AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur La grande épreuve (33)

Arrive alors le cercueil, porté par six jeunes hommes en aube, les sémlnaristes du diocèse qui mènent leur aîné à sa dernière demeure. Il est tout simple. Ni bois verni, ni velours, aucune poignée en métal, sa sobriété tranche avec la magnificence des lieux. La foule se signe au passage du cortège qui remonte l'allée centraie, après avoir franchi le portail d'entrée, une magnifique ogive ornée d'anges, d'apôtres et de figures de l'Ancien Testament.

Le cercueil est déposé à même le sol, sur les dalles séculaires de la cathédrale, entre quatre chandeliers.

Il y a cinquante ans, le diacre Georges Tellier était allongé au même endroit; c'était le jour de son ordination. L'évêque s'approche et déploie sur le cercueil une chasuble blanche et une étole rouge, les vêtements sacerdotaux du défunt. La grande croix près de l'autel, est, elle aussi, entourée d'une étole de la même couleur, celle du sang, celle des martyrs.

L'orgue s'est tu. Une femme s'approche du pupitre, lève les bras et un chant éclate, entonné par des milliers de voix :

À l'Agneau de Dieu soit la gloire,
À l'Agneau de Dieu, la victoire,
A l'Agneau de Dieu soit le règne,
Pour tous les siècles, Amen.
Commenter  J’apprécie          350
Il écoutait le maire lui parler de la ville et de politique. Aux dernières élections, le scrutin n'avait pas été bon pour son parti. Les grands scores des communistes de l'après-guerre semblaient appartenir à l'Histoire. Si la ville votait encore pour lui, c'était moins pour son étiquette que pour sa personnalité.

- Soyez-en sûr, Padre, communistes, catholiques, aujourd'hui notre problème est le même.

- Que voulez-vous dire, monsieur le maire ?

- Notre section locale diminue à vue d’œil. Pour la présidentielle, avant le grand meeting à Paris, il a fallu battre le rappel dans tout le pays. Ça a à peine suffi. Je n'avais jamais vu ça. Les gens ne veulent plus bouger. Vous vous dites peut-être : «Ses emmerdements - pardon pour le mot. ça ne me concerne pas.» Mais on est dans la même barque, vous et moi. Votre église se vide, vous avez l'impression de prêcher dans le désert... Les gens préfèrent le jogging du dimanche à la messe, sauf votre respect...

- Ce n'est pas faux, mais il y a quand même une différence entre nous deux.

- Laquelle ?

- Moi, je n'ai pas d'obligation de résultat. Pas de réélection en vue.

- Un point pour vous.
Commenter  J’apprécie          330
Quand elle rentre en France pour les vacances, elle séjourne chez ses parents. La première fois qu'elle est arrivée escortée d'une clocharde, c'était quelques jours avant Noël ; à la vue de la femme aux cheveux décolorés et en bataille, vêtue d'un blouson et d'un pantalon de treillis, son père l'a prise à part :

⁃ D'où sort-elle, celle-là ?

- Je l'ai rencontrée dans le train. Elle ne sait pas où dormir.

- Tu ne vas pas la faire coucher à la maison, enfin !

- C'est l'hiver, papa. Même ta voiture est à l'abri dans le garage.

- Il y a sûrement des hébergements en ville, je vais la conduire aux services sociaux.

- Ils m'ont dit que tout est complet.

- Pas question qu'elle reste ici.

- «J'avais froid et vous m'avez hébergé... » M. Mauconduit a blêmi, et cédé.

«Pauvre papa, songe aujourd'hui Petite Sœur Agnès, je ne l'ai guère ménagé. Il ne manquait jamais la messe, soutenait des œuvres, donnait au mendiant du porche de l'église. Quant à l'accueillir chez lui... »
Commenter  J’apprécie          330
Le troupeau continuait de s'amenuiser inexorablement, même si les Français requéraient encore la présence de l'Église lors des grands événements de leur existence. Pour un mariage, des obsèques, l'église était pleine ; les parents, les voisins se pressaient, exigeant la présence d'un prêtre. Que Georges déléguât un laïc pour une bénédiction, on lui reprochait son absence. Il maugréait...

« Les gens sont incroyables ! Personne ne pratique plus, on se désintéresse de l'Église, de son message, on la critique, mais on compte sur elle : il faut un prêtre.»

Le mariage, les obsèques ne ramenaient pas les participants à une pratique plus régulière. Le lendemain de la cérémonie, l'église retrouvait son aspect ordinaire, comme une salle de spectacle après le concert. Livres rangés, micros éteints, allées balayées. Un bâtiment vide et propre, était-ce ça l’ecclesia voulue par les premiers chrétiens ?

L’époque est curieuse, pensait le père Tellier : on ne tient plus compte de ce que l'Église dit, chacun vit à sa guise, mais qu'elle prenne la parole sur le divorce, l'homosexualité, la fin de vie, aussitôt elle dérange. Elle est un caillou dans la chaussure de nos contemporains. Plus ils désertent, plus ils se heurtent à elle ; son discours plein de mesure les rend furieux : elle les empêche de forniquer, d'abréger une vie, sans se poser de questions sur ce que ces gestes signifient.

Ils la détestent mais ils ne peuvent pas se passer d'elle.
Commenter  J’apprécie          320
Georges écoutait ces débats distraitement. Ils lui paraissaient secondaires. Il suivait plutôt ce que son père spirituel lui disait. Dom Pikkendorff, vieux moine d'un monastère voisin, était, en dépit de son nom féodal, un homme paisible qu'un demi-siècle de vie cloîtrée avait rendu philosophe. Il avait accepté de faire de la direction spirituelle. Aux questions avides du séminariste, il répondait d'abord par un sourire, un silence puis par une question. Le monde changeait, certains se perdaient, fallait-il réfléchir à la tenue à mettre, à la langue à employer pour les sauver ? Les modalités de la liturgie, n'était ce pas une affaire de spécialistes ? L’important n'était-il pas dans la manière de célébrer et pour les fidèles de participer ? «Seul compte le salut des âmes », répétait-il à Georges.
Commenter  J’apprécie          310
Servir, d'accord, mais servir qui ? La République ? C'est une notion bien imprécise. Un temps, elle a eu pour Frédéric Nguyen les traits de La Liberté guidant le peuple le tableau de Delacroix qui figure dans tous les manuels scolaires. Chevalier servant de cette belle femme insurgée à la poitrine généreuse, ça, ça lui aurait plu ; mais il le savait, la République, la Liberté, comme l'Égalité ou la Démocratie, ce sont des mots pour les éditorialistes et les politiques, qui se grisent à les prononcer. Frédéric ne croit pas à ces abstractions.

Assurer la paix civile pour que tout citoyen puisse aller et venir sans risque, vivre à sa guise, penser, croire, aimer comme il l'entend. Certes, mais au nom de quoi ? De leur commune condition. Une manière de solidarité. Toutes ces notions lui rappelaient sa classe de terminale : l’homme est un loup pour l'homme. Seule la force légale, canalisée, permet de contenir celle que génère toute société - et de protéger les plus faibles. Il se souvenait aussi d'un cours sur Camus et sa « généreuse complicité », inhérente à la nature humaine. C'est elle qui pousse l'homme à aider autrui, et à accepter de mourir pour lui. L'Autre, sa dignité, l'attention qu'on lui porte, c’est peut-être seulement ça qui donne un sens à la mort d'un soldat ou d'un policier.
Commenter  J’apprécie          240
Mais quand il est à la maison, elle voudrait qu'il y soit vraiment. Or souvent, Frédéric semble lointain. détaché.

- Sais-tu où est la crèche de ton enfant ?

L'honnêteté oblige à admettre qu'il n'est jamais allé le chercher. Il a constamment la tête à l'hôtel de police. Il passe le plus clair de son temps dans ce bâtiment de béton et de verre, veillant à tout, la préparation du matériel, l'entraînement de son équipe. Pour le quidam de passage, les lieux pourraient ressembler à un capharnaùm. Un entrepôt où le matériel de varappe voisine avec celui du maître-chien, dans des armoires remplies à ras bord. Et au mur, sur des affiches fixées aux portes des armoires métalliques, cet humour vigoureux que l'on retrouve dans l'armée ou dans un vestiaire de rugby ; le monde des hommes. Les gars y vivent, apparemment décontractés, réunis autour d'un café dans la cuisine du service, s'interpellant en se lançant des plaisanteries. Un quart d'heure plus tard, équipés, ils peuvent se jeter dans leurs voitures pour une filature, une « filoche », ou à la poursuite d'un «go fast» chargé de drogue ou de marchandise de contrebande. L'autoroute vers l'Espagne est toute proche.

Chaque jour apporte son lot d'événements imprévisibles à la BRI.
Commenter  J’apprécie          230
- D’où sort-elle, celle-là ?
- Je l’ai rencontrée dans le train. Elle ne sait pas où dormir.
- Tu ne vas pas la faire coucher à la maison, enfin !
- C’est l’hiver, papa. Même ta voiture est à l’abri dans le garage.
Commenter  J’apprécie          220
- D’où sort-elle, celle-là ?

- Je l’ai rencontrée dans le train. Elle ne sait pas où dormir.

- Tu ne vas pas la faire coucher à la maison, enfin !

- C’est l’hiver, papa. Même ta voiture est à l’abri dans le garage.
Commenter  J’apprécie          90
L'islam vient bousculer une société où le christianisme a peu à peu cessé de régner sur les comportements et les consciences. Prend-il le relais ? Ou vient-il défier des siècles durant lesquels l'esprit occidental a progressivement desserré le corset d'une mentalité héritée du jansénisme et se méfiant de la chair ?
Commenter  J’apprécie          60







    Lecteurs (456) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Jésus qui est-il ?

    Jésus était-il vraiment Juif ?

    Oui
    Non
    Plutôt Zen
    Catholique

    10 questions
    1833 lecteurs ont répondu
    Thèmes : christianisme , religion , bibleCréer un quiz sur ce livre

    {* *}