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Critique de GeorgesSmiley


Sweet Little Sixteen, comme chantait le très regretté Chuck Berry ! Epoque bénie où, l'été venu, les « Suédoises libérées » attiraient, y compris dans la France du Grand Charles, des regards aussi étonnés que ravis suivis parfois de remarques acerbes voire furibondes. Où les cinémas mettaient à l'affiche Sueurs Froides (en anglais Vertigo) d'Alfred Hitchcock avec la sublime Kim Novak. A ce sujet, saviez-vous que Marylin Novak, son vrai nom, n'entendait pas en changer, même pour faire plaisir à Harry Cohn le patron de la Columbia. Elle bouda, il la mit en demeure et elle accepta seulement de troquer Marylin pour Kim qu'elle choisit elle-même. Il faut dire qu'il lui expliqua qu'il y avait déjà une Marylin qui faisait, elle aussi, une petite carrière. Je m'égare un peu ? Vous avez raison, mais c'est pour faire comprendre aux gamins d'aujourd'hui qui me liraient qui était Kim Novak et comment Erik, quatorze ans et toutes ses facultés, n'en croit pas ses yeux lorsque… Je lui laisse la parole, bien qu'il n'en abuse pas :
« J'étais sûr que c'était moi qui l'avait vue en premier mais Benny et Enok étaient tout aussi sûrs que c'était eux et, dans le fond, ça n'avait pas d'importance. Seule sa présence comptait.
_ Bordel de merde ! s'est exclamé Benny, la bouche grande ouverte comme s'il était chez le dentiste et qu'il attendait la fraise.
_ Oh, putain ! a dit Enok au Gros Cul. C'est Kim Novak ou quoi !?
Moi je n'ai rien dit. D'une part parce que je ne parlais jamais pour ne rien dire, d'autre part parce que j'étais abasourdi. On se serait cru au cinéma. Mais en mieux. La nana sur la mobylette qui fonçait droit dans la cour de l'école avait vraiment la tête de Kim Novak.
_ Quelle beauté, nom de Dieu ! s'est écrié Balthazar Lindblom.
_ C'est une Puch, a constaté Enok au Gros Cul. Oh, putain ! Kim Novak débarque dans notre école en Puch. Je rêve !
Sur quoi Enok au Gros Cul s'est évanoui. Il était épileptique et il lui arrivait de tourner de l'oeil. J'aurais d'ailleurs trouvé étonnant qu'il résiste à cette scène.
Kim Novak a arrêté sa Puch. Elle est restée un instant assise sur la selle, un sourire aux lèvres et les pieds dans le gravier, à regarder les cent huit personnes pétrifiées dans la cour. Puis...d'un pas rapide, elle s'est frayé un chemin à travers l'attroupement de personnages en cire.
Je l'ai regardée disparaître derrière les portes puis j'ai tourné la tête et j'ai découvert Edmund tout près de moi. Epaule contre épaule. Enfin, si on peut dire, étant donné la différence de taille.
_ Alors là, a-t-il dit d'une voix épaisse, voilà ce que j'appelle une femme mûre !
J'ai acquiescé en pensant aux pin-up des revues de son père. C'était forcément un connaisseur. »
Le ton est donné, pour un roman policier décalé qui sort vraiment de l'ordinaire, prenez le vraiment pour un compliment. On est en Suède et on se moque de savoir si l'inspecteur s'entend ou pas avec sa femme, est dépressif ou pas, aime l'opéra ou pas. Tout est centré sur les deux gamins et c'est parfait. le narrateur a donc quatorze ans, son père est gardien de prison et passe l'essentiel de ses loisirs à l'hôpital au chevet de sa femme qui va bientôt mourir d'un cancer. On comprend que ce narrateur soit un taciturne qui a appris à se taire. de plus, son grand frère Henry dit Rick parce qu'il est aussi beau gosse que Ricky Nelson (n'oubliez surtout pas, en commençant la lecture, de vous préparer une bande son fabuleuse tirée des morceaux qui ponctuent l'été des adolescents avec Ricky donc, les Drifters, Eddie Cochran et des « standards » comme Cotton Fields, Twilight Time, Long Hot Summer, The House of the Rising Sun (les portes du pénitencier)), s'avère vite être le principal suspect. Il a un mobile et pas d'alibi. Chut !
Le ton est surprenant, les dialogues sont savoureux, les gamins livrés à eux-mêmes dans une cabane au fond des bois vont profiter au jour le jour de leur liberté : « la vie doit être pour nous comme un jour d'été pour un papillon », avec toutes les audaces : « Eva, j'ai dit. Tant pis si je n'ai que quatorze ans. Tu es la plus belle femme de la terre et je t'aime. »
Des vacances somme toute réussies : « Edmund s'est assis. Ils vont venir nous chercher, tu ne penses pas ? Si. A mon avis, ils ne vont pas tarder. Un dernier tour en bateau, a-t-il dit. C'est trop triste. Il a été vachement bien cet été. Un été du tonnerre ! »
Un auteur inconnu, un roman acheté sur une impulsion sans rien en attendre de particulier (Kim Novak, bien sûr !) et une très, très bonne surprise. Un roman du tonnerre !
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