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Critique de Dionysos89


Le premier "roman épistolaire" n'était pas censé en être un ! Montesquieu, désireux surtout de publier une correspondance fictive, se rend compte quelques années plus tard que son ouvrage est perçu véritablement comme un roman à part entière. Montesquieu nous offre ici une oeuvre captivante qui a l'immense intérêt de nous proposer plusieurs niveaux de lecture.
Au premier regard, nous avons le point de vue d'Orientaux fictifs en train d'observer, de commenter et de tenter de comprendre la société française du début du XVIIIe siècle. C'est donc sous la forme d'une intrigue légère, teintée de naïveté, qu'on découvre d'abord cette oeuvre, intrigue qui ne peut que cacher un dessein plus important.
En effet, nous voyons bien sûr poindre, par la suite, les propres pensées de l'auteur : ses critiques de la société française, et surtout son système politique, la monarchie autoritaire de Louis XIV puis les abus de la Régence, ses doutes en matière religieuse (on ressent fortement la tentation déiste), ainsi que sur les modalités de pensée de l'époque selon le savant-philosophe qu'était Montesquieu. C'est un véritable commentaire social auquel se livre donc cet auteur unique.
Enfin, dernier regard possible, celui de l'historien. Les Lettres Persanes sont une fantastique plongée dans les circulations internationales au XVIIIe siècle. Publiées d'abord à Amsterdam, faussement à Cologne, puis dans toute l'Europe, par un auteur français qui fait intervenir des grands personnages orientaux, nous avons là des mobilités fantastiques à l'échelle de l'Europe ! de même, on voit que la circulation des idées dans toute l'Europe est parfaitement digérée et cela est surtout illustrée par l'usage de ces correspondances internationales qui, adressées individuellement, étaient souvent lues collectivement ensuite. Enfin, Montesquieu se base sur un nombre de sources impressionnant et d'origine très diversifiée, notamment des récits de voyage dont le nombre devient exponentiel au XVIIIe siècle.
En conclusion, les Lettres Persanes, sur certains aspects, pourraient certainement être rebaptisées "Les Français Ridicules" tant le regard porté sur la France est conséquent. Mais comme je viens de le décrire, cette oeuvre est même bien plus que cela.
Entre humanité et identité nationale, c'est la vision de l'Autre qui est ici développée, vision finalement très (trop) actuelle (investissements en masse des Qataris, rejet de l'immigration, etc.), dans un monde globalisé qui stigmatise de plus en plus, malgré les bienfaits de toute compréhension de "l'Autre"...
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