Chez moi je me tourne un peu plus souvent (qu'en voyage vers mes livres), dans ma bibliothèque d'où je dirige facilement ma maison.
Je suis au-dessus de l'entrée et je vois sous moi mon jardin, la basse cour, ma cour et dans la plupart des parties de la maison.
Là je feuillette tantôt un livre, tantôt un autre, sans ordre et sans dessein, en prenant des passages sans lien (entre eux) ; tantôt je rêve, tantôt je note et je dicte, en me promenant, mes rêveries que je vous livre (dans ces Essais).
Je ne voyage jamais sans livres, ni en paix ni en guerre.
Toutefois, il se passera plusieurs jours, et même des mois sans que je les emploie : "Ce sera bientôt, (me) dis-je, ou demain ou quand il me plaira.".
Le temps court et s'en va, pendant ce temps, sans m'apporter d'ennuis.
Car on ne saurait dire combien je me repose et je m'attarde sur la pensée qu'ils sont à mon côté pour me donner du plaisir à mon heure et (quelle sécurité je sens) à reconnaitre le grand secours qu'ils apportent à ma vie.
C'est la meilleure provision que j'ai trouvée pour cet humain voyage et je plains extrêmement les hommes de bonne intelligence qui ne l'ont pas. J'accepte plus vite tout autre sorte de passe temps, si futile soit-il parce que je sais que celui-là ne peut pas me manquer.
Je n'ai point cette erreur commune de juger d'un autre selon que je suis.
Qui craint de souffrir, il souffre déjà de ce qu'il craint. Livre 3 chap 13
Et le fait allégué par saint Augustin pour accréditer la toute-puissance de notre volonté [quand il dit] avoir vu quelqu’un qui commandait à son derrière autant de pets qu’il en voulait, et que Vivés, son commentateur, enchérit d’un autre exemple de son temps concernant des pets organisés suivant le ton des vers qu’on déclamait devant eux, [ce fait-là] ne suppose pas non plus la pure obéissance de ce membre : car en est-il ordinairement de plus indiscret et plus désordonné ? Ajoutons à cela que j'en connais un de si turbulent et si revêche qu'il y a quarante ans qu'il assujettit son maître à péter sans interruption et par une obligation constante et incessante et le mène ainsi vert la mort.
Quelqu'un dira dessus moy par pitié :
Sa dame et luy nasquirent destinez,
Egalement de mourir obstinez,
L'un en rigueur, et l'autre en amitié.
La Boëtie
Je ne voyage sans livres ni en paix ni en guerre (...) c'est la meilleure munition que j'aie trouvé à cet humain voyage. Livre III chapitre 3.
Oui mais que fera t-il si on l'embarrasse par la subtilité sophistique de quelque syllogisme : le jambon fait boire, le boire désaltère, donc le jambon désaltère? Qu'il s'en moque. Il est plus intelligent de s'en moque que d'y répondre.
Le vrai miroir de nos pensées est le cours de notre vie
Si quelquefois on m’a poussé au maniement d’affaires étrangères j’ai promis de les prendre en main, non pas au poumon ou au foie ; de m’en charger, non de les incorporer ; de m’en soigner, oui, de m’en passionner nullement ; j’y regarde mais je ne les couve point