AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Lire Lolita à Téhéran (76)

Les seuls moments où elles s'ouvraient et s'animaient vraiment étaient ceux de nos discussions autour des livres. Les romans nous permettaient d'échapper à la réalité parce que nous pouvions admirer leur beauté, leur perfection, et oublier nos histoires de doyens, d'université et de milice qui arpentait les rues. (…)
Les romans dans lesquels nous nous évadions nous conduisirent finalement à remettre en question et à sonder ce que nous étions réellement, ce que nous étions si désespérément incapables d'exprimer. (p. 64-65)
Commenter  J’apprécie          230
« Vivre dans la République islamique, c'est comme coucher avec un homme qui te dégoûte », ai-je dit à Bijan ce soir-là après le séminaire. Il m'avait trouvée en rentrant assise au salon dans mon fauteuil habituel, le dossier de Nassrin sur les genoux, ceux des autres éparpillés sur la table à côté d'un bol de glace au café en train de fondre. Il s'assit en face de moi et me dit : « Tu ne peux pas laisser cette phrase flotter comme ça dans l'air. Explique-toi clairement.
- Eh bien voilà : si tu es obligé de coucher avec quelqu'un qui te déplaît, tu fais le vide dans ta tête, tu prétends que tu es quelqu'un d'autre, tu veux oublier ton corps, tu le hais. C'est ce que nous faisons ici. Nous prétendons tout le temps être ailleurs, nous en rêvons, nous nous y préparons. Ça fait des heures que je réfléchis à ça. Je n'ai pas arrêté depuis que mes étudiantes sont parties. »
Commenter  J’apprécie          190
Plus que n'importe laquelle de mes étudiantes, Mahshid, me disais-je, pose sur la religion des questions vraiment inquiétantes. Dans ce qu'elle écrivait pour le séminaire, avec une rage aussi contenue que son sourire, elle avait passé en revue les plus petits détails de la vie sous la loi islamique. Plus tard, elle y noterait : " Yassi et moi savons que nous sommes en train de perdre notre foi. Nous la remettons en question par chacun de nos gestes. Sous le chah, c'était différent. J'avais l'impression de faire partie d'une minorité et de devoir continuer de croire, quoi qu'il arrive. Maintenant que ma religion est au pouvoir, je me sens encore plus impuissante qu'avant, et plus aliénée. " Elle racontait comment on lui avait dit depuis toujours que la vie en terre infidèle était un pur enfer. On lui avait promis que tout allait changer quand une juste loi islamique serait instaurée. Mais quelle loi islamique ? Ce carnaval hypocrite et honteux ? Elle parlait des hommes qui à son travail ne la regardaient jamais dans les yeux, des filles de six ans obligées de porter un foulard pour aller au cinéma et qui n'avaient pas le droit de jouer avec les garçons de leur âge. Elle-même portait le voile, et c'était pourtant une véritable douleur qu'on l'y oblige. Elle n'y voyait plus qu'un masque derrière lequel les femmes étaient forcées de se cacher. Elle parlait de tout cela avec une froideur et une rage terrible, terminant chaque phrase par un point d'interrogation.
Commenter  J’apprécie          120
Pendant les premiers raids aériens, les bombardements touchèrent une maison d'un quartier chic. Le bruit courut que la guérilla antigouvernementale en avait occupé les sous-sols. Pour apaiser la population affolée, Hāchemi Rafsandjani, alors porte-parole du Parlement, annonça lors de la prière du vendredi que l'attaque n'avait pas fait de véritables dégâts, car les seuls victimes étaient « des gens riches, arrogants et subversifs » qui auraient de toute façon probablement été exécutés un jour ou l'autre. Et il profita de cette occasion pour recommander aux femmes de s'habiller de tenues correctes pour dormir afin de ne pas être « indécemment exposées aux regards d'étrangers » si leur maison devait être touchée.
Commenter  J’apprécie          120
Je pense à mes étudiantes. Elles avaient beau venir de milieux différents et avoir des croyances diverses, elles affrontaient les mêmes dilemmes, tous provoqués par la confiscation de leurs aspirations les plus personnelles et des instants les plus intimes de leur vie . Le conflit reposait au cœur du paradoxe crée par la loi islamique. Maintenant que les mollahs gouvernaient notre pays, la religion était devenue un instrument de pouvoir, une idéologie.
Commenter  J’apprécie          110
Quand mes étudiantes entraient dans cette pièce, elles n'enlevaient pas
seulement leurs foulards et leurs robes. Petit à petit, chacune se
dessinait, reprenait forme, retrouvait son inimitable personnalité. Le
monde que nous avons construit dans ce salon, avec les monts Elburz
qui se profilaient dans l'encadrement de la fenêtre, devint un sanctuaire,
un véritable univers qui narguait à lui seul la réalité des timides visages
encadrés de noir qu'on voyait dans les rues. (p. 19)
Commenter  J’apprécie          90
Il y avait un aspect fondamental dans les différences qui existaient entre les femmes de mon âge et ces étudiantes, ou toutes les autres filles de leur génération. Nous nous plaignions d'une perte, du vide qui avait été crée dans nos vies quand on nous avait volé notre passé et fait de nous des exilées au sein de leur pays. Mais nous avions un passé à comparer avec le présent. Nous avions des souvenirs, des images de ce qui nous avait été pris. Ces jeunes femmes n'avaient rien. Leur mémoire était celle d'un désir qu'elles ne pouvaient exprimer, de quelque chose qu'elles n'avaient jamais eu. C'était ce manque, la faim qu'elles ressentaient pour ce qui faisait une vie normale, ordinaire, qui donnait à leurs textes la transparence lumineuse de la poésie.
Commenter  J’apprécie          90
Quand, aux USA, nous scandions Mort à ci ou à ça, il s'agissait de morts symboliques, abstraites, et l'irréalisme de nos slogans nous encourageait à les crier plus fort. Mais à Téhéran, en 1979, les mots se transformaient en réalités avec une précision macabre. Je me sentais impuissante. Tous les rêves, toutes les exigences se réalisaient, et on ne pouvait leur échapper.
Commenter  J’apprécie          90
En faisant de l'islam un instrument d'oppression, la révolution islamique lui avait plus porté tort qu'aucune puissance étrangère n'aurait jamais pu le faire.
Commenter  J’apprécie          71
Une femme entre dans la maison de son époux en robe de mariée et elle en ressort dans son linceul
Commenter  J’apprécie          70






    Lecteurs (658) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Les emmerdeuses de la littérature

    Les femmes écrivains ont souvent rencontré l'hostilité de leurs confrères. Mais il y a une exception parmi eux, un homme qui les a défendues, lequel?

    Houellebecq
    Flaubert
    Edmond de Goncourt
    Maupassant
    Eric Zemmour

    10 questions
    564 lecteurs ont répondu
    Thèmes : écriture , féminisme , luttes politiquesCréer un quiz sur ce livre

    {* *}