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Critique de PierreF


Après le grinçant et controversé Je tue les enfants français dans les jardins, voici la dernière production de Marie Neuser, qui démontre que cette auteure est indéniablement douée par son univers noir et sans concession.

Il semblerait que l'univers des jeunes soit à l'honneur en ce moment ; du moins, c'est mon impression au vu de mes lectures récentes. Et la période de l'adolescence est une charnière, un moment bien particulier de passage de l'enfance à l'âge adulte. le roman s'ouvre sur Anna, une jeune femme qui retourne dans la maison familiale d'Acquargento, en Corse. Elle se rappelle cet été maudit, quand elle avait 16 ans, ses moments de solitude, de lassitude, et l'arrivée de sa soeur Hélène.

Car, Anna a toujours mal vécu l'écart d'âge avec Hélène, ces 14 années qui ressemblent à un rempart infranchissable. de même, Hélène a toujours été adorée par ses parents, là où Anna s'est sentie délaissée, comme le vilain petit canard. Et comme il est facile de s'enfermer dans une culture cinématographique ou musicale qui parle de ce qu'elle ressent, mais a du mal à identifier, et que ses parents dénigrent. Comme il est facile de s'isoler, de foncer dans sa chambre à écouter au casque Nick Cave ou les Cure.

Mais comme il est difficile de comprendre les autres, d'ouvrir les yeux devant les attitudes des « grands ». Que c'est compliqué de comprendre sa mère si attentionnée envers la fille de Hélène, Léa qui a un an, et pourquoi son père semble si absent en laissant tout faire, pourquoi Hélène agit-elle si bizarrement envers sa fille, au risque de lui faire prendre de réels dangers, pourquoi les hommes la regardent-ils sur la plage ? Autant de questions restées sans réponses auxquelles d'ailleurs il n'y a peut-être pas de réponses.

Anna subit ce que Baudelaire a si bien décrit, l'Ennui avec un grand E. Elle assiste aux futilités des uns, aux actes inutiles des autres. Anna regarde le monde comme si elle était spectatrice, se découvrant pas tout à fait femme, mais ressentant un sentiment inconnu d'elle, un attrait inédit envers un petit être sans défense, qu'elle ne comprend pas, qu'elle pense être de la pitié, puis un sentiment d'amusement, avant de devenir de l'amour filial.

Vous l'aurez compris, ce roman est un magnifique portrait d'une adolescente mal dans sa peau, qui va trouver son salut dans sa nièce, mais l'intrigue est et restera noire. Marie Neuser va suivre son personnage d'un seul point de vue, totalement subjectif et sans jamais en rajouter. C'est magnifique de sensibilité, de pureté, d'intelligence, un portrait sans concession, sans forcément juger les différents personnages.

C'est aussi un roman écrit à la deuxième personne, avec un « vous » obsédant, dérangeant, énervant parfois, provocant ; ce « vous » qui force le lecteur à se mettre à la place de Anna, qui donne l'impression de se retrouver devant un tribunal, devant des juges sans pitié. Je me suis d'ailleurs posé la question si le roman n'aurait pas été plus direct, plus frappant s'il avait été écrit à la première personne du singulier.

N'allez pas y chercher de suspense quant à l'issue de l'intrigue, elle va être dramatique. N'allez pas non plus y chercher une quelconque leçon de morale, ou la moindre piste vers un avis ou une opinion. Par contre, je suis resté époustouflé par la justesse des sentiments exprimés, par l'acuité de la psychologie d'Anna, tantôt aveuglée par ses doutes, tantôt ébahie par la beauté des paysages corses. Avec ce deuxième roman, Marie Neuser frappe fort et ne laisse aucun doute quant à son énorme talent à construire des intrigues incroyablement noires et fortes au travers de la vision subjective de personnages torturés. Un des romans à ne pas rater pour cette rentrée littéraire 2012.
Lien : http://black-novel.over-blog..
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