AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de mh17


mh17
01 décembre 2022
J'ai écouté les cinq nouvelles sur les deux C.D que propose Gallimard en coffret. Eric Caravaca est un excellent lecteur. En quelques secondes vous rentrez dans l'histoire, vous pouvez fermer les yeux et la magie nabokovienne opère. Vous vous retrouvez comme Alice dans un rêve vertigineux qu'un enchanteur malicieux a crée pour vous perdre. Les nouvelles ont toutes en commun la relation entre l'art et la vie. Elles ont été écrites en russe dans les années 20 et publiées sous le pseudonyme de Sirine dans les revues d'exilés à Berlin et Paris. Elles ont été traduites et publiées en français après la mort de Vladimir Nabokov.
CD 1 :
La Vénitienne (1h 15 environ) :Un riche colonel anglais passionné de peinture a invité son ami, Mr Magor, un restaurateur de tableaux, et son épouse, Maureen, dans son château, où résident également son fils, Frank, et l'ami de celui-ci, Simpson, étudiant en théologie à Cambridge. Magor lui a permis d'acquérir “La Vénitienne'', qui aurait été peinte par Sebastiano del Piombo, peintre vénitien de la seconde moitié du XVIe siècle (voir couverture). le jeune Simpson est frappé par la ressemblance entre le portrait de la Vénitienne et Maureen qui le fait tant rougir. Un soir, alors qu'il discute avec Magor, ce dernier lui indique que, si on se concentre bien, il est possible d'entrer dans un tableau…
La nouvelle, datée de 1924, est riche et passionnante. Elle commence par une partie de tennis qui permet de peindre avec une ironie féroce et ludique les cinq personnages. Les quatre rôles qui gravitent autour de l'oeuvre. Les personnages des deux jeunes sont formidables et leurs destins divergent. L'un choisira la vie et l'autre l'art. La nouvelle reprend des motifs fantastiques bien connus en les modifiant : la traversée du miroir et le portrait animé. Simpson « aux yeux doux et fous" traverse le miroir volontairement parce qu'il est mal à l'aise dans la bonne société anglaise, qu'il trouve la vie réelle monotone et la femme réelle totalement inaccessible, parce qu'il a cru aussi reconnaître dans le tableau le petit chemin familier de son enfance. Il est envoûté par le portrait et le discours de Magor, le bien nommé. Il traverse le portrait volontairement dans une joie extatique. Encore faut-il ne pas se perdre et retrouver le chemin de la réalité. Pour Nabokov, l'art n'est pas une tragédie morbide mais un jeu. le récit manipule aussi le lecteur. En même temps qu'on lit l'histoire fantastique on relève quelques indices au passage qui nous font penser à une supercherie, habitués que nous sommes à lire Edgar Poe ou Conan Doyle mais bien évidemment, à la fin, il reste quelques petits mystères et un citron.

CD 2 :
Bonté (14:42) : c'est l'histoire d'un sculpteur amoureux qui s'adresse à sa maîtresse/modèle infidèle. Il l'attend au coin d'une rue vers la porte de Brandebourg. Près de lui une vieille femme qui vend des guides touristiques et des cartes postales attend elle aussi. L'histoire est magnifique, poétique et se déroule entièrement dans le regard du narrateur. le sculpteur malheureux observe sous les gouttes d'eau scintillantes l'indifférence des passants, l'humilité de la vieille, la bonté du soldat qui lui offre un bol de café au lait chaud et il s'aperçoit que la joie intérieure qu'il cherchait est là chez les gens ordinaires. Il retourne à son atelier.

Le rasoir (10:14) : Ivanov ancien capitaine de l'armée blanche officie désormais comme barbier à Berlin. Un jour un homme trapu rentre dans son salon et lui fait signe qu'il veut être rasé. Ivanov le reconnaît dans tous les miroir à la fois, : c'est un ancien bolchevique qui fut autrefois semble-t-il son bourreau. Ivanov l'installe confortablement dans son fauteuil, le badigeonne de mousse à raser et affûte son rasoir…. Suspense et ironie. La nouvelle joue sur le contrastes des deux hommes: Ivanov est taillé au couteau, les traits anguleux et tourne autour de l'autre ; le client anonyme est tout en rondeur, le visage bouffi avec un grain de beauté dodu.

Le Voyageur (15:00) : un écrivain et un critique dialoguent. le critique prétend qu'un écrivain ne peut pas améliorer ce qui arrive dans la vraie vie. L'écrivain lui raconte alors une histoire vraie qui lui est arrivée dans un train...L'histoire courte, très ludique montre qu'on peut manipuler le lecteur en créant des attentes. La démonstration est formidable : L'art a été trompé par une vie plus inventive mais...il reste une énigme à la fin. Nabokov suggère qu'on peut certes se jouer des attentes du lecteur mais il faut lui laisser au bout du compte une porte ouverte.

Musique (17:06) : Victor arrive en retard dans un salon de musique alors que le récital de piano a débuté. Les spectateurs sont comme envoûtés, sauf Victor que la musique ennuie. Il observe alors les hôtes et voit son ex-femme, il revit leur histoire, il pense au temps qu'il a mis à essayer de l'oublier et la musique épouse ses états d'âme, il s'apprête à lui pardonner...Il a compris que la musique lui avait permis de transformer une histoire malheureuse en félicité mais...la fin est malicieuse avec un clin d'oeil à la Sonate à Kreutzer si chère à Tolstoï.
Commenter  J’apprécie          4714



Ont apprécié cette critique (44)voir plus




{* *}