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Critique de Christophe_bj


Ayant lu les deux premiers tomes du Journal de Fabrice Neaud rassemblés en un seul volume par les éditions Delcourt et republiés cette année, je n'étais pas sûr de lire la suite, puis je me suis décidé et je pense que j'ai bien fait ! Il s'agit de l'autobiographie de l'auteur en bandes dessinées, pour la période 1993-1995, alors qu'il termine ses études aux Beaux-Arts d'Angoulême et a toujours une vie sentimentale et sexuelle compliquée. ● On retrouve dans ce troisième tome les qualités et les défauts des deux premiers. Les qualités sont la finesse et la superbe qualité des dessins, en particulier des portraits, et l'absolue sincérité de l'auteur qui ne nous offre rien moins que sa vie, à la manière d'un Rousseau se mettant à nu devant le lecteur – mais du côté de Fabrice Neaud avec moins de ruse et d'atermoiements. ● En ce qui concerne les défauts, on note toujours une propension aiguë à la verbosité et à la théorisation psychologico-philosophique pas souvent bienvenues. On évite toutefois dans cet opus la lourdeur explicative d'une postface dont on se passe très bien. On évite aussi de gros plâtras de texte, même si les phrases sont parfois absconses tout en visant sans doute, pas toujours avec succès, à une certaine poésie (sans éviter les fautes d'orthographe et même de syntaxe). ● L'ouvrage est très long (428 pages, c'est un volume exceptionnel pour un récit graphique) et il faut être prêt à se colleter avec les obsessions de l'auteur, en particulier celle provenant de sa psyché, qu'on trouvait déjà dans les deux premiers tomes, et qui est de tomber systématiquement amoureux de garçons qui sont absolument incapables de réciproquer. Dans les deux premiers tomes, il s'agissait de Stéphane, qui était lui-même homosexuel. Dans celui-ci, c'est Dominique, dit Doumé, qui ne l'est pas et qui, selon l'auteur, l'a « allumé » par jeu sans en assumer les conséquences dévastatrices. D'un autre côté on peut considérer que les caricatures de Doumé qu'il crée et diffuse, même de façon restreinte, pour se venger plus ou moins consciemment, est le summum de la maladresse. ● On retrouve aussi dans cet album les dragues dans le jardin public d'Angoulême et leurs dangers, cet aspect étant plus développé ici. Il aime les garçons outrancièrement virils, les rugbymen, les bodybuilders, goût qu'il n'est pas le seul à avoir, et qui lui fait dire : « Par quel hasard abject en suis-je arrivé à désirer les brutes qui me cassaient la gueule dans la cour de récréation ? » (p. 35) ● L'intimité de l'auteur est vraiment exposée, dans les moindres détails, y compris anatomiques, mais je n'ai pas trouvé qu'il était impudique. (« J'ai un travail... qui m'épluche l'âme », p. 51) ● Un autre trait de sa psychologie est la paranoïa et a pour conséquence qu'il se fâche avec à peu près tout le monde. Il ne semble pas se rendre compte que la façon dont il est traité provient en grande partie de sa propension à heurter des gens, à se confronter à eux de façon frontale, sans jamais chercher à arrondir les angles. Il est entier, il le sait, et il ne fait rien pour changer. Il est aussi très autocentré, la forme de l'autobiographie mettant encore plus l'accent sur ce trait. ● On voit encore dans cet album la précarité sociale et la pauvreté des dessinateurs de bd, surtout ceux qui comme lui ont une vision sans compromis de leur métier. ● Avec tout cela, on comprend que l'auteur-narrateur nous livre cette pensée : « Je ne suis pas très heureux » (p. 369), ce qui est un doux euphémisme. L'album ne respire donc pas la joie de vivre et l'auteur se qualifie lui-même de « dépressif », même si j'ai trouvé qu'il était moins plombant que les deux premiers. ● En conclusion, je crois que ce que j'apprécie dans ces albums c'est l'originalité d'une autobiographie en forme de récit graphique et surtout, surtout, l'extrême désir qu'a l'auteur de se livrer au lecteur de la façon la plus franche possible : cette mise à nu de soi est une entreprise à la fois remarquable et touchante. ● A noter qu'on peut très bien lire ce tome 3 sans avoir lu les deux premiers.
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