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Critique de Malaura


Du fond d'une cellule où il a été placé en garde à vue, un jeune parisien d'origine africaine, tente de rassembler ses souvenirs embrumés par l'excès d'alcool et de défonce.
Parfois, un policier l'interroge, le malmène, le tabasse pour le faire parler.
La plupart du temps il est seul, l'esprit chaviré, ravagé, chargé de rage tout autant que de culpabilité.
La mémoire libère alors son flot de souvenirs : l'arrivée en France, les copains de la cité, la volonté d'intégration, les espoirs, les échecs, l'amour brisé avec Mireille…
Et puis les récits des ancêtres, les esprits africains, les chants venus de loin s'invitent en une complainte des origines dans les brumes éthérées de l'esprit, comme une voix de griot passeur de traditions, paroles de la transmission tantôt apaisantes, tantôt provocatrices ou inquisitrices.
Les contours du drame se dessinent enfin, acte fou, brutal, insensé, commis dans un violent état d'égarement.

Ce roman est un cri, un chant, une voix qui se fait entendre par-delà les murs des prisons.
C'est l'âme d'un jeune noir dont le sort a basculé le jour où il a tué un policier, qui se dévoile peu à peu.
Réalité grise, avenir bouché, l'Afrique comme un fantasme lointain, l'amour qui s'en va, les questions obsessionnelles, la résignation, la révolte...C'est ce lent processus, opprimant, déprimant, tragique, menant à l'acte irréparable, que Wilfried N'Sondé appréhende avec une force et une intensité remarquables, dans une langue chaloupée, poétique, enivrante.

Quelque chose entre rap et slam émerge de ses lignes aux tempos hypnotiques, quelque chose comme un lointain écho des tam-tams africains au coeur de la jungle urbaine, quelque chose comme un chant de brousse qu'on « écoute avec la peau pour entendre les images ».
C'est sans doute parce que Wilfried N'Sondé est aussi musicien et chanteur qu'il réussit à faire des mots des notes qui percutent, qui pulsent, qui s'accordent dans un cri de détresse, de mal-être, de rage impuissante, dans ce chant de débâcle, dans ce roman poignant et singulier, récompensé en 2007 par le Prix des Cinq Continents de la Francophonie et par le Prix Senghor de la création littéraire.
L'auteur d'origine africaine esquisse ici les courbes d'un univers très original empreint d'une musicalité qui saisie et qui remue.
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