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Critique de PGilly


PGilly
25 décembre 2023
En 2019, un professeur nigérian d'un lycée public de Floride, demande à deux élèves blancs enthousiastes de porter la tenue de cérémonie de sa tribu ancestrale pour présenter sa culture. La proviseure a exclu temporairement les deux élèves, selon elle, coupables d'appropriation culturelle.
C'est un des nombreux exemples de dérive de la synthèse identitaire, idéologie définie ainsi : "corpus d'idées issues d'une large gamme de traditions intellectuelles et qui s'intéresse, au premier chef, au tôle que jouent dans le monde les catégories identitaires, telles que l'origine ethnique, le genre et l'orientation sexuelle."
Ce courant de pensée,- inspiré par Michel Foucault - confiné à quelques campus en 2010 s'est propagé à une vitesse incroyable, dans les associations, les entreprises, le public, en étant vulgarisé, diffusé sur les réseaux sociaux et intégré par les médias dominants, soucieux de garder leur audience.
Il suffit qu'un petit nombre de zélateurs donne de la voix sur un réseau social ou dans un auditoire pour que la position devienne virale. Ce professeur n' a pas participé à la marche contre l'antisémitisme, il est donc indigne de donner cours.
L'auteur, de famille juive, décimée sur plusieurs générations, est très sensible à la discrimination raciale ou religieuse. Néanmoins, son livre tend à démontrer qu'une attention méritée sur les catégories identitaires se transforme en dangereuse déformation de la réalité lorsque que cette différenciation devient monomaniaque.
Yascha Mounk propose la philosophie libérale en alternative au wokisme binaire, c'est-à-dire défendre une approche universaliste, où nos comportements les uns envers les autres ne dépendraient plus du tout de nos communautés de naissance. Envisager un futur où ce qui nous rassemble importe davantage que ce qui nous divise permettra de déjouer le piège identitaire, juxtaposant des communautés au nom de la nécessaire différenciation. Chacun dans sa classe, comme en Amérique, qui sépare afro-américains, asiatiques et blancs dans de nombreux établissements scolaires.
L'essai est très documenté. 156 pages de notes extensives, explicitant des concepts, étayant des faits, constituent un bon quart de l'ouvrage, à consulter aléatoirement. Des points-clés résument chaque chapitre. Yascha Mounk rejoint Sherry Turkle et James Bridle en tant que chercheurs-penseurs sur des sujets contemporains, une école américaine trop peu connue chez nous.
L'auteur admet que chaque partie peut rallier un lectorat spécifique. J'ai donc basé cette notice sur le chapitre (II) qui partie qui m'intéressait d'abord : "La victoire de la synthèse identitaire". le premier en retrace les origines, le troisième, les défauts et le dernier détaille les avantages de l'universalisme. J'ai opéré aussi quelques coups de sondes dans les trois. Je tenais à parler rapidement d'une lecture essentielle. L'ouvrage est fort centré sur les États-Unis tout en soulignant la contagion à l'Europe (la France et la Grande-Bretagne notamment) d'une pensée excluante, alors qu'au départ, les intentions du courant identitaire sont louables.
L'ouvrage tombe à pic pour éviter de hurler avec les loups ou de nous résoudre à un silence impuissant. le politologue exhorte à combattre le conformisme ambiant, à résister à la pression sociale, qui amène un professeur de droit afro-américain à apprendre à ses enfants à douter profondément d'une amitié possible avec des Blancs.

P.S. Dans le dernier chapitre, figurent six conseils pour argumenter contre le piège de l'identité, "sans concession, sans risque superflu et avec de bonnes chances de persuader vos interlocuteurs."



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