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Critique de visages


Dans ce roman autobiographique ,paru en 1945, G.Navel décrit son parcours depuis son enfance auprès d'une mère aimante, toujours souriante malgré sa vie de labeur, et d'un père ouvrier et soumis ,puis de sa propre entrée à l'usine à 12 ans, sa grande boucle pour y échapper et , finalement son retour.
Ce chemin, durant lequel il effectuera toutes sortes de travaux saisonniers : cueilleur de lavande,berger,ouvrier dans les salines d'Hyères,terrassier...est impressionnant.
Il cherche le bonheur et un sens à la vie. Il sera plusieurs fois tenté par la mort mais c'est toujours la nature et sa simplicité envoûtante,la liberté qu'elle représente qui le sauvera.
Il y a une tristesse en lui depuis l'enfance, dès l'école qu'il ne fréquentera pas longtemps " je le savais inconsciemment quand je préférais l'école buissonnière à celle de l'instituteur, celle- là qui,en voulant me donner l'instruction, s'appliquait sans le vouloir à tarir les sources qui rendent heureux."
Son frère Lucien lui ouvre les yeux sur le monde capitaliste,le taylorisme qui utilisent les ouvriers comme de simples machines au mépris de leur vie. En 1919, la révolution russe le fait rêver d'un autre paradigme " les noms de Karl Liebknecht,Rosa Luxemburg, Lénine m'illuminaient"
L'élan de l'espoir se tarit mais il gardera toute sa vie les traces de cet élan révolutionnaire et d'un autre rapport au monde.
C'est pour fuir le bruit et l'obscurité de l'usine qu'il part pendant de nombreuses années effectuer de multiples travaux saisonniers. Il constate cependant avec déception le manque de conscience de classe,de solidarité parmis les salariés. Leur soumission, " leur absence de ressaut". C'est auprès des terrassiers qu'il retrouve cette fierté du savoir faire, cette capacité à s'affirmer et l'esprit de camaraderie et d'entraide qu'il a connu à l'usine. Il leur rend hommage en rappelant que c'est eux qui les premiers ont répondu à l'appel de la première Internationale des travailleurs.
Ainsi,ce n'est pas la fatigue pourtant extrême du travail qui le mine mais son ennui . Son récit questionne ,en effet, avec talent , pertinence, humanité et profondeur le rapport au travail. Ce qui en fait une souffrance plutôt qu'une possibilité d'épanouissement. Il voit l'utilité du travail chez l'artisan,le paysan mais dénonce celui des grandes entreprises qui ne servent que la guerre ou la soif de luxe des classes dirigeantes.
Pourtant, après tous ses périples et malgré son amour pour la nature il revient à l'usine pour des raisons financières et il dit " dans le monde de l'usine ce qui reste de la nature c'est l'homme, c'est le compagnon,le reflet,le semblable."
On ne découvre pas dans ce récit comment G.Navel se met à l'écriture. Ce que je sais c'est qu'il est autodidacte. La qualité de son écrit, l'humanité qui s'en dégage et la pertinence de son regard sur le monde du travail forcent l'admiration !
C'est le magnifique billet de Plumes d'arbres qui m'a orientée vers cet auteur et je l'en remercie vivement.
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