit faisait désormais partie de lui. Chaque vie, chaque tour de la roue, recèle quelques failles comme celle-ci. Un embarcadère près d'un estuaire, un lit simple sous une lucarne, un kiosque à musique dans un parc au crépuscule, une église cachée sur une place cachée.
Commenter  J’apprécie          10
- Des étiquettes. J'en colle partout. « Bon ». « Mauvais ». « Bien ». « Mal ». « Bourgeois ». « Cool ». « Queer ». « Normal ». « Ami ». « Ennemi ». « Succès ». « Échec ». Elles sont faciles à utiliser. Elles t'épargnent l'effort de réfléchir. Ces étiquettes restent collées. Elles prolifèrent. Elles deviennent une habitude. Au bout d'un moment, elles recouvrent tout et tout le monde. Tu commences à penser que la réalité ce sont les étiquettes. De simples étiquettes, écrites au feutre indélébile. Le problème, c'est que la réalité, c'est le contraire. La réalité est nuancée, paradoxale, mouvante. Elle est délicate. Elle est plusieurs choses à la fois. C'est pour ça qu'on est si minables dans la réalité. Les gens nous rebattent les oreilles avec la liberté. Constamment. Elle est partout. Il y a des émeutes et des guerres pour imposer ce qu'est la liberté et à qui elle est destinée. Mais la Liberté des Libertés, c'est ça : être affranchi des étiquettes.
Commenter  J’apprécie          00

Videos de David Mitchell (11) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de David Mitchell
Quel plaisir d'accueillir à Marseille le surdoué des lettres britanniques, l'un des écrivains les plus originaux du moment, auteur d'une oeuvre inclassable d'où surgissent des sortes de méta-romans qui naviguent entre les genres littéraires. David Mitchell est avec nous pour son dernier opus, qui réussit une fois de plus le pari de nous surprendre. Car ce n'est pas spontanément sur le terrain du rock et des Swinging Sixties que l'on attendait celui qui fut l'un des scénaristes du dernier Matrix, compagnon des Wachowski qui ont adapté au cinéma l'un de ses romans les plus célèbres, Cartographie des nuages (Cloud Atlas sur grand écran). Londres, 1967. Dans l'effervescence de la culture pop et de la minijupe, se crée Utopia Avenue, un improbable groupe de folk-rock psychédélique, « the most curious British band you've never heard of », dont on va suivre l'ascension fulgurante (et bien sûr la chute calamiteuse). Managé par Levon Frankland, dont le chapeau en fourrure et les lunettes bleues le rangent d'emblée dans la case « queer beatnik », ce groupe fictif se compose de la chanteuse folk Elf Holloway, à l'évidence taraudée par sa sexualité ; du bassiste Dean Moss, empêtré dans un passé familial traumatique ; de Jasper de Zoet, dont le génie à la guitare est perturbé par des hallucinations auditives qui l'amèneront à fréquenter une étrange clinique ; et du batteur Griff, dont on ne sait pas grand chose… On plonge avec frénésie dans une ville où le sexe est partout, où le LSD circule librement dans les clubs et les studios, croisant avec jubilation Syd Barrett, Leonard Cohen, Francis Bacon ou Janis Joplin. Un vent de liberté souffle sur Londres, même si le père d'Elf lui rappelle que sa banque n'emploie pas de femmes mariées, et même si la propriétaire de Dean, qui l'a mis dehors, affiche sur la fenêtre un panneau indiquant qu'elle ne loue ni aux Noirs ni aux Irlandais… Un grand roman aux accents de biographie rock, comme une série d'albums composés de chansons qui vous trottent longtemps dans la tête…
__ Un entretien avec David Mitchell (https://ohlesbeauxjours.fr/programme/les-invites/david-mitchell/) animé par Yann Nicol (https://ohlesbeauxjours.fr/programme/les-invites/yann-nicol/), traduit de l'anglais par Valentine Leÿs et enregistré en public au théâtre de la Criée à Marseille, en mai 2022 lors de la 6e édition du festival Oh les beaux jours !.
__ À lire
David Mitchell, Utopia Avenue, traduit de l'anglais (Royaume-Uni) par Nicolas Richard, L'Olivier. En librairie le 20 mai 2022.
__ Montage : Clément Lemariey Voix : Nicolas Lafitte Musique : The Unreal Story of Lou Reed by Fred Nevché & French 79 Un podcast produit par Des livres comme des idées (http://deslivrescommedesidees.com/).
__ La 7e édition du festival Oh les beaux jours ! (https://ohlesbeauxjours.fr/) aura lieu à Marseille du 24 au 29 mai 2023.
+ Lire la suite
autres livres classés : psychedeliqueVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (282) Voir plus



Quiz Voir plus

Freud et les autres...

Combien y a-t-il de leçons sur la psychanalyse selon Freud ?

3
4
5
6

10 questions
434 lecteurs ont répondu
Thèmes : psychologie , psychanalyse , sciences humainesCréer un quiz sur ce livre

{* *}