Résilience

La dangerosité du MOX était en réalité imputable à sa composition : un mélange d’oxydes (d’où son nom), à savoir du dioxyde de plutonium et du dioxyde d’uranium appauvri. Elle lui conférait un point de fusion plus bas que l’uranium, ce qui en cas d’accident entraînait une fonte plus rapide du cœur du réacteur.

— Les réacteurs traditionnels fonctionnent à partir d’uranium. Ils sont utilisés pour confectionner des sortes de longs crayons rigides que l’on plonge dans des cuves faisant office, si vous voulez, de marmites : celles-ci sont remplies d’eau, que l’on va mettre sous pression pour éviter qu’elle n’entre en ébullition. Les atomes d’uranium, instables, s’y bombardent de neutrons en se fragmentant. C’est ce que l’on appelle la fission, une réaction qui produit énormément de chaleur.

— C’est ce que l’on appelle la fission, une réaction qui produit énormément de chaleur. Cette chaleur, on l’évacue par l’eau pressurisée en produisant de la vapeur dans le circuit secondaire – vapeur transformée après coup en électricité par des turbines. C’est comme cela, en gros, que l’on fabrique notre électricité en France, avec tous les risques que cela comporte…

Les étapes de mise à l’arrêt d’une centrale suivaient un ordre toujours sensiblement identique : tout d’abord, la MAD, la mise à l’arrêt définitif, qui consistait concrètement dans le déchargement du combustible du cœur du réacteur. Ce dernier était entreposé pendant une durée de deux ans dans des piscines dites "de désactivation". Cette première phase induisait également une vidange des circuits de la centrale.

Dans le but évident de préserver le mythe de l’énergie bon marché, les politiques s’étaient bien gardés de communiquer sur le coût financier pharaonique que cela impliquait, mais aussi sur le temps titanesque que cela nécessitait : en réalité, pas moins de trente années étaient nécessaires entre l’arrêt des réacteurs et la remise en état du site.

Il y a un proverbe italien qui dit que c’est toujours lorsque le bateau a coulé qu’on sait comment on aurait pu l’éviter.

Évolution inéluctable qui, parallèlement à ce grand courant partant du singe pour aboutir à l’homme, part de l’homme pour aboutir à l’imbécile.

— Eh bien parce qu’un accident dans une centrale utilisant du MOX pourrait provoquer une pollution radioactive bien plus importante qu’une centrale alimentée à l’uranium ; comme vous le savez, le MOX contient du plutonium, qui est des milliers de fois plus radioactif que l’uranium…

— Vous êtes en train de me dire que tout l’avenir du nucléaire… de l’accès mondial à l’énergie, s’est joué sur une ridicule histoire de conflit entre quelques individus ?
— Oui… C’est très con, je sais… mais c’est ça. Et comme vous dites, le choix de cette technologie aurait probablement changé la face du monde, d’un point de vue géopolitique, en tout cas. On n’aurait jamais eu par exemple tous ces problèmes avec l’Iran ou la Corée du Nord, car question prolifération, les réacteurs à sels fondus marquent là aussi des points en transformant le thorium en uranium 233, qui rend difficile la fabrication après coup de bombes nucléaires… et donc la prolifération.

— J’ai peur de ne pas comprendre… Vous me dites qu’il existe une manière de produire de l’énergie nucléaire sans risque, et que cette technique existe depuis toujours ?