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Critique de HundredDreams


En voyant le nom de Hayao Miyazaki sur la couverture de ce livre, je n'ai pu résister à l'envie de le feuilleter. Immédiatement, j'ai retrouvé l'imaginaire du grand maître japonais, son atmosphère fantastique et mystérieuse, sa vision du monde à la fois réaliste et mystique.
Ce que j'adore particulièrement chez ce merveilleux dessinateur, c'est son univers animiste, ces êtres magiques, ces esprits qui abondent dans chacune de ses oeuvres et estompent la frontière entre le réel et l'imaginaire, le rêve et le surnaturel.

« le Voyage de Shuna », publiée en 1983 au Japon mais inédit en France jusqu'à aujourd'hui, est à mi-chemin entre le manga et la bande dessinée, entre le conte initiatique et le récit illustré. L'histoire est inspirée d'un conte folklorique tibétain qui raconte comment l'orge est devenu l'aliment traditionnel de base dans l'alimentation et la culture tibétaines.

Je l'ai lu comme une préquelle aux films d'animation vus maintes fois. Je ressors enchantée par la délicatesse des dessins, la subtilité de l'oeuvre, l'ébauche des thèmes qui seront ultérieurement développés dans ces films d'animation, souvent des chefs d'oeuvre.

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« Les événements ont pu se dérouler il y a fort longtemps, ou bien allaient-ils se produire dans un lointain futur ? Plus personne ne le sait vraiment. »

Dans un monde âpre où les terres sont pauvres et les semences stériles, le jeune prince Shuna quitte son peuple pour un long et périlleux voyage vers l'ouest, en direction des terres des êtres divins, un lieu où naît et meurt la Lune, pour trouver des graines dorées légendaires, capables de sauver son peuple de la famine. Il a pour unique compagnon de voyage sa fidèle et attachante monture, un Yakkuru, que l'on retrouvera plus tard dans « Princesse Mononoké ».
Lors de son périple, Shuna sauve une jeune fille et sa petite soeur, toutes les deux enlevées par des chasseurs d'hommes. La quête d'un royaume mythique perdu, la présence de pirates retenant prisonnière une jeune fille m'ont rappelé « le Château dans le ciel ».

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J'ai tout de suite été transportée par cette ambiance singulière et énigmatique, magique et violente, sombre et angoissante, dure et cruelle, où les hommes ont rompu leurs racines avec la nature, mais également avec leur histoire et leur passé, où les petites filles sont vendues comme esclaves.
Pourtant si ce conte oscille entre liberté et servitude, entraide et cruauté, il se dégage malgré tout une grande sagesse et un profond humanisme. le récit est empreint de douceur et de nostalgie.

« Autrefois, les hommes possédaient les graines dorées. Ils les récoltaient, les plantaient, et vivaient grâce à elles. Mais aujourd'hui, les êtres divins sont les seuls à les détenir. Et quand les hommes vendirent leurs semblables aux êtres divins, ils n'obtinrent en échange que des graines mortes. »

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J'ai retrouvé tout l'univers de films d'animation des studios Ghibli. Bien sûr, certains thèmes de prédilection chers au maître de l'animation sont déjà présents dans ce conte :

Celui qui me vient instantanément est sa sensibilité à la nature. Dans ses nombreuses oeuvres, l'harmonie entre l'homme et la nature est souvent rompue.
Ainsi, comment ne pas penser immédiatement au paysage aride et post-apocalyptique de « Nausicaä de la vallée du vent », à ses insectes mutants aux yeux rouges ? Ou encore à la luxuriance de la forêt dans « Princesse Mononoké », à ses questions écologiques ?
L'homme survit dans un environnement dévasté et agonisant qui se dresse contre son oppresseur et se rebelle contre la violence qui lui est faite.

Comme dans la plupart des oeuvres de Hayao Miyazaki, il est aussi question, à travers ce voyage initiatique, de la transition délicate de l'enfance à l'âge adulte, de qualités morales comme la générosité, la solidarité, la tolérance, le sens des responsabilités, le sacrifice, la patience, ...

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La finesse du trait, la délicatesse du dessin à l'aquarelle, la poésie du monde de l'invisible, la richesse des paysages tibétains apportent une touche de douceur, appelle à la contemplation et au rêve.

Les personnages ne parlent pas, mais les émotions sont vives. En effet, le texte épuré, sans dialogues et les illustrations se complètent avec harmonie et subtilité. Tout le talent de Hayao Miyazaki se révèle dans la beauté des décors et des personnages pleins de nuances. Les traits expressifs des visages, les expressions corporelles dessinent les personnalités, les sentiments et la complexité des émotions.

Si le personnage principal est un jeune homme, l'auteur n'hésite pas à donner une place importante à la jeune femme qui se révèle forte et courageuse.

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En résumé, j'ai une fois de plus succombé à l'univers enchanteur et fascinant, vibrant et magique de Hayao Miyazaki. A la fois hors de l'espace et du temps dans sa narration, mais pourtant très réaliste, il porte des messages plus profonds et philosophiques qu'il n'y paraît. En effet, il questionne sur la nature humaine, sur le rapport entre l'homme et le monde dans lequel il vit. Il dénonce l'individualisme de nos sociétés modernes.
Une très belle oeuvre que je vous invite à découvrir !
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