C'est sans doute pour ça qu'on a commencé à s'entendre Cris et moi. On a toutes les deux des fêlures.
Parce que j'avais embrassé une fille. Et je crois aussi, avec le recul, parce que j'osais sortir de ma case. La case où tout le monde m'avait enfermée. Avant j'étais « la fille bizarre qui n'a pas de vie ». Et d'un coup j'ai osé avoir une vie. J'ai osé leur échapper. Le harcèlement a commencé par des insultes, puis des menaces, sur Internet et au lycée, dans la rue, dans le hall de l'immeuble.
Dans un film, Cris m'aurait pris par la main. Dans u film, nous danserions ensemble. Mais c'est bien mieux qu'un film, ce que je vis, parce que c'es réel.
Malgré mes trouilles, malgré la réalité qui menace de nous écraser demain, après-demain, ce soir peut-être... là tout de suite je suis heureuse. Et quoi qu'il nous arrive, rien ne nous enlèvera ce moment-là.
Le jour, je vis dans un monde enchanté où les sirènes parlent aux licornes.
La semaine passe comme dans un rêve.
Je commence à baisser la garde, et là, la réalité nous rattrape. C'est une des choses que la dernière année m'a apprise. La réalité vous rattrape toujours.
Pendant nos balades, Cris et moi nous sommes seules au monde.
Je veux t'embrasser un jour où je serais très heureuse.
-Lulu j'ai un slogan pour ta prochaine campagne : "Avec Lucrèce au pouvoir, vous ne vous laisserez plus empoisonner ! "
Je ne suis pas à l'aise, pas à ma place dans la nature sauvage. Je suis une licorne des villes.
– Attends !
Elle se retourne, ses yeux gris tourmentés comme une mer en tempête. Un instant j’ai peur qu’elle s’échappe encore. Je retiens mon souffle.