Nous savons maintenant que cette ville est contrôlée par une Intelligence. Ses caméras ne dorment jamais et n'oublient rien. Nos plus petits messages sont relus. Nos ardoises nous trahissent. Des flux d'électrons circulent en permanence pour analyser nos faits et gestes, des programmes décident de ce qui est normal et de ce qui ne l'est pas. On reconnaît nos voix. On a modélisé nos visages. On a numérisé nos opinions. Nos amitiés et nos amours ont été traduites en langage binaire. Nos dossiers grossissent depuis des années, lourds du poids de notre insouciance. Aujourd'hui nos existences entières sont, au sens strict du terme, en garde à vue.
Je suis venu vous voir parce que j'avais peur qu'elle me quitte. Elle m'a quitté quand même. Et maintenant tout se passe comme si j'étais en train de me quitter moi-même. Je me demande ce que je fous sur ce divan.
La vague médiatique alors sur les murs tristes de l'hôtel de ville, où on a préparé une défense en deux temps.Un, la ville s'en tient aux termes du contrat et n'est pas responsable des études internes à une entreprise privée. Deux, toute atteinte aux droidlom sera immédiatement dénoncée. Trois, toute évolution du partenariat avec GlobalWatch fera l'objet d'une concertation aussi large que possible.
En remuant les lèvres, je prononce silencieusement une boîte de petits pois, pour ne pas alerter la reconnaissance vocale. Sans un regard pour l'écran, je repère le rayon des conserves, longe la partie consacrée aux légumes et recherche la boîte. Elle m'attendait, modeste et factuelle, un peu en retrait, légèrement moins éclairée que les autres. Parfaite. Une boîte de 400 grammes, pour célibataire. Je la saisis, vérifie que nulle promotion ne l'entache et la dépose dans le chariot, exactement au milieu. Celui-ci enregistre l'opération d'un bloup encourageant, puis me propose tout ce qu'il est humainement possible de manger avec des petits pois. Il ne me reste plus qu'à rejoindre les caisses.
Le présent ne tient ni dans l'indicible ni dans les mots. Il est le fil qui les relie. Il est la chaleur déconcertante des larmes, l'air qui glisse sur la peau et le tremblement de la jouissance, dès lors qu'on essaie de l'écrire. Tout le monde sait que la tentative est vouée à l'échec, c'est l'acte qui compte. Le présent joue à cache-cache. Le présent est un absent qui a toujours raison.
Nous savons maintenant que cette ville est contrôlée par une Intelligence. Ses caméras ne dorment jamais et n'oublient rien. Nos plus petits messages sont relus. Nos ardoises nous trahissent. Des flux d'électrons circulent en permanence pour analyser nos faits et gestes, des programmes décident de ce qui est normal et de ce qui ne l'est pas. On reconnaît nos voix. On a modélisé nos visages. On a numérisé nos opinions. Nos amitiés et nos amours ont été traduites en langage binaire. Nos dossiers grossissent depuis des années, lourds du poids de notre insouciance. Aujourd'hui nos existences entières sont, au sens strict du terme, en garde à vue.
L'idée que toute production est vouée à augmenter est implantée dans leur code génétique. Et aussi dans des religions qu'ils n'ont jamais reniées. Croissez et multipliez.
- D'ailleurs, si je puis me permettre, croissance commence par croix.
- Et se termine par sens. Un sens unique, toujours le même, vers en haut, à droite de la courbe. Toujours plus, toujours après. Le vrai consensus, c'est pas liberté, égalité, fraternité, c'est encore encore encore.
Nous baignons dans la même gelée de propos visqueux et d'habitudes gluantes.
Aujourd'hui, je sais pourquoi on ne peut jamais commencer par le commencement : il y en a plusieurs.
[...] il faut me rendre à l'évidence, ceci n'est pas un joyeux carnaval, ceci est une insurrection, et c'est moi qui l'ai lancée.