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Citations sur L'Homme sans qualités, tome 1 (282)

Les tribunaux ressemblent à des caves où dort dans des bouteilles la sagesse de nos arrière-grand-pères ; on ouvre ces bouteilles, et l'on pleurerait presque à découvrir à quel point l'effort de précision de l'homme, lorsqu'il arrive au dernier degré de fermentation avant la perfection, est imbuvable.
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Or, un beau jour, Ulrich renonça même à vouloir être un espoir. Alors déjà, l'époque avait commencé où l'on se mettait à parler des génies du football et de la boxe; toutefois, les proportions demeuraient raisonnables: pour une dizaine, au moins, d'inventeurs, écrivains et ténors de génie apparus dans les colonnes de journaux, on ne trouvait encore, tout au plus, qu'un seul demi-centre génial, un seul grand tacticien du tennis. L'esprit nouveau n'avait pas encore pris toute son assurance. Mais c'est précisément à cette époque-là qu'Ulrich put lire tout à coup quelque part (et ce fut comme un coup de vent flétrissant un été trop précoce) ces mots: "un cheval de course génial". Ils se trouvaient dans le compte rendu d'une sensationnelle victoire aux courses, et son auteur n'avait peut-être même pas eu conscience de la grandeur de l'idée que l'esprit du temps lui avait glissée sous la plume. (...)
Si l'on devait analyser un grand esprit et un champion national de boxe du point de vue psychotechnique, il est probable que leur astuce, leur courage, leur précision, leur puissance combinatoire comme la rapidité de leurs réactions sur le terrain qui leur importe, seraient en effet les mêmes; bien plus, il est à prévoir que les vertus et les capacités qui font leur succès à chacun ne les distingueraient pas beaucoup de tel célèbre steeple-chaser; on ne doit pas sous-estimer les qualités considérables qu'il faut mettre en jeu pour sauter une haie. Puis, un cheval et un champion de boxe ont encore cet autre avantage sur un grand esprit, que leurs exploits et leur importance peuvent se mesurer sans contestation possible et que le meilleur d'entre eux est véritablement reconnu comme tel; ainsi donc, le sport et l'objectivité ont pu évincer à bon droit les idées démodées qu'on se faisait jusqu'à eux du génie et de la grandeur humaine.

(Chapitre 13. Un cheval de course génial confirme en Ulrich le sentiment d'être un homme sans qualités.)
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À la fin de l'après-midi, quand Ulrich rapporta ses réflexions à sa sœur, il se servit par hasard du mot destin, qui piqua la curiosité d'Agathe. Elle voulut savoir ce que c'était. [...]
Pour les jeunes gens, il est inséparable de la musique de la vie ; ils voudraient avoir un destin et ne savent pas ce que c'est.
Ulrich répondit à Agathe : " Plus tard, dans une époque mieux informée, le mot destin prendra probablement un sens statistique. "

TOME 2, Chapitre 8 : Famille à deux.
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L'une des caractéristiques de l'amour comme de tous les états d'exaltation est probablement un certain délire d'interprétation: chaque fois qu'une parole tombait, une signification profonde s'illuminait, s'avançait comme un dieu voilé et se défaisait dans le silence. (672)
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"La vie offre autant d'occasions de fortifier la volonté que de l'affaiblir. On ne doit jamais fuir les difficultés, mais essayer toujours de les dominer !" dit l'inconnu en essuyant, pour mieux voir, ses verres de lunette embués.
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Il n'y a que les fous, les dérangés, les gens à idées fixes qui puissent persévérer longtemps dans le feu de l'âme en extase ; l'homme sain doit se contenter d'expliquer que la vie, sans une parcelle de ce feu mystérieux, ne lui paraîtrait pas digne d'être vécue.
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Ce sentiment politique austro-hongrois était une entité si curieusement bâtie qu’il semble presque inutile d’essayer de l’expliquer à quelqu’un qui ne l’a pas vécu. Il n’était pas formé d’une partie hongroise et d’une partie autrichienne qui se fussent, comme on eût pu le croire, complétées, mais bien d’une partie et d’un tout, c’est-à-dire d’un sentiment hongrois et d’un sentiment austro-hongrois, ce dernier ayant pour cadre l’Autriche, de telle sorte que le sentiment autrichien se trouvait à proprement parler sans patrie. L’Autrichien n’avait d’existence qu’en Hongrie, et encore comme objet d’aversion ; chez lui, il se nommait citoyen-des-royaumes-et-pays-de-la-monarchie-austro-hongroise-représentés-au-Conseil-de-l’Empire, ce qui équivalait à dire "un Autrichien plus un Hongrois moins ce même Hongrois" ; et il le faisait moins par enthousiasme que pour l’amour d’une idée qui lui déplaisait, puisqu’il ne pouvait souffrir les Hongrois plus que les Hongrois ne le souffraient, ce qui compliquait encore les choses. C’est pourquoi beaucoup d’entre eux se faisaient appeler Tchèques, Polonais, Slovènes ou Allemands ; ainsi commença la décadence et apparurent "ces désagréables phénomènes de politique intérieure", comme les appelait le comte Leinsdorf [...]
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L'intelligence seule ne permet ni la morale, ni la politique. L'intelligence ne suffit pas, l'essentiel s'accomplit au-delà.
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- Le progrès? répondit Hans Sepp de haut. Pensez seulement aux hommes qu'on avait il y a cent ans, avant le progrès : Beethoven! Goethe! Napoléon! Hebbel!
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Walter poursuivait à voix basse : "Tu as raison de dire qu'aujourd'hui, plus rien n'est précieux, raisonnable ou seulement intelligible ; pourquoi ne veux-tu pas comprendre que la faute en est précisément à cette rationalité croissante qui empoisonne tout? Dans tous les cerveaux s'est installé le désir d'être de plus en plus raisonnable, de rationaliser et de spécialiser toujours davantage notre vie, en même que l'impuissance à imaginer ce qu'il adviendra de nous lorsque nous aurons tout expliqué, analysé, standardisé, normalisé, tout transformé en machines. Cela ne peut continuer."
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