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Critique de mariecesttout


Pour continuer dans les pavés..
Ce gros roman sommeillait sur une de mes étagères depuis un bon nombre d'années.. Il en est tombé un jour, il fallait faire de la place, j'ai tenté . Et n'ai pas regretté.
Il est très difficile à commenter tant, c'est vrai, il est foisonnant et on sent que Mulisch a voulu y mettre tout ce qui lui tenait à coeur. En particulier, ce n'est qu'un petit aspect mais il m'a frappée, un règlement de comptes à sa manière avec son histoire familiale personnelle.En effet, son père était , pendant la guerre, nettement sympathisant nazi, et sa mère était juive. le père a fait 3 ans de prison après guerre, mais.." Harry et sa mère ont pu éviter la déportation dans un camp de concentration grâce aux contacts de son père avec les Nazis." ( source: Wikipédia).
Il le transforme dans ce roman en personnage qui a envoyé sa femme en camp de concentration, et a été exécuté après la guerre.. Il a du être content, Papa Mulisch.

Alors.. le Prologue est un dialogue entre deux personnages, et, quand on le relit , on s'aperçoit que déjà beaucoup de choses sont dites. Et que le chemin est tracé. Sauf qu'il y aura des détours, et beaucoup.
Le Chef n'est pas content,il roupillait tranquille depuis des siècles, mais ça y est, il se réveille et il en a marre .Il veut rompre l'alliance qu'il a conclue avec ses créatures, les hommes, devenus incontrôlables, ce qu'il n'avait pas prévu. Donc ce Chef charge ses sbires d'une mission .Récupérer un objet confié il y a bien longtemps..
Ils sont deux, donc, celui qui transmet les ordres, et celui qui est chargé de les mener à bien et qui raconte comment il a procédé, c'était loin d'être facile. Ces deux personnages reviennent à des intervalles réguliers dans le roman, nous donner quelques éléments supplémentaires de compréhension.

Cette mission sur terre ne pouvait être accomplie que par un humain , mais pas n'importe lequel. Cet humain, il va falloir le créer et assez rapidement, tout doit être réglé avant le passage en l'an 2000 .
Efficacité, car les premiers ordres datent d'avril 1914, ce qui aurait nécessité quatre générations ne va finalement en prendre que trois, grâce au grand ménage humain de la guerre de 14-18. Il faut ce qu'il faut.
Et après, il faudra une rencontre, essentielle.Programmée. Celle de deux Prométhées modernes, un spécialiste des langues anciennes cherchant à comprendre les origines de la civilisation, et un astronome génial qui recherche, lui, le secret de la naissance de l'univers.
Et c'est parti pour l'aventure! Car c'est un roman d'aventure , mais quelle aventure, dans le temps, l'espace, les sciences, la philosophie et surtout L Histoire.

J'ai trouvé ce roman très bien construit, avec certes quelques longueurs, surtout à la fin, passionnant et.. très drôle. Enfin, drôle.. Sarcastique.
Tout y passe, c'est très ironique, et rien n'est épargné. L'amitié, la famille, l'Homme bien sûr , les religions et ce personnage du Chef. le mot de la fin est d'ailleurs un formidable pied de nez final , très amusante conclusion!
Et la politique.. alors là!
"La politique est l'affaire de gangsters sublimés.."
"La politique serait absolument impossible sans la mauvaise mémoire de l'humanité )etc..

L'écriture est limpide, on ne se perd jamais, on ne s'ennuie jamais.
C'est en fait une réflexion brillante, noire mais pleine d'humour, dont le thème me semble être finalement: : Foi et connaissances sont-elles compatibles?
Vaste sujet.. auquel Harry Mulisch ne répond pas bien sûr, écrivant:" La tâche première des écrivains , c'est de défendre une forme, pas de donner des réponses ni même d'exprimer des sentiments. Après, c'est au lecteur de jouer."

Un extrait:
".. la politique, ça ne signifie rien. Il y a toujours eu des naissances et des déclins d'empires mondiaux. La politique, c'est la ride sur les vagues dans la tempête, laquelle n'a aucune influence sur les vagues, car elles sont dues à tout autre chose-elles sont dues à la lune. Indépendamment des catastrophes anciennes surgissent désormais les raz-de-marée dévastateurs de la modernité: en contrôlant la nature de façon toute baconienne, les hommes vont finir par se consumer dans une explosion nucléaire, par brûler sous le trou qu'ils auront fait dans la couche d'ozone, par se dissoudre dans les pluies acides, par rôtir sous l'effet de serre, par étouffer sous leur propre nombre, se pendre à la double hélice de l'ADN, s'asphyxier dans leurs propres déchets: dans la merde de Satan , car ce n'est par amour de l'humanité que ce salaud a conclu son pacte avec elle, mais par pure haine de nous. L'enfer se déchaînera sur terre et les hommes se rappelleront parfois le bon vieux temps où ils nous écoutaient encore-mais plus probablement, ils l'auront oublié aussi. Ce ne sera même plus tragique, seulement misérable. C'est sans espoir. Laisse tomber."




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