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Critique de tilly


- On saura jamais ce qui s'est passé derrière cette porte...

Cette phrase, on l'a entendue (on l'entend encore) partout : chez ceux qui voulaient savoir comme chez ceux qui ne voulaient pas. Là-dessus tout le monde paraissait d'accord. Normal que Marc-Édouard Nabe, en "anar individualiste", ne l'ait pas été et veuille nous le faire savoir.

Nabe est entré dans la chambre 2806 avec "l'Enculé", le héros de son roman. Rien ne lui a échappé de la fameuse "scène de ménage", ce mémorable 14 mai 2011. Il avait pris la meilleure place pour le spectacle : "embedded" (embarqué) dans la tête et les jambes (poilues) du (alors) Président du FMI, dans le reste aussi, surtout.

Près d'un an plus tard, Dominique Strauss-Kahn nous raconte ça, et tout ce qui a suivi. Nabe tient la plume. C'est irrésistible, drôle, féroce, irritant, intelligent, fin, grossier, vivant, cinématographique, méchant.

Après celle de la chambre du Sofitel, aucune porte ne résiste à Nabe. Pas plus celle de la cellule de Rikers Island que celle de la maison de TriBeCa. On a tous subi à la télé cet été le spectacle édifiant et récurrent des visites que recevait un couple d'otages à Manhattan. On a vu le livreur de pizzas se frayer un passage entre badauds, micros et cameras ; sonner, entrer, ressortir. Nabe, lui, était de l'autre côté de la porte, dans le salon, alors il connait le montant du pourboire qu'Anne Sinclair a filé au garçon : 15 dollars ! Je vous rassure il y a des choses beaucoup plus bêtes et méchantes sur la femme de l'Enculé, mais c'est toujours DSK qui raconte, hein...

Évidemment Nabe s'appuie sur des faits d'actualité largement (trop) médiatisés vécus par des personnages bien connus. On rit de les retrouver minutieusement restitués par sa plume déformante avec ce qu'il faut de décalages subtils pour que les décollages de l'inspiration de l'écrivain vers le fantasme et la fantaisie débridée nous emballent. Les Strauss-Kahn spectateurs d'un rodéo avec Elkabach en Stetson parce que " ça change vachement les idées ", normal ! Jean-François Derec canotant à Central Park, normal ! L'enlèvement de Martine Aubry par un biker, normal !

" J'aurais bien aimé perdre pour voir ce que ça fait. "

Au bout de quelques pages, il se passe un phénomène curieux : on découvre un DSK tel qu'on ne l'imaginait pas du tout (moi en tout cas). L'Enculé est un drôle de type qui se laisse mener par le bout... du nez par les femmes, surtout la sienne. Fier de ses conneries, pas malin-malin, presque naïf, un peu jaloux, un pauvre con. Jouisseur évidemment, et fier de l'être au point de vouloir être le seul, l'unique, le plus grand. Pour un peu on le plaindrait d'être si... animal. Presque humain. Plausible. Scène touchante dans la cellule de Rikers quand DSK lie amitié avec une gentille araignée souriante qui ressemble à celle d'Odilon Redon et qu'il baptise Internette, rapport à sa toile. Saviez-vous que DSK était fan de singes, très calé, particulièrement intéressé par le nasique, celui dont on croirait qu'il porte son pénis au milieu de la figure ! A la fouille, le maton a sorti du baise-en-ville du prisonnier, une photo de Cheeta, et des pilules de bromure ! Bon DSK peut-être pas, mais l'Enculé, si !

Et puis, ça c'est mon interprétation personnelle, il y a du Nabe dans cet Enculé (comme la couverture du livre le suggère). J'ai relevé par exemple leurs goûts communs pour : les chapeaux, Picasso, les putes, la virilité, la neige glacée, la préférence pour la clarinette jazz putôt que klezmer, Billie Holiday, et fixer les femmes dans les yeux.

In fine, une question demeure : la société est-elle coupable de ne pas être capable de condamner L'Enculé (le personnage, pas le livre) ?

Lien : http://tillybayardrichard.ty..
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