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Critique de viou1108_aka_voyagesaufildespages


Bruno, le narrateur, s'est installé à Lisbonne « pour y attendre la fin du monde », mais pas seul : il attend aussi sa femme Cecilia, dans cet appartement qu'ils viennent d'acheter. Retraité, Bruno s'est occupé du déménagement de leur appartement de New York vers le Portugal et, pendant que Cecilia règle les détails de son transfert professionnel en Europe, il aménage leur nouveau foyer. A l'écart du bruit et de la fureur des grandes villes et du reste du monde qui court à sa perte (des feux de forêt font rage au même moment en Californie, en Australie, en Allemagne), Bruno prépare minutieusement l'appartement - couleurs de peinture, distribution des pièces, emplacement des meubles – pour qu'il soit le calque parfait de celui de New York. Pourquoi ce besoin de reconstituer aussi fidèlement un endroit familier ? Besoin de sécurité, de repères, de continuité, comme si rien n'avait changé, comme si tout était comme avant malgré leur retour sur le Vieux Continent ? Est-ce la peur de la nouveauté, du changement ? Et si oui, qui a peur, qui est fragile au point d'être perturbé par l'emplacement différent de telle lampe ou de tel ustensile de cuisine ? Bruno, Cecilia, les deux ? Autant de questions que le lecteur rationnel se pose pendant le premier tiers du roman, tant cette manie de Bruno apparaît obsessionnelle et surtout, à ce stade, inexpliquée. Pendant ce temps, le flux de conscience de Bruno nous dévoile l'histoire du couple, deux Espagnols travaillant à New York, fortement marqués par le 11-Septembre, le métier prenant de Cecilia, neuroscientifique renommée qui se livre à des expériences sur le cerveau et la mémoire de rats pour tenter d'en extraire le sentiment de peur, avec pour objectif de « déterminer s'il est possible de supprimer des souvenirs atroces de la mémoire de soldats souffrant de stress post-traumatique ».

Au fil des pages tout en introspection, le temps s'étire, se dilate, se distend entre New York et Lisbonne, entre souvenirs et projection, avec la certitude inébranlable de Bruno que les jours à venir couleront heureux et doux avec sa chère Cecilia. Mais le temps passe, ou semble passer, et un voile de confusion entoure l'arrivée toujours aussi indéterminée de Cecilia.

Suspense psychologique hypnotique, « Tes pas dans l'escalier » embarque le lecteur dans une histoire très simple au départ, qui glisse imperceptiblement vers quelque chose d'inquiétant et mystérieux, au fil de l'accumulation de petites entorses à la rationalité. On se perd en conjectures sur ce qui a pu se passer au sein du couple, avant de le découvrir dans les dernières pages.

C'est la première fois que je lis A. Muñoz Molina, et je découvre un écrivain au style impeccable et maîtrisé, qui excelle ici dans l'installation d'une ambiance floue d'inquiétude et d'oppression diffuses. Dans ce roman sur l'attente, il explore, en profondeur et sinuosités, la mémoire, la raison, la peur, la fragilité des murs qu'on se construit face à l'âpreté de la vie.

En partenariat avec les Editions du Seuil via Masse Critique de Babelio.
Lien : https://voyagesaufildespages..
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