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Critique de smiroux


Lopez, délégué CGT à Monsieur le Préfet :

"Aujourd'hui c'est à la mode de dénigrer la Révolution, d'y voir la préfiguration de tous les totalitarismes. La Révolution ce ne serait que la Terreur. Mais vous savez ce qui a déclenché la Terreur ? Deux choses : la peur de voir les droits de l'homme disparaitre dans l'eau du bain ou Marat était mort et la peur de voir l'oeuvre de la Révolution réduite à néant. le Terreur c'est la réponse à une peur immense. La peur, l'effroi du peuple..."
La Kos, une usine de fabrique plastique, dans le nord de la France va fermer. Pas la première, pas la dernière, sacrifiée sur l'autel de la rentabilité, du marché, des actionnaires. Les ouvriers, qui ont sauvé leur usine d'une inondation quelques mois avant le plan social, sont priés d'accepter leur liquidation, et sans broncher, sans se révolter, sans penser. Circulez, y'a rien à voir, rien à faire ! Entrez donc en cellule de reclassement, devenez des ombres, ou des morts.

Sauf qu'à la Kos, on décide de ne pas se laisser piétiner sans dire que ça pique ; à la Kos, il y a des femmes, des hommes, des vivants, qui ne sont pas dupes du cinéma qu'on est en train de leur jouer. Et qui vont résister ! Manifestation, refus d'obéir, refus de se soumettre à la loi du capitalisme ultralibéral.

Gérard Mordillat - exceptionnel artiste engagé - déroule son histoire inéluctable en six cents pages, de luttes, de combat, de colère et d'injustice.
Un roman réaliste du XXI ème siècle, avec mondialisation, cynisme des dirigeants, rapacité des actionnaires, montage bidon de sociétés...
Des personnages symboles voient le jour dans ce "livre-vie" : Rudi, Dallas, Lorquin, des héros de la résistance quotidienne... Des personnages écrasés, qui se relèvent par le combat.

Lorquin, le héros du sauvetage de la Kos, à Rudi, celui qui va porter le combat :

"Regarde-toi dans une glace et demande-toi si tu es un homme libre. Un, tu n'as rien à toi : ta maison, elle est à la banque ; le jour où il ferme le robinet, t'es à la rue. Deux, en théorie, tu peux aller où bon te semble, en réalité, comme t'as pas un sou devant toi, t'es bien obligé de rester là où tu es ! Je ne te demande pas où tu vas en vacances, je connais la réponse : tu restes là, t'es assigné à résidence. Trois, tu travailles pour gagner tout juste ce qui te permet de survivre, rien de plus. Et si tu t'avises de te plaindre, le peu que tu as on te l'enlève, pour t'apprendre les bonnes manières. Alors tu le fermes, parce que ta baraque, ta femme, tes gosses... Alors d'accord, t'es pas fouetté, t'es pas vendu sur le marché, t'as le droit de vote et le droit d'écrire dans le courrier de lecteurs de la Voix que tu n'es pas d'accord avec ce qui t'arrive, t'as la liberté d'expression ! Quelle liberté ? Tu sais bien que si tu écrivais une lettre pour dire vraiment ce que tu penses et si tu l'envoyais, ce serait comme si tu rédigeais publiquement ta fiche d'inscription à l'ANPE. Crois-moi : si tu veux bien regarder de près, ta vie ne vaut pas un pet de lapin, tu ne comptes pour rien, t'es un "opérateur" de production comme ils disent, quelque chose entre l'animal de trait et la pièce mécanique..."

Le livre, dans son déroulement implacable, enrage, désole, pour finalement nous pousser au combat, à la révolte juste ; comme Dallas, la femme de Rudi, qui après avoir perdu son boulot, parce que trop jeune, femme, supposée écraser, va porter la contestation plus haut que quiconque aurait penser ; qu'elle même le croyait, et ainsi se révéler :

"Le vent se lève, des petites risées bienveues dans la tiédeur de l'air. Dallas se remet en marche mais ce n'est plus la même. Elle n'est plus la cervelle de moineau, la majorette à la poitrine guerrière, la sirène d'or des concours de plage. Elle n'est plus la chômeuse à vingt ans, la torcheuse d'enfants, la femme de ménage des familles bourgeoises ni la serveuse en extra au Cardinal. Elle n'est plus la pisseuse, la suceuse, la baiseuse et tous les noms pourris qu'on lui a jeté au visage. Elle n'est plus la fille d'Henri, ni la soeur de Frank, ni la femme de Rudi. Elle n'est plus la bonne à rien faire, celle qui compte pour pas grand chose, la cinquième roue du carrosse. Elle est Dallas. Elle est quelqu'un."
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