AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Un été avec Kim Novak (28)

Pour Edmund, le petit déjeuner était une sorte de rituel, il y mettait autant de soin qu’un prêtre à préparer la communion à l’église.
Commenter  J’apprécie          100
_ Comment va ta maman ? m'a-t-elle demandé.
_ L'été sera rude, j'ai répondu.
Elle a hoché la tête puis elle s'est mouchée dans un mouchoir qu'elle a sorti de la poche de son tablier.
_ C'est mon père qui dit ça, j'ai ajouté.
_ Eh oui ! Qui vivra verra, a-t-elle fait.
C'est à cette époque que j'ai commencé à comprendre que c'était la manière dont les adultes s'exprimaient. Mon père n'était pas le seul. Il fallait utiliser ce genre de formules pour montrer qu'on avait acquis une certaine maturité. Depuis que la maladie de ma mère s'était aggravée et qu'elle était hospitalisée, je m'efforçais de retenir les dictons les plus utilisés pour les avoir à ma disposition en cas de besoin.
"C'est comme ça."
"Un ennui n'arrive jamais seul."
"Ca aurait pu être pire."
"On sait si peu de choses."
Commenter  J’apprécie          60
Il était prévu que mon frère Henry fasse des études pour s'élever d'un cran ou deux dans l'échelle sociale. Or les choses ne se sont pas déroulées exactement selon les plans. Il avait pourtant été admis au lycée de la capitale régionale, une institution prestigieuse... Au bout d'un peu plus d'un an, Henry a cependant pris la poudre d'escampette, et environ un an encore plus tard, il est venu frapper à notre porte d'Idrottsgatan, un sac de marin et un régime de bananes sur le dos ainsi qu'une rose tatouée sur le bras. Il avait fait le tour du monde, nous a-t-il expliqué, et avait passé du temps surtout à Hambourg et à Rotterdam. Nous avons tous compris qu'il ne tenait plus trop à s'élever dans l'échelle sociale. Ni d'un cran ni de deux.
Commenter  J’apprécie          40
Elle était trop belle, tout simplement. On aurait dit une déesse, ou une Kim Novak. Tous ceux qui l'ont vue ce soir-là se sont rendu compte qu'il ne faut pas voler trop près du soleil. L'obscurité avait commencé à prendre possession des coins que la lumière des lampadaires n'atteignait pas et Eva Kaludis se trouvait justement dans un de ces endroits sombres. Mais, malgré cela, elle était nimbée de lumière comme un ange ou comme si on l'avait peinte avec une de ces peintures fluorescentes qu'utilisait Jonsson dans la vitrine de son magasin de jouets à Noël pour mettre les bonhommes de neige en valeur. On s'est arrêtés net, Edmund et moi.
_ Oups, a fait Edmund.
Moi, je n'ai rien dit. J'ai fermé les yeux, puis j'ai pris mon courage à deux mains et je me suis approché d'elle. Ca ne m'a demandé que quelques secondes, mais elles m'ont semblé longues comme l'éternité et en arrivant devant elle je me suis senti beaucoup plus vieux.
_ Bonjour, Eva, j'ai dit.
J'étais plus courageux que le colonel Darkin et Youri Gagarine réunis.
Son visage s'est illuminé.
_ Tiens, salut. Vous êtes là ? a-t-elle répondu sur un ton joyeux. Ca fait plaisir de vous voir.
Sa réaction chaleureuse m'a rendu muet, mais Edmund à deux pas derrière moi, a volé à mon secours.
_ Bien sûr que nous sommes là, a-t-il dit. Vous êtes seule et abandonnée, mademoiselle ?
J'ai ressenti une pointe de jalousie de ne pas avoir su trouver une réplique aussi géniale, à la fois protectrice et effrontée.
Elle a laissé entendre un petit rire puis elle a tiré sur sa cigarette.
_ J'attends mon fiancé.
Commenter  J’apprécie          30
En revanche, une question a soudain creusé un abîme d'angoisse en moi. Comment allais-je réussir à vivre sans Eva Kaludis ? Ses seins étaient, d'une certaine manière, restés collés contre mon épaule.
Eva est venue dans notre salle de classe le dernier jour d'école.
"Je tiens à vous remercier pour les semaines que nous avons passées ensemble, j'ai eu beaucoup de plaisir à travailler avec vous. Bonnes vacances à vous tous !"
Jamais auparavant, jamais au cours de mes quatorze ans de vie, je n'avais entendu de discours plus spirituel. D'un mouvement de hanches, Eva Kaludis est sortie de la salle et une main glaciale a serré mon coeur.
Merde ! je me suis dit. C'est comme ça qu'elle me quitte ?
J'étais pétrifié. Là, devant ma table, j'ai soudain compris ce que ça signifiait de perdre quelqu'un d'irremplaçable. D'indispensable. J'ai compris ce que l'on devait ressentir cinq minutes avant de se jeter sous un train. Mais aucun train n'a traversé la salle de classe. Heureusement.
Commenter  J’apprécie          30
L’histoire que je vais vous raconter est celle de la Catastrophe. Mais pas seulement. Si l’été 196… est ancré dans ma mémoire plus solidement qu’aucun autre de mon adolescence, c’est à cause de la Catastrophe, qui a jeté son ombre sinistre sur un grand nombre de personnes et de choses : sur Edmund et moi, sur mes pauvres parents et mon frère, sur la période qui a suivi, sur la ville dans la plaine avec ses habitants, ses événements et sa vie qui ne seraient sans doute jamais remontés du puits de l’oubli s’il n’y avait pas eu ce drame.
Par où commencer ? Comment trouver le fil à suivre pour dévider l’écheveau de mes souvenirs ? Quel est le point de départ idéal pour raconter cet été maintenant si lointain ? Toutes ces questions m’ont beaucoup préoccupé et les variantes possibles sont nombreuses. Finalement lassé de chercher le point de départ idéal, j’ai décidé de commencer par une scène ordinaire dans notre cuisine d’Idrottsgatan. C’était une douce soirée de mai en 196… et il n’y avait que mon père et moi.
Chose dite, chose faite.
Commenter  J’apprécie          30
"L'amour c'est comme le train avait dit un jour la mère de Benny. Il vient et il repart."
Commenter  J’apprécie          30
_ Est-ce que tu t'es déjà fait taper dessus ? Je veux dire, est-ce que tu as déjà reçu une bonne branlée ?
Après une petite réflexion, j'ai répondu que non.
_ Moi, si, a dit Edmund sur un ton presque solennel. Par mon paternel. J'ai reçu de sacrées branlées.
_ Par ton père ? Qu'est-ce que tu racontes ? Pourquoi ton père ferait ...?
_ Non, pas lui, m'a interrompu Edmund. Je te parle de l'autre, de mon vrai père. Albin, c'est mon beau-père. Il s'est marié avec ma mère quand mon vrai père a foutu le camp. T'imagines même pas comme il nous battait... ma mère et moi. Une fois il a tellement cogné sur ma mère qu'elle est restée sourde.
_ Mais pourquoi ?
_ Il était comme ça. C'est impossible à oublier, a-t-il ajouté après un moment de silence. L'effet que ça fait. On a tellement... peur quand on attend. L'attente, c'est presque pire que les coups.
C'est monstrueux les gens qui cognent sur les autres, a poursuivi Edmund en remettant ses lunettes dégoulinantes. Les gens qui s'attaquent à des plus faibles qu'eux. Je ne peux pas le supporter.
_ Oui, c'est monstrueux, j'ai consenti. On ne devrait pas tolérer ce genre de merde.
Commenter  J’apprécie          20
Dans ce lieu enfumé se bousculaient une dizaine de talents locaux pour défier un couple particulièrement spectaculaire, Harry Diamond et sa femme Vicky. De vrais pros. Il émanait d'eux une odeur de péché si forte qu'il suffisait de s'approcher de leur tente pour avoir des fourmis dans le pantalon.
Le jeu était une variante du poker, une sorte de Stud à sept cartes. Harry jouait contre trois ou quatre personnes à la fois et Vicky s'occupait de la distribution. On aurait dit qu'elle était née avec un jeu de cartes dans la main. Impossible de voir si elle commençait par le haut ou par le bas de la pile. Au moment le plus critique, elle se penchait en avant, exposant ses seins gonflés et brillants sur le point de s'échapper de sa robe, et plus personne n'était capable de suivre son petit manège. Les gens étaient au courant de son truc mais ça ne changeait rien. Infichus de détourner le regard de ses nichons, ils tombaient tous dans le panneau. C'était comme ça.
Commenter  J’apprécie          20
La seconde vraie maison était toute petite et avait appartenu à un soldat. Elle était occupée par les Levy, un couple de Juifs âgés qui avaient survécu à Treblinka, et qui ne fréquentaient personne. Une fois par semaine, ils se rendaient chez Laxman avec leur vieux tandem, traînant derrière eux un chariot qu'ils chargeaient de produits pour les sept jours suivants.
A cette époque, j'ignorais la vraie signification de "avoir survécu à Treblinka", mais j'avais compris que c'était quelque chose de trop épouvantable pour qu'on en parle.
Mes parents n'en parlaient donc pas. Les autres non plus. On avait l'impression qu'il aurait presque mieux valu mourir à Treblinka plutôt que d'y avoir survécu. Quand je passais à vélo devant cette petite maison paisible, je me disais qu'elle devait être à l'image du monde. Il existait des choses tellement terribles qu'il était préférable de ne pas essayer de les comprendre. Il fallait les laisser tranquilles et considérer les mots qu'on mettait dessus comme des pansements d'invisibilité et de silence.
Commenter  J’apprécie          20






    Lecteurs (108) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (6 - polars et thrillers )

    Roger-Jon Ellory : " **** le silence"

    seul
    profond
    terrible
    intense

    20 questions
    2868 lecteurs ont répondu
    Thèmes : littérature , thriller , romans policiers et polarsCréer un quiz sur ce livre

    {* *}