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Critique de Bigmammy


Voici l'une des plus brillantes comédies de Molière, dont la première représentation fut donnée en public le 12 mai 1664 et fut, dès le lendemain, interdite. La permission de la redonner en public ne fut accordée de nouveau que le 5 février 1669, date à laquelle elle fut jouée devant le Roi. Politiquement, donc, ce texte était considéré comme insultant la religion alors qu'il ne fustige que les faux dévots, et en réalité une escroquerie monumentale, qu'aujourd'hui on qualifierait d'abus de faiblesse.
Un individu s'introduit par ruse au sein d'une riche famille, feignant la plus grande dévotion, se plaçant bien en vue d'un vieillard crédule qu'il embobine de ses sentences pieuses et de sa prétention à mépriser les richesses de ce monde. Orgon, complètement séduit, ira jusqu'à faire donation de tous ses biens à l'ignoble Tartuffe, et à lui confier le dangereux dépôt secret d'un ami fugitif … tout en courtisant sa seconde épouse, la prude Elmire. Mais Tartuffe parviendra-t-il à ses fins en épousant aussi la fille d'Orgon, l'obéissante Mariane, contrariant ainsi les projets du fils de la maison, Damis, qui veut épouser la soeur de Valère, l'amant de coeur de Mariane ?
Ainsi, la pièce fut mise à l'index dès le lendemain de sa première représentation, à la demande de l'archevêque de Paris, ancien précepteur du Roi : l'Église et les dévots accusaient Molière d'impiété et lui reprochaient de donner une mauvaise image de la dévotion et des croyants. Car cette pièce a des clés, que nous avons oubliées aujourd'hui …. Ce n'est qu'en 1669, au lendemain de la signature de la « Paix de l'Église » qui, apaisant les tensions religieuses, redonnait les coudées franches à Louis XIV, que la pièce — désormais remaniée et appelée Tartuffe ou l'Imposteur — fut autorisée et connut un immense succès.
Le texte, malgré la forme en alexandrins difficile à intégrer au XXIème siècle, reste cependant d'une extraordinaire modernité. Comment ne pas se souvenir des tirades célèbres, de répliques devenues cultes comme « Cachez ce sein que je ne saurais voir … » ou « Que fait là votre main ? », ou encore « Ah ! Pour être dévot, je n'en suis pas moins homme ! » (Acte III scène 3).
La trame de l'intrigue va crescendo, jusqu'à la dernière scène, où se révèle dans toute sa lumière la justice du Roi : « Nous vivons sous un Prince ennemi de la fraude » (Acte V, scène dernière), mais la faiblesse du père de famille, totalement subjugué par Tartuffe, l'escroc, le rend totalement aveugle, même devant l'évidence. On note la dureté de la scène, devenue classique, de dépit amoureux entre Mariane et Valère (Acte II, scène 4), et la scène où Elmire simule l'acceptation de l'amour de Tartuffe pour convaincre Orgon, caché sous la table, de la duplicité de Tartuffe (Acte IV, scène 5). Cette scène, au-delà de son côté burlesque, est presque une tentative de viol, terriblement actuelle.
A croire que les sentiments, les circonstances, les motivations les plus noires ainsi mis en lumière par Molière il y a plus de 300 ans, n'ont rien de dépassé …
Aujourd'hui est donnée une très bonne version de la pièce, mise en scène par Marion Bierry au téâtre de Paris, avec Patrick Chesnais dans le rôle de Tartuffe et Claude Brasseur dans celui d'Orgon.
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