« Monsieur, je ne cache pas mon épouse. C’est elle qui se cache. » (p. 130)
Le deuxième jour de sa marche, elle trouva de l'eau, et les jours suivants des fruits sauvages et quelques œufs verts. Elle pouvait à peine les avaler tant l’œsophage avait rétréci par la privation d'aliments. Cela suffit pour sustenter son squelette, mais il était temps que le secours qui lui était réservé paraisse.
En cet automne 1773, j’allai vers elle au rythme du pas de mes chevaux sur les routes du Berry, et je réfléchissais à cette curieuse affaire qui m’avait poussé à quitter ma confortable demeure et ma jeune épouse. Mener une enquête... Ma dernière enquête.
Toutes ces années écoulées... encore une fois, l'étirement du temps me frappa. Les années s'allongeaient comme des créatures paresseuses, et pourtant, l’ensemble du drame portait les empreintes de l'urgence et de la nécessité. Comme l'avait été notre expédition pour mesurer un degré de méridien, qui avait malgré tout duré sept ans.
« Jean et Isabel ne m’attendaient pas. Ils se cachaient. Ils ne me croyaient pas capable, infirme comme je l’étais, de traverser la France pour leur demander compte de l’invraisemblable récit qu’ils m’avaient servi. » (p. 18)
Un couvent est comme un miroir sans tain. Ceux qui sont au-dehors ne peuvent voir ce qui s'y passe. Mais celles qui sont au-dedans voient tout.
Et déjà les parasites prennent possession d'elle, comme ils le font des autres animaux, pécaris, tapirs, paresseux... Cette dentelle noire sur son bras est faite de fourmis d'un pouce de long qu'elle écrase sauvagement pour ne plus en sentir les brûlures. Des mouches ont pondu sur les plaies de ses joues, des larves y sont nées qui se faufilent sous la surface de la peau... Isabel est une créature de la forêt , si elle ne meurt pas dans le deux jours, elle deviendra à ce point mêlée aux plantes et aux bêtes qu'on ne la reconnaîtra pus pour une femme.
Ne vous préoccupez as de savoir comment je mêle les époques dans mon cœur. Je suis l'alchimiste de mes sentiments.
Selon moi, la mémoire est une prison ; on y connaît tout, même si on n'y retrouve pas tout, et donc l'esprit y tourne en rond.
Il y a du plaisir dans les somnolences du vieillard ; certains cherchent cette extrême sensibilité dans les drogues, mais les vieilles personnes n'ont pas besoin d'intercesseur : la faiblesse de leur corps est le chamane qui les emporte aux confins de la réalité, entre la veille et le sommeil, entre la vie et la mort. C'est un véhicule pour visiter le passé.