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Critique de Enki


Une femme et un homme, nus, l'un dans l'autre, s'apprêtent à connaître l'orgasme au milieu de nul part. La première se métamorphose alors en créature de cauchemar. le second, en mauvaise posture, tire un canon de son bras et délivre une sanction aussi définitive qu'inattendue. Plus tard on retrouve le même homme dans une cité où il tombe sur une bande de mercenaires en train de maltraiter un elfe. Il leur rappelle, aidé d'une arbalète à répétition et d'une épée aux proportions surréalistes que la cruauté n'est pas l'apanage des tortionnaires. L'elfe ne le quittera plus. Plus tard encore il se fera capturer puis torturer en représailles. Mais là n'allait pas s'arrêter l'histoire de Guts.
Berserk est une série du mangaka Kentaro Miura. Son univers s'inscrit dans un moyen-âge européen, par son architecture, ses rites, sa culture de la guerre. Epique, comme peu peuvent s'en targuer, le récit retrace les pérégrinations de Guts, mercenaire surdoué, mu par la vengeance et perdu dans un univers ou la paix ne semble exister. L'auteur y mêle sciemment, action, érotisme et lutte de pouvoir. Mais le plus remarquable de l'oeuvre du maître est, à mes yeux, sa vision du mal. Les esprits les plus nobles n'attendent que de sombrer dans la perversion ou la folie. Les âmes les plus pures finissent violées, souillées, perverties. La mort n'est pas une fin, seule la lutte permet de repousser l'inéluctable. Quant à la paix, elle précède l'ensevelissement… le salut, ici, a le gout de la damnation. Jamais sous les pinceaux de Kentaro Miura, le blanc ne reste immaculé. L'auteur accouche de planches baroques, volontairement surchargées, à la noirceur à nulle autre pareille, vomissement chaotique tout droit venu des enfers. Un amalgame de membres crispés, de crocs, de griffes, de regards hallucinés, comme autant d'abjections, semble prêt à franchir la barrière des cases. le dessin n'admet, en ces occasions, aucun axiome anatomique, pas plus que le récit n'accepte de morale. Violence et sexe sont inextricablement liés pour toujours atteindre la limite du supportable, source d'un malaise durable chez le lecteur. Guts, le héros de Kentaro Miura n'est qu'un survivant dont l'esprit peut basculer à chaque instant, et dont la cruauté n'a d'égal que l'ignominie des épreuves qu'il traverse. Son humanité est aussi facile à percevoir qu'une épée d'obsidienne frappant par une nuit sans lune. Berserk est le sombre joyau de la fantasy. Kentaro Miura, lui, est à la bande dessinée ce que Rubens est à la peinture, un prophète de la dégénérescence en marche.
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