- Tu sais, lui dit Bajle, on en parlait hier soir. Dieu ne va forcément pas tarder. Nous prions tous plusieurs fois par jour. Matin et soir. Ils nous ont tout pris. Notre liberté, notre famille et même notre dignité. Mais il y a une chose qu'ils ne peuvent pas nous enlever, c'est notre foi et nos prières. Il va forcément finir par nous entendre. Tiens le coup, Schlomo. Tu es un exemple pour nous tous ici.
Bajle cherchait tous les stratagèmes pour redonner de l'espoir, de l'envie à son jeune amant.
Mettre un terme définitif à leurs souffrances quotidiennes dans ce camp où l’avenir était mortifère devenait plus fort que de vivre. D’autres se laissaient choisir et emmener, une main sur l’épaule, solidaires dans cette décision. Les 26 maintenant réunis se tenaient par la main, et d’un commun accord, essayaient de garder la tête haute, sans pleurer, sans crier, afin de ne pas décupler le plaisir que Wagner semblait ressentir à cet instant. Dignes, ils fixaient maintenant la mitrailleuse face à eux avec les balles pendouillant sur le côté, bien rangées les unes derrière les autres, prêtes à traverser, perforer, briser, déchiqueter leurs corps.
Ce 29 août 1943 semblait idéal pour poser la première pierre de l'édifice démesuré dans lequel s'étaient engouffrés Schlomo et ses compatriotes. C'étaient les fondations d'un ouvrage colossal, d'une entreprise kamikaze qui permettrait peut-être à 600 prisonniers de tenter de se bâtir une vie meilleure. Mais ces premiers travaux devaient commencer par un crime ...