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Philippe Jaccottet (Traducteur)
EAN : 9782020238144
238 pages
Seuil (03/02/1995)
3.49/5   39 notes
Résumé :
Voici réunis en un seul volume les deux recueils de nouvelles publiés, le premier, Noces, en 1911, le second, Trois femmes, en 1924. Trois femmes font trois nouvelles portant chacune le nom d'une héroïne, énigmatique pour l'homme qui l'aime.

Noces comprend deux récits ayant pour personnages l'un Véronique, l'autre Claudine.

L'amour, la jalousie, le doute, l'union impossible, la solitude, tous les thèmes musiliens sont condensés dans c... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Je commence l'année avec un livre exceptionnel. Quelle expérience ! Quel choc !
Il s'agit de la réunion de deux volumes de nouvelles, Trois femmes paru en 1924 et Noces en 1911. du premier recueil composé de trois nouvelles portant chacune le nom d'une femme, je retiendrais surtout Grigia, conte à la tonalité surréaliste qui relate une histoire d'infidélité dans un paysage inquiétant de montagne et qui surprend d'entrée de jeu et Tonka, tragique amour autobiographique entre l'auteur et une jeune vendeuse enceinte.
Par leur étrangeté, leur ambiance nébuleuse, leur onirisme, ces premiers écrits, rédigés postérieurement aux suivants ne laissent pas indifférent, mais le choc survient à la lecture de L'accomplissement de l'amour et de la tentation de Véronique la tranquille.
Les thématiques de ces deux nouvelles, difficiles d'accès et dont je comprends pour quelles raisons elles figurent en fin d'ouvrage, sont proches et rappellent celles de Trois femmes : une femme mariée rencontre un homme lors d'un voyage en train, et une jeune femme, tiraillée entre deux hommes hésite à nouer une relation avec l'un deux.
Robert Musil nous invite à nous immerger dans le psychisme et la sensibilité de ces deux femmes. Nous suivons le flux de leurs pensées, émois, sentiments et partageons simultanément leurs perceptions sensorielles.
L'auteur effectue un travail de décomposition de la réalité perçue par les protagonistes, l'éclatant en myriades d'éléments épars, comme autant de facettes d'une boule miroir rotative.
Cette perspective de déconstruction s'applique également aux notions de temps et d'espace qui se distendent et se rétrécissent, mêlant souvenirs, rêveries, cauchemars. L'identité de Claudine et de Véronique flotte dans les méandres de cette réalité qui peut, à tout moment, basculer, comme un décor de théâtre. L'inconscient et ses chausse-trappes ne sont jamais loin.
Les sentiments peuvent également disparaître, laissant les individus froids et désemparés à la limite de l'autisme et de la déréalisation.
Nou sommes près d'une aventure psychédélique qui aurait vu se rencontrer David Lynch et Virginia Woolf.
Qu'il est difficile de trouver les mots pour parler des écrits de cet artiste de génie qui concilie dans sa démarche, des compétences de scientifique, de philosophe et de psychologue et qui traduit de manière littéraire, les théories freudiennes.
Je suis bluffée, admirative de la traduction de Philippe Jaccottet, et me sens enfin prête à grimper la montagne de L'homme sans qualités qui m'attend depuis de très nombreuses années.





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Robert Musil c'est un écrivain du dedans, du dedans le cerveau, du dedans le corps, du dedans l'alchimie étrange entre les deux. Et je passe à l'âme.
Une écriture qui ne se laisse pas dompter, vous n'y comprenez rien, juste vous êtes ébloui. Et puis, parfois, y a une résonance et c'est alors immense.
Entre temps, c'est perdu que vous errez sur ces pattes et déliés noirs sur fond blanc.
Entre temps, dedans, perdu.
Les histoires sont des histoires intenses d'amour, d'adultère, de fantasmes, de fidélité et d'infidélité, d'attraction, de cases, de cages et de tourbillons.
Des êtres humains dans quelques-unes de leurs complexités, et si Musil est un européen, nul doute que peu ou prou homo sapiens de partout trouvera correspondances.

Seulement 4 étoiles parce que j'ai un peu trop erré à mon goût et que ce n'est pas ce que je souhaite goûter. Là. Mais, dans l'absolu, rien à reprocher.
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Le premier recueil de nouvelles qui compose ce livre, « Noces », qui date de 1911, six ans après « Les désarrois de l'élève Tӧrless », est une énigme. Sur les cent dix pages composant les deux nouvelles (« L'accomplissement de l'amour » et « La tentation de Véronique la tranquille »), l'écrivain autrichien propose un récit hallucinant (notamment les trente premières pages de la première nouvelle) censé retraduire ce qui se passe dans la tête des personnages principaux au niveau de l'inconscient (nous sommes à l'époque de Freud, son compatriote). Cela donne un galimatias invraisemblable. Robert avait-il consommé quelque chose avant d'écrire ? À force de parcourir des pages entières où, tout en prétendant signifier quelque chose, les mots ne paraissent rien dire, comme si l'auteur s'était ingénieusement employé à les faire subtilement dévier de leur fonction première de porteurs de sens, on se demande si Musil ne se fout pas de nous avec ces deux histoires. Aussi ne faut-il peut-être pas prendre trop à la lettre cette expérimentation étrange, et supposer que l'écrivain (avec l'ironie qu'on lui connaît, son goût des “expériences-limite”, son mépris de “l'esprit de sérieux”) s'est efforcé, sous prétexte de retraduire les tortuosités de l'inconscient, d'écrire des inepties sous le couvert de vraisemblances, ce qui est le propre du galimatias : un « discours confus qui semble dire quelque chose mais ne signifie rien » (CNRTL). Sous cet angle, l'exercice est fascinant. Or on sait que Musil était obnubilé par la bêtise. L'avis d'un psychiatre (Musil fréquentait à cette époque un psychiatre pour une maladie nerveuse d'origine cérébrale) serait le bienvenu. Toujours est-il que l'on comprend pourquoi le recueil « Noces » sera mal accueilli par le public en 1911.
Dans le second recueil, «Trois femmes », écrit en 1924, treize ans après l'échec commercial de « Noces », on constate avec soulagement que l'écrivain a repris ses esprits. Tant mieux. Il faut dire que, ayant participé activement à la Première Guerre mondiale, terminée six ans plus tôt, il n'est plus le même homme ; cela se sent. Les deux premières nouvelles (« Grigia » et « La Portuguaise ») proposent des récits un brin insolites mais bien écrits, avec cette désinvolture, cette dérision qui caractérisent la touche de l'écrivain, comme si l'homme, en arrière-plan, nous soufflait à l'oreille de ne pas prendre trop au sérieux ce qu'il nous raconte. La troisième nouvelle (« Tonka »), plus conventionnelle, est cependant émouvante. On sent toutefois dans ce recueil que l'écrivain se cherche encore, essayant de peaufiner un style qui est propre. C'est le chantier de « L'homme sans qualités », qui commence pratiquement à cette époque, qui lui permettra de concrétiser cette ambition.
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Un recueil de nouvelles du début du vingtième siècle, autour de personnages féminins, dans un quotidien qui pourrait être banal, et qui cache des désirs inavoués, bien cachés.par l'organisation de notre société, de nos familles et de nos positions sociales.
L'écriture de Robert Musil est agréable, même si le rythme est parfois un peu lent. Ça traîne, et on voudrait - lecteurs compulsifs - passer vite à la suite.
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1ère nouvelle, Grigia :
Homo a quitté sa femme et son fils pour mener une expédition géologique au milieu des Alpes italiennes. On saisit très vite que cette séparation va engendrer un effet de rupture avec sa vie passée. Plongé dans un « ailleurs » où la nature précède toute imprégnation morale, Homo cède à l'adultère sans aucune culpabilité, mu par un désir naturel presque mystique. Une belle écriture, des thèmes chers à Musil , dans le condensé d'une nouvelle.
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Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
A ce sentiment ténu, à peine réel et pourtant si perceptible, ainsi qu'à un axe un peu tremblant, et aux deux êtres sur qui il s'appuyait, toute la chambre a l'air suspendue : les objets retenaient leur souffle, la lumière sur les parois se figeaient en pointes dorées, tout se taisait, attendait, tout était là pour eux... Le temps, qui court dans le monde tel un fil qui n'aurait jamais fini d'étinceler, paraissait passer par cette chambre, par ces êtres, et soudain s'arrêter, se figer, toujours plus immobile, toujours plus étincelant... et les objets se rapprochèrent un peu les uns des autres. Ce fut un arrêt puis un affaissement infime, comme quand des surfaces s'organisent soudain en cristal, autour de ces deux êtres à travers qui passait la ligne médiane et qui tout-à-coup se regardaient dans ce suspens, cet infléchissement, cet enveloppement ainsi que dans une multitude de surfaces miroitantes, et se regardaient encore, comme si c'était la première fois qu'ils se voyaient....
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Plus tard, tout ce qu'elle faisait et subissait avait été absorbé dans l'instant où elle avait rencontré son actuel mari. Dès ce moment, elle était entrée dans une solitude et une paix telles que n'importait plus ce qui avait précédé, mais seulement ce qui s'ensuivrait, et que tout semblait, quand ce n'était pas oublié complètement, n'avoir eu lieu que pour fortifier leur sentiment mutuel. Une sensation étourdissante de croissance élevait autour d'eux comme des montagnes de fleurs, et très loin seulement persistait le souvenir d'une détresse subie, un arrière-plan dont tout se détachait, comme sous l'effet de la chaleur, des mouvements engourdis par le sommeil s'arrachant à un froid glacial.

[Noces - L'accomplissement de l'amour]
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LA PORTUGAISE

Nombre de pièces les désignaient sous le nom de Delle Catene ,d'autres sous celui de seigneurs von Ketten: venus du Nord,ils s'étaient arrêtés au seuil du midi,utilisant leur appartenance allemande ou latine selon que leur avantage le commandait ,ne se sentant liės à nul lieu qu'à eux -mêmes.( page 41).
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Il ne pouvait dissimuler que son coeur, quand il s'approchait d'elle, assise ainsi dans l'herbe, battait plus fort; comme il fait quand on entre dans le parfum des sapinières ou dans l'air aromatique qui s'élève du sol d'une forêt pleine de champignons. Il y avait néanmoins toujours, mêlé à cette émotion, un reste d'effroi devant la nature; on ne devrait jamais oublier que la nature n'est rien moins que naturelle, qu'elle est terreuse, raboteuse, vénéneuse et inhumaine partout où l'homme ne lui a pas imposé son joug. Probablement était-ce cela qui le liait à la paysanne et, pour une autre part, un étonnement toujours renouvelé à la trouver aussi semblable à une femme.
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NOCES

--Vraiment ,tu ne peux venir?
--C'est impossible: tu sais que je dois m'efforcer d'en finir rapidement.
--Lili serait si heureuse....
--Bien sûr, bien sûr mais il n'y a pas moyen.
--Et partir sans toi ne me chante guère....(page 131)
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Avec Rainer J. Hanshe, Mary Shaw, Kari Hukkila, Carole Viers-Andronico, Pierre Senges, Martin Rueff & Claude Mouchard
À l'occasion du dixième anniversaire de la maison d'édition new-yorkaise Contra Mundum Press, la revue Po&sie accueille Rainer Hanshe, directeur de Contra Mundum, Mary Shaw, Kari Hukkila, Carole Viers-Andronico & Pierre Senges. Rainer Hanshe et son équipe publient la revue Hyperion : on the Future of Aesthetics et, avec une imagination et une précision éditoriales exceptionnelles, des volumes écrits en anglais ou traduits en anglais (souvent en édition bilingue) de diverses langues, dont le français.
Parmi les auteurs publiés : Ghérasim Luca, Miklos Szentkuthy, Fernando Pessoa, L. A. Blanqui, Robert Kelly, Pier Paolo Pasolini, Federico Fellini, Robert Musil, Lorand Gaspar, Jean-Jacques Rousseau, Ahmad Shamlu, Jean-Luc Godard, Otto Dix, Pierre Senges, Charles Baudelaire, Joseph Kessel, Adonis et Pierre Joris, Le Marquis de Sade, Paul Celan, Marguerite Duras, Hans Henny Jahnn.
Sera en particulier abordée – par lectures et interrogations – l'oeuvre extraordinaire (et multilingue) de l'italien (poète, artiste visuel, critique, traducteur, « bibliste ») Emilio Villa (1914 – 2003).
À lire – La revue Hyperion : on the Future of Aesthetics, Contra Mundum Press. La revue Po&sie, éditions Belin.
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