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Critique de Levant


Je m'étais imposé de faire connaissance avec Patrick Modiano lors de sa consécration par le prix Nobel de littérature. Histoire d'être dans le coup, de pouvoir par exemple répondre à un micro trottoir - pourquoi pas ! Ça doit bien exister dans la vraie vie des gens branchés - avec une question du style : Modiano, ça vous dit quelque chose ? J'avais donc choisi pour me donner de la répartie un de ses romans pris au hasard : Dans le café des âmes perdues.
Je referme aujourd'hui mon second ouvrage : du plus loin de l'oubli. J'ose dire que la bonne impression de mon coup d'essai n'a pas été confirmée. Mais après tout si pour l'auteur "chaque nouveau livre, au moment de l'écrire, efface le précédent", il en est certainement de même pour le lecteur.
Toute généralisation étant forcément abusive, je me garderai bien d'affubler le maître d'une quelconque étiquette à la simple lecture de deux de ses innombrables productions. Excusez du peu. Pauvre limaçon que je suis, osant lever le regard vers un dieu du monde littéraire. Mais quand même, avec cette oeuvre poids plume -180 pages aérées – je risque quelque appréciation qui, si elle se confirmait dans un ou l'autre des ouvrages prochains piochés dans l'oeuvre primée, pourrait bien à mes yeux cataloguer le maître de génie ou d'imposteur. La maladie de l'étiquetage, à l'époque des "data base", en forme de provocation, voire même de revanche envers ce promoteur reconnu de la belle écriture qui me toise de très haut avec ses jaquettes rouges couvrant les rayons de mes librairies favorites.
"Un romancier ne peut jamais être son lecteur" nous confie Modiano dans son discours de Stockholm. J'ai donc voulu être celui-là pour lui. Avec pour affronter celui qui se présente à moi par ses oeuvres, ma personnalité, mon vécu et ma culture. Je confesse sans fausse modestie que le rapport de force ne plaide pas en ma faveur.
Puisque Modiano me désigne comme son lecteur, avec la connotation critique que cela comporte, il me donne donc de fait l'autorisation d'apprécier ou non, avec mes références, la traduction de ses pensées qu'il a remise entre mes mains. Tant pis pour lui. Ne dit-il pas dans ce même discours que "le lecteur en sait plus long sur son livre que l'auteur lui-même". Ben voyons.
Je suis donc déçu avec ce second ouvrage ai-je dit. le jury de Stockholm n'a pas encore gagné mon adhésion pleine et entière quant à son choix. Elève inconstant, doit persévérer. Rassurez-vous, ce n'est pas au lauréat du prix Nobel que s'adresse cet encouragement, mais bien à moi.
Être seul contre la majorité vous condamne-t-il à l'erreur. En littérature, il y a de grandes chances.
Quoi qu'il en soit, de mon approche timide et très partielle de l'univers de Modiano, j'ai déjà relevé quelques constantes. Il y a les cafés et autres bistrots parisiens. Ils semblent être chez cet auteur un point de passage incontournable pour y faire se rencontrer ses protagonistes et donner le départ à leurs péripéties hasardeuses.
Il y a donc aussi cette propension à l'errance de ses héros. Qu'elle soit géographique ou comportementale, voire même les deux conjuguées. Des personnages plutôt humbles, que la vie n'a pas encore bien établis, il faut dire qu'ils sont plutôt jeunes, avec des parents absents, pas vraiment révoltés ou en but à quoi que ce soit, mais sans véritable exigence, pas même celle de la joie de vivre ou de bonheur. Y compris quand le hasard des rencontres les conduit au lit. Ce qui ne restera jamais qu'une passade dont le plaisir sera absent. Et encore plus l'amour. Une vie dans le brouillard.
Alors qu'est-ce qui, dans ces conditions, pousse un homme à se confronter au souvenir quand celui n'est porteur d'aucune volupté. Que cherche-t-il à provoquer quand il croit reconnaître celle qui l'a accompagné un bout de chemin et qu'il force la porte d'un inconnu pour la confondre. Veut-il raviver une flamme timorée qui n'a jamais produit qu'un écran de fumée ?
On a certes plus de chance de courir au chef d'oeuvre dans le drame que dans le vaudeville. Mais de drame point du tout dans cet ouvrage. de l'absence beaucoup, de l'oubli peut-être. Mais mes yeux sont restés secs, mon coeur n'a pas changé de rythme à la connaissance du sort de ces personnages falots, sans véritable passion, ni même la moindre émotion.
Heureusement, c'est très court. Peut-être le vrai talent est-il dans cette lucidité de l'auteur et sa mansuétude à l'égard de son lecteur au point de lui épargner en plus les longueurs.
Je me console en me disant que je ne me suis pas encore frotté aux cinq ouvrages de Modiano qu'il faut avoir lu, selon Le Figaro ou le Monde. Je ne m'arrêterai donc pas à cette baisse de biorythme et place de grands espoirs dans les poids lourds de la bibliographie du maître.
Lorsque deux personnes se rencontrent, s'établit d'emblée entre elles un rapport de force instinctif qui se confirme graduellement depuis la mise en présence, la rencontre du regard et enfin le son de la voix. Il en est de même d'un auteur avec son lecteur. Par livre interposé cette fois. Alors que Modiano prenne bien garde au jugement du limaçon !
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