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Citations sur Tes pas dans l'escalier (27)

La poésie d'une nouvelle ville court le risque de s'évanouir sans laisser de trace dès lors qu'on doit s'y installer.
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Dans beaucoup de sociétés, disparues ou non, la notion d'heures et de minutes n'existe pas, et les langues de certaines cultures primitives n'ont pas de termes pour mesurer les années. Personne ne connait son âge.
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Toutes ces années, j'ai acheté plus de livres que je ne pouvais en lire. Je devais parfois me contenter du métro ou d'une salle d'attente, quelques minutes avant un rendez-vous, furtivement comme on s'empresse de tirer sur une cigarette. Maintenant les ouvrages sont prêts et disponibles pour moi et pour Cecilia quand elle sera là. Je suis capable d'identifier ceux que nous avons achetés chacun de notre côté et ceux que nous nous sommes offerts l'un à l'autre et, dans la plupart des cas, je me rappelle même où et quand. Ce mélange nous garantit une diversité qui nous épargnera l'ennui, à l'image d'une sélection d'aliments non périssables préservant longtemps leur saveur et leurs qualités nutritives. S'il le faut, en cas de catastrophe, je pourrai passer le restant de ma vie sans mettre les pieds dans une librairie.
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La lecture est compatible avec l’attente. Lire est un acte paresseux sans monotonie. Ce n’est qu’en cessant de travailler que j’ai découvert avec étonnement le vaste royaume de liberté que me garantissaient les matinées de la semaine. Si j’en ai envie, je peux m’asseoir et lire après avoir fait la vaisselle du petit déjeuner et ramené Luria de sa promenade. Lorsque je sors, j’emporte un livre avec moi. Les rares fois où je vais au restaurant, je lis en attendant mon plat, en buvant mon café ou en finissant mon verre de vin. Le vendredi midi, je lis au Mascote do Sacramento, à deux pas de chez moi, où on sert le meilleur bacalhau a bras de la ville. Je déniche une petite place silencieuse avec un banc, sous un des immenses acacias protecteurs qu’on trouve à Lisbonne, et je m’y installe pour lire un moment.
La lecture trompe, écourte le temps de l’attente, un élément à prendre en considération dans cette ville où tout peut se dérouler à un rythme très lent. Quand je lis, le temps est suspendu.
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Je me suis installé dans cette ville pour y attendre la fin du monde.

(Incipit)
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Je me suis installé dans cette ville pour y attendre la fin du monde. Les conditions y sont inégalables. L’appartement se trouve dans une rue silencieuse. Du balcon on voit le fleuve au loin. On le voit aussi de la petite terrasse de la cuisine, qui surplombe des jardins et des balcons, à l’arrière des immeubles de la rue contiguë, et des belvédères avec des balustrades en fer forgé où du linge ondule sous la brise. Au bout de la rue, au-delà du fleuve, s’étend la ligne des collines de l’autre berge et le Christ aux bras ouverts qui semble vouloir prendre son envol. En Sibérie il règne à présent des températures d’une quarantaine de degrés. En Suède, alimenté par une chaleur sans précédent, le feu dévaste des forêts situées au-delà du cercle polaire arctique. En Californie, des incendies auxquels on donne des noms, comme pour les ouragans des Caraïbes, ravagent depuis plusieurs mois des centaines de milliers d’hectares. Ici les journées débutent dans la fraîcheur et la sérénité. Chaque matin se lève une brume humide et très blanche que le soleil transperce peu à peu, et qui apporte en amont du fleuve l’odeur intense de la mer. Les hirondelles sillonnent le ciel et volent au-dessus des toits, comme dans les matins frais des étés de l’enfance. Une fois Cecilia arrivée, je serai comblé.

(Incipit)
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Cela arrive une fois et de nombreuses autres fois. Les dates changent, de même que la lumière des saisons, les états d'âme, mais la scène est immuable. La fenêtre, la rue sous les arbres tantôt feuillus, tantôt nus, de jeunes feuilles ivres de chlorophylle ou jaunes en automne, le soleil couchant sur les façades et les corniches des immeubles d'en face, son déclin doré et rougeoyant, les fenêtres qui s'éclairent ensuite à mesure que la nuit tombe, et moi qui ne cesse de regarder les trottoirs, les feux d'un taxi, les voyants rouges, des braises dans le noir. La mémoire ne conserve guère les faits singuliers, elle privilégie des séquences réitérées, des patrons, des modèles, des concentrés d'expérience qui aident à prédire des répétitions à venir.
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Elle me dit qu'elle jalouse les gens tels que moi et je tarde à comprendre ce qu'elle entend par là: "Ceux qui ont une profession ou une vocation qui remplit leur vie, leur donne une direction, leur permet une progression qui peut s'évaluer de manière objective, comme c'est le cas de la science pour toi".
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C’est à ce moment-là que je me suis retrouvé hors du temps ou suis devenu amnésique, mais uniquement pour les notions temporelles. Je ne suis pas certain d’être en mesure de m’expliquer. D’une voix ensommeillée, nue, enlacée à moi, Cécilia me dit après quelques instants de silence au cours desquels sa respiration s’est peu à peu calmée : « Que jour on est ? » J’allais lui répondre quand je me suis aperçu que je ne le savais pas. J’étais tout aussi incapable de me rappeler quelle date ou quel mois nous étions. C’était un espace vide qui ne cessait de s’étendre. Chaque référence temporelle disparaissait à la seconde où je la cherchais. J’avais également oublié l’année. J’étais sûr du siècle, ça oui, mais c’était une donnée irréelle, totalement abstraite, comme si j’évoquais un siècle à venir ou un passé historique sans aucun rapport avec ma vie.
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Je ne pense pas retravailler un jour. Je n’éprouve plus le besoin et encore moins l’envie de posséder la plupart des choses que je m’achetais avec ma paie. Cécilia aura un bon salaire dans le nouvel institut de neurosciences où elle poursuivra ses recherches, et immeuble blanc de Belém, près de l’embouchure du fleuve. Nous avons cessé de nous soumettre à l’extorsion permanente qu’est la vie à New York, le prix exorbitant à payer pour la simple vanité de pouvoir dire aux autres qu’on y habite ou de le dire à soi-même. Je n’ai pas d’enfants à aider ni de parents âgés à entretenir. Je n’ai personne d’autres que Cécilia et il ne me faut personne d’autre. J’ai été expulsé d’un paradis d’oisiveté, de rêveries et de lectures à treize ou quatorze ans, et je n’y reviens que maintenant, après une vie entière en exil.
Je n’étais pas né pour devenir adulte de manière aussi irrévocable ni pour gagner mon pain dans ces métiers sans cesse agités par des soubresauts de compétitivité et de cruauté.
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