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Critique de LoupAlunettes


"Baleine rouge" est très surprenant, à différents temps de la lecture d'ailleurs.
Il a déja un début de roman assez inattendu.
La 1ère de couverture pourrait nous tromper quant à la cible de lecteurs supposée.
Elle nous suggère une aventure dans les grandes eaux, on y voit un jeune mousse à la proue d'un grand bateau jouant du violon, les mots "navires" "flibustiers" "pirates" nous viennent à l'esprit assez naturellement.
Mais Michelle Montmoulineix citera dans son roman la Terre-Neuve ( une île située plus haut que l'Amérique du Nord) et les Terre-Neuviers( des navires normands ou bretons qui partaient y pêcher la morue entre le 16ème et 17ème siècle). Ceci nous permet de resituer un peu chronologiquement une partie de l'aventure et un des sujets importants du livre. Puisqu'il devrait y être question de baleine, comment ses pêcheurs de cabillauds (morue) se retrouveront-ils à faire face à une baleine?
Une baleine rouge?
Jeunes lecteurs ados, ce n'est pas par ce biais historique ni à cette époque que l'auteure décide de nous faire entrer dans son récit, mais nous y viendrons sans trop tarder.

L'auteure nous ramène aux temps présents au début, nous confie la situation "sentimentale" de Delphine, une jeune ado qui a le mal de mère -non il n'y a pas d'erreur et le jeu de mots est approprié-.
Sa mère, Mona, était un esprit libre et sauvage, très attachée au bord de mer.
Dès les débuts du roman, elle emmène son nouveau-né ( Delphine) pour la présenter à la mer , comme un rituel, versant deux gouttes d'eau salées entre ses petites lèvres pour lui transmettre le goût et le lien. L'acte nous parait plutôt chouette si il n'avait pas été le début d'autres actes jugés indispensables par Mona, sans la consultation ou à l'encontre de l'avis de son mari.
Une offre de travail acceptée au Québec l'éloignera définitivement du foyer, consommera le mariage, signera le divorce, comme un besoin irrépressible d'espace, laissant sa fille à la garde du père sans lui révéler ses vrais projets à son départ. Comme un appel de la mer indicible et irrésistible.
Même si elles correspondront sur Skype régulièrement, le sentiment d'abandon et de trahison de Delphine ne la quitteront pas, jusqu'aux vacances au bord de mer avec son père et sa nouvelle compagne. Cette mer qui l'a éloigné de sa mère, qui a été choisi à sa place.

Delphine va se lier d'amitié avec Thomas, le fils de leur logeuse et nous arriverons bientôt à ce qui nous intéresse en couverture.
Les noms et prénoms si caractéristiques des habitants du coin nous renseignent aisément sur la région qui n'est pas nommée, nous sommes en Bretagne probablement.

A quel moment nous parlerons nous de la baleine rouge?
Au moment où l'auteure va user d'une mise en abîme, d'une histoire dans une histoire, une histoire racontée qui rapprochera Delphine des émotions qui habitent Mona.

Delphine rencontre sur la plage à plusieurs reprises Marina le Goff, une figure un peu excentrique et dite "folle" du coin, une vieille dame qui lui tient des propos farfelus et confond les couleurs.
Léandre, un vieux raconteur d'histoire qui connait tout le monde, leur révèle que cette femme a eu un temps les cheveux entièrement bleus, qu'elle semble voir sous l'eau parfaitement bien et qu'elle y voit aussi en bleu, comme les baleines.
Et c'est le début d'une histoire contée par Léandre sur les origines de cette femme mystérieuse, devant un public de jeunes ados captifs (et du lecteur intrigué que nous sommes).

Le jeune héros de cette histoire, Eliaz, porte le même nom de famille que la vieille femme, il n'a que onze ans.
Le jeune mousse ne se sent pas le pied marin et se trouve régulièrement malade sur le bateau où il fut contraint de s'engager pour rapporter des sous au foyer familial.
De temps à autre, Thomas et Delphine interviennent dans le récit, surpris ou indignés, sensible par la passion maritime pour l'un, sensible par ses contraintes familiales pour l'autre.

Avec son histoire se croise celle d'une baleine Blow et de son baleineau Skye.
Eliaz séduira le baleineau par ses airs de violon lorsque l'équipage dormira à poings fermés.
Cette rencontre se soldera par une fin dramatique, ce qui va corser la légende.
Il y aura des hommes bons dans cette histoire, Lullan l'indien, et d'autres malfaisants, Jude le rude qui prendra le garçon, le baleineau et l'indien en grippe.

Léandre (et l'auteure) a vraiment l'art de raconter et nous plongeons avec poésie dans le voyage des deux baleines pour survivre dans leur milieu naturel. Michelle Montmoulineix nous immerge dans les journées de pêches éprouvantes, l'art savant de conserver les poissons avec le sel pour les rapporter de la Terre-Neuve à la Bretagne (ou Normandie). La mer est la véritable vedette.
Lullan l'indien intimera son capitaine de respecter la mer et de ne pas piller ses ressources plus qu'il ne faut.

Et alors, cette baleine rouge, non d'une pipe?
Les lecteurs jugeront par eux-même à la lecture, l'auteure s'est peut-être laissée à la jolie métaphore, une histoire de femme aux cheveux bleues, à la robe rouge.
Gage que cette histoire va permettre à Delphine de mieux comprendre le comportement et les instincts sauvages de sa propre mère vis à vis des éléments aquatiques.

Ce roman est très étonnant, très riche, en symboliques philosophiques, en évocations poétiques autour de la mer, en échos personnelles autour de la mère et de la vie de pêcheur.
Ce roman très accessible parlera aux adolescents et adolescentes puisqu'il joue sur les deux genres, aventure et récit de vie ados.
L'attachement à la Mer pourra rappeler à certains lecteurs le lien viscérale qui ne quitte pas les personnes que l'on connait nées en bord de mer, comme liées par un cordon ombilicale invisible qui les rappelle au foyer avec le coeur. Posez_leur la question, parfois loin de la mer, ils sont malheureux.
Les conteurs pourront peut-être eux penser à la légende de la femme phoque reprise par Catherine Gendrin, en autres.

Si l'allure du roman peut le prédestiner à de jeunes collégiens de sixième, il trouvera plus d'écho chez les niveaux cinquième et quatrième.
A découvrir.
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